Pourquoi La Musique Est Haram?
A en croire l’Etat islamique, qui va jusqu’à brûler des instruments de musique, la réponse est clairement oui : l’islam interdit la musique. Sauf que c’est totalement faux s’agissant de l’islam (le Coran n’évoque nulle part la musique). A en croire l’Etat islamique, qui va jusqu’à brûler des instruments de musique, la réponse est clairement oui : l’islam interdit la musique.
- Sauf que c’est totalement faux s’agissant de l’islam (le Coran n’évoque nulle part la musique).
- Un seul verset (6ème de la sourate 31) fait vaguement allusion à la musique : « Tel homme ignorant se procure des discours plaisants (ou futiles) pour égarer les autres hors du chemin de Dieu et prendre celui-ci en dérision.
Voilà ceux qui subiront un châtiment ignominieux «, Il s’agit d’un verset ambigu, ou équivoque, qui peut être interprété de plusieurs façons : certains voient dans les « discours futiles » une référence à la musique, d’autres une référence au polythéisme ou au paganisme.
Mais nulle part il n’est dit dans le Coran que la musique est haram, Dans cette vidéo, un imam explique très clairement cela : à savoir que le Coran, nulle part, n’interdit la musique. Il analyse aussi les raisons pour lesquelles, sur le web notamment, l’opinion majoritaire (fausse, donc) prétend le contraire.
Pour cette imam, dire que le Coran interdit l’islam est une « manipulation » : La musique, d’abord, est un art de l’islam. Non seulement elle n’est pas interdite, mais elle est même nécessaire s’agissant du tajwîd, qui est la science de la récitation et de l’incantation des versets coraniques.
En outre, durant plusieurs siècles, la musique était un art majeur de la civilisation islamique à Damas, Bagdad ou encore Cordoue et de nombreux instruments de musique, comme le ‘oud (luth), datent de cette époque. Une tradition rigoriste, cependant, qui existe du reste dans les trois religions du Livre, a très tôt considéré que la musique, et surtout la danse, pouvaient éloigner de la foi.
Au 20 ème siècle, la généralisation de la culture occidentale, de ses rythmes et influences, a renforcé cette idée sur fond de déclin de la culture islamique. S’opposer à la musique est ainsi devenu une façon de s’apposer d’abord à la culture occidentale, et plus généralement à l’Occident.
Aujourd’hui, certains extrémistes, comme l’imam auto-proclamé de la mosquée de Brest, Rachid Abou Houdeyfa, estiment que la musique est impure, donc haram. Dans une vidéo en 2014, cet imposeur affirmait que ceux qui aiment la musique risquent d’être « transformés en singes et en porcs «, Inutile de commenter ici l’absurdité de tels propos.
Au final, rien dans le Coran ne permet de dire que l’islam interdit la musique. Celle-ci n’est pas considérée comme haram dans le Coran (contrairement à l’alcool par exemple, qui fait l’objet d’un interdit clair). N’en déplaise aux djihadistes, les nashîd, ces chansons affirmant la foi et le combat, sont de la musique ! Publié le 08/03/2017 par WTF
Pourquoi la musique est interdite dans l’islam ?
La question se pose après les attentats du 13 novembre dernier dont l’attaque la plus meurtrière visait le Bataclan, une salle de concert. Bien que le mot « musique » ne soit jamais cité dans le Coran, elle est considérée comme impure par les djihadistes ainsi que par certains musulmans ultra-conservateurs.
– On ne saura jamais avec certitude ce que visaient les terroristes de Daech lors de l’attaque la plus meurtière des attentats de Paris : celle du Bataclan, une salle de concert, où 80 personnes ont trouvé la mort. On ne saura jamais si c’est le concert de rock qui était visé, ou s’il s’agissait d’un plan atrocement pragmatique, c’est-à-dire l’assurance de faire un carnage dans un lieu fermé et plein à craquer.
Mais la musique semble être clairement une cible potentielle, comme le rappelait l’ancien juge antiterroriste** Marc Trévidic** dans plusieurs interviews. Il y a trois mois, le dernier djihadiste auquel il avait eu affaire lui avait indiqué que Daech cherchait à viser un concert de rock.
- La musique pose donc un problème aux islamistes radicaux mais aussi à certains musulmans ultra-conservateurs.
- C’est le cas de** Rachid Abou Houdeyfa**, un imam franco-marocain de 35 ans qui prêche à Brest dans le quartier de Pontanézen et qui a créé la polémique suite à ses propos sur la musique.
- Une vidéo enregistrée en septembre 2014, avant les attentats de Paris, mais qui prend une toute autre signification depuis.
Voici ce qu’il disait à des enfants : ceux qui aiment la musique risquent d’être » transformés en singes et en porcs « . Dans chacune de ces vidéos – regardées près de 50 000 fois – il prêche un islam très conservateur. A tel point que sa mosquée et son domicile ont été perquisitionnés peu de temps après les attentats, sans que la police y trouve quelque chose de suspect.
- L’imam Houdeyfa a depuis déclaré regretter ses propos sur la musique.
- Il a également condamné les attentats de Paris, toujours via une vidéo youtube.
- Malgré tout, la présence de l’imam commence à gêner dans ce quartier de Brest.
- Une pétition réclame son expulsion et la fermeture de la mosquée.
- Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux a estimé qu’il fallait le » mettre dans un asile psychiatrique « , rappelant que les » compagnons du Prophète pratiquaient la musique « .
Même condamnation de la part d’ Anouar Kbibech, le président du Conseil français du culte musulman, qui juge ces propos sur la musique » inadmissibles » et explique que Mahomet n’avait jamais dit ce type de » monstruosités « . Et il n’est pas le seul à tenir de tels propos.
- Pour le savoir, il suffit de taper « islam et musique » dans un moteur de recherche sur internet pour tomber sur des dizaines de vidéos qui expliquent ce qu’il faut penser de la musique, pourquoi elle est interdite, etc.
- Des vidéos qui émanent d’un courant radical de l’islam, mais qui n’est pas représentatif de l’ensemble des musulmans selon Farid El Asri, anthropologue et professeur associé à l’Université internationale de Rabat et à l’Université catholique de Louvain.
» Le mot musique n’est jamais prononcé dans le Coran. Il existe seulement une série d’interprétations autour d’un verset dans lequel il y aurait une allusion à la musique. Tout un argumentaire juridique a été construit au fil de l’histoire. Pour certains il est explicitement dit que la musique est interdite, d’autres ne la condamnent pas mais donnent des conditions, et encore d’autres lui donnent un caractère spirituel, voire sacré « .
- Le verset en question est le 6ème de la sourate 31 : » Tel homme ignorant se procure des discours futiles pour égarer les autres hors du chemin de Dieu et prendre celui-ci en dérision.
- Voilà ceux qui subiront un châtiment ignominieux « .
- Traduction de Denise Masson, 1967).
- Depuis le IXe siècle, deux courants de pensée s’affrontent sur le sens de ce passage.
Si certains y voient une référence à la musique, d’autres penchent plutôt pour une allusion aux religions polythéistes. Mais la question n’a jamais été tranchée en terme d’interdit, car dans l’Islam, est désigné comme « haram » (impur en arabe) ce qui est explicitement écrit dans le Coran.
Est-ce que la musique est interdite en islam ?
Débat actuel – Ces questions font aujourd’hui encore l’objet de débat dans le monde musulman et en dehors, tout particulièrement en raison de la diffusion de la pensée fondamentaliste et ont été diffusées auprès du public par certains scandales, dont la destructions d’instruments par Daech ou les talibans, l’ attentat du Bataclan et sa musique nommés « fête de perversité » dans la revendication daechienne ou encore par un prêche mélophobe de Rachid Abou Houdeyfa, l’imam de la mosquée Sunna de Brest,
- Le développement de ce courant critique participe aujourd’hui à la construction d’une unité collective fondamentaliste,
- La musique dans le monde sunnite est donc frappée d’interdits musicaux qui touchent aussi bien la musique religieuse que la musique profane.
- Ces prescriptions interdisent tout particulièrement, la musique instrumentale qui pourrait être considérée par l’Islam comme un art antireligieux.
Pour cette raison et à la différence du soufisme, les instruments ne sont pas utilisés dans le cadre de la musique religieuse sunnite. Ce débat touche l’ensemble de la musique dont certaines prennent aujourd’hui des dimensions de critère d’appartenance religieuse pour certains musulmans européens ou être utilisée à des fins missionnaires,
Quel instrument de musique est interdit dans l’islam ?
Il s’agit de la lyre, dont le prophète demande la destruction.
Est-ce que c’est haram d’aller à un concert ?
« Avec un public très jeune, l’impact est particulièrement saisissant » – Invité du Grand Matin Sud Radio ce mardi, ce dernier souligne notamment le choix pas anodine de la cible choisie pour cette attaque. » Les concerts sont considérés comme haram par l’État Islamique, c’est-à-dire non conforme à l’islam radical et rigoriste, pour qui la musique correspond à des sifflements sataniques.
Cela en fait donc des cibles privilégiées, et bien évidemment que l’impact, notamment avec un public très jeune, est particulièrement saisissant « , explique-t-il. Alors que la ville de Birmingham avait été au centre de toutes les attentions il y a deux mois lors de, Philippe Cohen-Grillet assure que les regards devraient de nouveau se tourner vers cette localité, la deuxième plus peuplée d’Angleterre (un million d’habitants).
» Birmingham est une ville au centre du pays, où une très grande communauté radicale est installée. C’est là d’ailleurs que le terroriste qui avait foncé en mars dernier dans la foule avec une voiture avait loué son véhicule. C’est aussi là que des perquisitions avaient eu lieu.
Est-ce que la musique est un grand péché ?
A en croire l’Etat islamique, qui va jusqu’à brûler des instruments de musique, la réponse est clairement oui : l’islam interdit la musique. Sauf que c’est totalement faux s’agissant de l’islam (le Coran n’évoque nulle part la musique). A en croire l’Etat islamique, qui va jusqu’à brûler des instruments de musique, la réponse est clairement oui : l’islam interdit la musique.
- Sauf que c’est totalement faux s’agissant de l’islam (le Coran n’évoque nulle part la musique).
- Un seul verset (6ème de la sourate 31) fait vaguement allusion à la musique : « Tel homme ignorant se procure des discours plaisants (ou futiles) pour égarer les autres hors du chemin de Dieu et prendre celui-ci en dérision.
Voilà ceux qui subiront un châtiment ignominieux «, Il s’agit d’un verset ambigu, ou équivoque, qui peut être interprété de plusieurs façons : certains voient dans les « discours futiles » une référence à la musique, d’autres une référence au polythéisme ou au paganisme.
Mais nulle part il n’est dit dans le Coran que la musique est haram, Dans cette vidéo, un imam explique très clairement cela : à savoir que le Coran, nulle part, n’interdit la musique. Il analyse aussi les raisons pour lesquelles, sur le web notamment, l’opinion majoritaire (fausse, donc) prétend le contraire.
Pour cette imam, dire que le Coran interdit l’islam est une « manipulation » : La musique, d’abord, est un art de l’islam. Non seulement elle n’est pas interdite, mais elle est même nécessaire s’agissant du tajwîd, qui est la science de la récitation et de l’incantation des versets coraniques.
- En outre, durant plusieurs siècles, la musique était un art majeur de la civilisation islamique à Damas, Bagdad ou encore Cordoue et de nombreux instruments de musique, comme le ‘oud (luth), datent de cette époque.
- Une tradition rigoriste, cependant, qui existe du reste dans les trois religions du Livre, a très tôt considéré que la musique, et surtout la danse, pouvaient éloigner de la foi.
Au 20 ème siècle, la généralisation de la culture occidentale, de ses rythmes et influences, a renforcé cette idée sur fond de déclin de la culture islamique. S’opposer à la musique est ainsi devenu une façon de s’apposer d’abord à la culture occidentale, et plus généralement à l’Occident.
- Aujourd’hui, certains extrémistes, comme l’imam auto-proclamé de la mosquée de Brest, Rachid Abou Houdeyfa, estiment que la musique est impure, donc haram.
- Dans une vidéo en 2014, cet imposeur affirmait que ceux qui aiment la musique risquent d’être « transformés en singes et en porcs «,
- Inutile de commenter ici l’absurdité de tels propos.
Au final, rien dans le Coran ne permet de dire que l’islam interdit la musique. Celle-ci n’est pas considérée comme haram dans le Coran (contrairement à l’alcool par exemple, qui fait l’objet d’un interdit clair). N’en déplaise aux djihadistes, les nashîd, ces chansons affirmant la foi et le combat, sont de la musique ! Publié le 08/03/2017 par WTF
Est-ce que la danse est haram ?
Assta est musulmane et danse depuis toujours. Sa religion le lui interdit, mais sa famille l’encourage. Parce que danser lui procure joie et liberté. Je suis très croyante et pratiquante : je fais la prière cinq fois par jour, je prends des cours d’arabe, je fais le ramadan.
- Je ne compte ni boire ni fumer ni avoir de rapports sexuels avant le hlel (le mariage religieux).
- Je suis musulmane et je danse depuis que je suis toute petite.
- La danse est devenue une passion, mais ma religion réprouve cette pratique.
- Parce que dans la religion musulmane, la musique et les danses dénudées sont haram (interdites), et la danse sans musique, ça n’existe pas.
Avec ma famille, nous allions souvent à des mariages traditionnels lors de nos vacances au Mali. On dansait et j’adorais ça, même si c’était interdit par notre religion. Je me suis vraiment mise à la danse il y a deux ans en m’inscrivant dans une association dans mon quartier qui s’appelle Pierre De Lune, à Pantin.
Est-ce que c’est haram de se mettre en couple ?
Le conjoint blédard : ascension sociale contre endogamie ethno-religieuse – 35 Comme l’illustre l’exemple de Farida, les « blancs » sont davantage acceptés, surtout lorsqu’ils appartiennent à un milieu plus aisé. Elle avait pourtant reçu des lettres anonymes d’insultes condamnant son mariage avec un blanc non converti, cependant, elle n’a pas eu de vraies difficultés à le faire accepter par sa famille.
Avec lui, Farida découvre un monde différent de celui de la cité : celui des classes moyennes. Désormais, elle goûte de partir avec lui en week-end, de s’adonner à la lecture, etc. Mais ce que cet exemple montre également, c’est que même si les parents exercent une grande pression pour maintenir l’endogamie ethnique et géographique, les enfants, dans leur fréquentation avant le mariage, s’en affranchissent souvent, faisant entrer d’autres critères : intérêts partagés, espoirs d’une ascension sociale.
Awa, étudiante d’origine malienne, en couple non marié, confessante séculière, rapporte : « Les parents ont leur gendre idéal, un Africain, du Mali ou d’un pays limitrophe, de là-bas ou d’ici peu importe, musulman, du Golfe de Guinée, pas du reste de l’Afrique.
Mais enfin, c’est leur souhait, dans ma famille de toute façon, j’ai une cousine qui s’est mariée avec un Pakistanais, ma sœur avec un Zaïrois, moi je veux juste qu’on soit sur la même longueur d’ondes, qu’il ait fait des études. » 36 Mais en même temps, presque tous (surtout les filles) veulent éviter l’union avec « un blédard ».
Alors qu’il avait été longtemps valorisé par les parents, le conjoint blédard fait office de repoussoir. Pendant longtemps, les familles ont encouragé ce type d’union : leurs enfants, devenus Français, bouleversent les règles du marché matrimonial local, ils offrent la possibilité aux candidats au mariage d’améliorer leur condition de vie sans problème de régularisation.
Mais de nombreux conflits étant apparus, le rêve de la « fille vierge » ou du « mari bon musulman » est effacée par les nombreuses histoires sur le mauvais comportement de « blédards », abandonnant femme et enfants une fois leur situation régularisée, ou de blédarde « saliha » portant le voile à l’arrivée en France et qui finit par se « dévergonder » en sortant tout le temps sans s’occuper de sa famille.37 Les enquêtées d’origine maghrébine craignent également que ce type d’union ne viennent limiter l’autonomie et les libertés qu’elles ont acquises dans leur famille grâce à leurs études.
Samira explique ainsi : « Je ne me marierai pas avec quelqu’un de là-bas, ma sœur l’a fait mais il y a un tel fossé entre les gens d’ici et là-bas que c’est difficile. Pour moi, peu m’importe la culture, du moment qu’il ne m’empêche pas de vivre la mienne ni de la transmettre à mes enfants.
Ce qui est sûr, c’est que si j’ai des enfants, ils apprendront la langue et la culture kabyle, si le père ne veut pas, je le jette. » 38 De la même façon, celles d’origine turque estiment que le mariage avec un « Turc du bled » constitue une mésalliance, d’autant plus si celui-ci n’a pas poursuivi d’études, elles refusent ainsi le rôle de chef de famille que cette situation leur conférerait, les obligeant à s’occuper de tout.
Elles soulignent le décalage produit par la situation d’immigration : le promis turc, nouvellement arrivé en France se retrouve dans une position inédite, d’habitude réservée aux seules belles-filles, celle de gelin (belle-fille), s’installant dans la famille de sa femme comme l’explique Aylin : « J’aimerais avoir quelqu’un qui ait le même niveau social et même culturel, pas forcément un Turc.
Pour les Maghrébins et les Turcs, il y a des problèmes avec les papiers quand on va chercher son conjoint au pays. Beaucoup de filles françaises épousent des garçons de là-bas et inverse, quand le garçon vient, en fait le garçon occupe la position de belle-fille traditionnelle, pour certains cela ne passe pas.
Ils ne veulent pas être dans la position de gelin. Moi, je ne me marierai pas avec un garçon de là-bas s’il vient ici, surtout s’il a fait des études là-bas, parce qu’ici il ne trouverait que des petits boulots, mais si je pars là-bas » 39 Elles mettent également l’accent sur la difficulté pour ces promis turcs à trouver une équivalence à leurs diplômes.
- Pour autant, au sein de la population turque de France, elles apparaissent comme des exceptions, ayant pu poursuivre leurs études jusqu’à l’université.
- Ainsi Gaye Petek insiste sur la faiblesse des mariages mixtes ou des mariages avec des enfants d’immigrés turcs, ces derniers s’unissant à 98 % pour les filles et 92 % pour les garçons avec des Turcs et Turques du bled, le mariage intervenant souvent, pour les filles, après l’interruption des études par les parents.
L’interruption est d’autant plus brutale qu’elle s’accompagne d’un échange de vœux pour les plus jeunes (fiançailles), sinon d’un mariage précoce pour les grandes adolescentes. Il s’agit presque toujours d’un mariage arrangé qui s’officialise lors d’un retour en vacances au village turc.
La stratégie actuellement la plus courante est celle-ci : un mariage civil (seule alliance légale en Turquie) sans consommation du mariage, suivi du retour de la jeune fille en France et de l’organisation de la demande de regroupement familial en faveur du mari ; et c’est seulement à l’arrivée de ce dernier en France qu’a lieu la fête proprement dite et la concrétisation du mariage.
Cette façon de procéder est supposée garantir la fidélité de la jeune fille qui, pense-t-on, ne se laissera pas ainsi tenter ou influencer par les mœurs de la société d’accueil. On a alors souvent parlé pour les Turcs du phénomène des « fiancées importées » (Petek-Salom, 2006).40 Finalement lorsque les enquêtés sont interrogés sur leur conjoint idéal, ils le décrivent comme quelqu’un qui leur ressemble : ayant souvent la même culture et religion et ayant poursuivi des études, ceux en plus grande réussite sociale se montrant souvent plus ouverts à la mixité du couple.
Les born again muslims insistent sur le niveau de pratique religieuse et sur la façon de concevoir l’islam. Partager les mêmes éléments culturels et religieux faciliterait la vie au quotidien en permettant d’éviter un certain nombre de débats et d’explications.41 Le halal règle les comportements sexuels et plus uniquement des filles comme l’imposait le nif : désormais le passage par le religieux fait que toute relation hors mariage (avant ou pendant) est condamnée tant pour les hommes que pour les femmes.
Dans un contexte où le mariage intervient de plus en plus tard, le recours à une union halal permet d’avoir une sexualité active dans un cadre légitime aux yeux des pairs. Cependant, certains vont en faire l’occasion d’une cohabitation avant le mariage civil, mais le plus souvent, les deux cérémonies sont tellement resserrées dans le temps qu’un tel rapprochement n’a pas lieu.
Si des parents primo-migrants aux enfants, le cadre du halal dans lequel s’inscrit la sexualité légitime perdure et apparaît même de façon plus visible, le choix du conjoint chez les descendants de migrants fait apparaître un élargissement de l’espace de choix matrimonial, mais toujours dans une logique endogame et marqué par des interdits, notamment par rapport aux relations avec des non musulmans ou encore avec des « Noirs ».
Cependant, si les parents préfèrent encore une union avec un conjoint de même origine ethnique, et si les enfants développent des formes d’auto-censure pour s’y conformer, il faut voir que d’autres facteurs entrent en ligne de compte dans le choix du conjoint : le partage d’intérêts communs, un niveau d’études identiques.
Plus le conjoint offre des possibilités d’ascension sociale, moins ses différences sont regardées durement par les parents. Aussi, à travers ces dernières dynamiques, il faut bien constater que la forte référence au halal ne conduit pas les individus à s’inscrire dans un cadre uniquement religieux dans la recherche du conjoint.
Si la référence au halal est forte, elle est recomposée par la vie en France et tantôt s’impose, tantôt s’efface devant d’autres dynamiques, sociales, culturelles, faisant que la sexualité de ces jeunes n’est pas réglée uniquement par le religieux, combien même la référence au halal est forte.
Est-ce que les chrétiens peuvent écouter de la musique ?
Pourquoi les chrétiens ne doivent pas écouter la musique mondaine, de REHOBOTH SENEGAL Il en faut de la curiosité à la jeunesse pour comprendre et apprendre sur le monde dans lequel nous vivons, et il en a fallu de la curiosité à ceux-là qui ont répondu présents à la réunion de la Jeunesse, tenue dans la soirée d’hier 12 Juin 2013.
« Pourquoi les chrétiens ne doivent pas écouter la musique mondaine ? » c’est le thème qui a été l’objet de cette rencontre pas ordinaire. Pour être précis et clair, retenons que, la musique mondaine est la musique qui appartient à la vie du monde, qui aime le monde, et qui ne glorifie pas le Seigneur Jésus Christ.
Hors tout ce qui existe ne peut glorifier que deux forces : soit la force Supérieure et Positive qui est Jésus, soit la « force » inférieure et négative qui est satan, le diable. Ce qui revient à dire que quand une chanson ne glorifie pas Jésus, qu’elle ne le confesse ou ne le dise pas, elle est pour le gloire du diable.
Pas besoin de voir un monstre avec des cornes (–mais encore, car c’est du vu dans les vidéos des clips populaires que les jeunes écoutent aujourd’hui), pas besoin que la chanson dise qu’elle est du diable pour qu’elle le soit, car Dieu n’incite pas à l’impudicité, au sexe, à l’homosexualité, à la violence, etc.
En effet, la musique mondaine s’impose aujourd’hui dans le domaine du divertissement, et il y en a parmi les chrétiens, qui faute d’information, en écoutent toujours, alors qu’ils ne devraient pas. Il en va de soit qu’il ne suffit pas d’interdir la pratique sans donner de raison valable, et c’est preuves à l’appui, témoignages explicites, et à la lumière de la Parole de Dieu, que le fr Chancel NIATI, responsable du Département de la Jeunesse du CMR/Dakar, a expliqué et exhorter le peuple de Dieu.
Reconnaissons qu’avant-hier nous avions tous, écouté, danser, et aimer les rythmes, les paroles, et les clips des chansons des artistes français, américains, congolais, sénégalais, et autres ; Mais hier, nous avions été instruit sur cela ; Et Aujourd’hui, parce que nous sommes une nouvelle créature, parce que nous sommes enfants de Dieu, parce que nous appartenons à Dieu et plus au monde, nous renonçons fermement à ce qui est du monde ! Des signes diaboliques, des messages de perditions, destructeurs, négatifs, on trouve de tout ce qui est ténèbres, obscur, et mauvais dans la musique mondaine.
Ainsi, il y a donc, vraiment de quoi nous débarrasser de ces chansons que nous gardions jusqu’ici dans nos MP3, Ipod, Ipad, Téléphone, Ordinateur, car sans le savoir, c’est des alliances que nous tissions avec les esprits maléfiques, et nous servions le diable.
En une phrase disons : dans les détails, nos yeux ont vu, nos oreilles ont entendu, et soyons en sûr, nos cœurs se sont repentis, nos bouches ont confessé : Plus jamais continuer dans l’ignorance qui nous rend aveuglement serviteur du diable ! — à Dakar, Sénégal, près de Dakar, Sénégal Franck Kamwa Gloire à Dieu et soyez bénis.
je m’aide de votre enseignement pour une étude biblique dans ma communauté et dont le thème porte sur la musique. ça m’aidera beaucoup. Christ est le meilleur. Teddy Lombela merci beaucoup pour l’aide,le meme sujet que ns partageons a notre jeunesse.pour moi je croi qu’en ecoutent la musique mondain nous participons a la gloire de satan sans se rendre compte Willi Willi Kouassi C’est la verite Kenzo David Êtes vous un Chantre ou un Artiste chrétien mondain ? Retournons à la Sainte Doctrine.
Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensée captive à l’obéissance de Christ. » (2 Corinthiens 10:5). Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour ; et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits.
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne. (Matthieu 10 : 27 – 28) https:// www.youtube.com/ watch?v=J2c3MKa2 xc4 Jules Mbaya Kazangiye oui vous avé raison, moi c’est jules-mbaya de la republique democratique du congo Sommervil Lorenso Que le Seigneur dans son amour vs enseigne d’avantage afin que tu continues a instruire les chretiens sur les jeunes pr l’avancement de son rayaume.
Quel est le lien entre la religion et la musique ?
Corps de l’article – Comme le soulignait le musicien et théologien Pierre Charru (2012, 311), « les rapports entre la musique et la théologie restent un domaine de recherche encore peu exploré ». Pourtant, comme la théologie, la musique et les chants qui l’accompagnent ont souvent été utilisés pour dire Dieu.
La musique fait en effet partie intégrante des différentes religions du monde depuis des millénaires. Que ce soit par des hymnes, des cantiques, etc., l’humain s’est servi de la musique pour tenter d’exprimer, de définir ce rapport entre lui et le divin. On peut donc dire que depuis les débuts de l’Histoire, on fait de la théologie avec la musique,
La musique peut certes avoir une « résonance théologique », pour reprendre l’expression de François Vouga (1983) et être utilisée pour propager la grandeur, la toute-puissance et la splendeur de Dieu. Comme l’ont fait les grands compositeurs baroques et classiques, tels que Bach, Verdi, Mozart, Beethoven, et comme le font encore de nos jours les artistes de musique gospel ou de rock chrétien.
- Mais la musique est ambivalente.
- Elle peut aussi être utilisée pour critiquer Dieu.
- Pour maudire Dieu.
- Cela est particulièrement vrai depuis la deuxième moitié du xx e siècle, alors que la musique a été utilisée pour proposer un discours différent sur Dieu.
- Une nouvelle théologie.
- Toujours dire Dieu, mais autrement.
Pour le contester, le dénoncer, voire le renier. Pour exprimer le rapport entre l’humain et Dieu qui a changé, qui s’est transformé. Silence, impuissance, insouciance Voilà ce qu’on reproche souvent à Dieu dans la musique contemporaine. Cette contestation, cette remise en question de Dieu, n’est toutefois pas nouvelle.
- Dans certains psaumes de la Bible hébraïque, la musique et le chant sont utilisés pour reprocher à Dieu son inaction, son insensibilité, sa condescendance ou encore sa colère injustifiée.
- Mais les auteurs bibliques ne rejettent pas Dieu, contrairement à certains musiciens contemporains et leurs « fidèles ».
Dans ce numéro de la revue Théologiques, nous proposons une série d’articles qui font état de cette ambivalence de la musique. Parfois utilisée pour dire Dieu, mais aussi pour maudire Dieu, la musique oscille entre promotion et dénonciation de Dieu et de la religion en général.
Les onze articles que nous présentons ici, sur des sujets aussi variés que la musique classique, les hymnes nationaux, la musique de films d’horreur, en passant par le rock chrétien, la musique métal extrême ou encore la propagande guerrière, d’hier à aujourd’hui, démontrent que la musique forme et transforme le rapport entre l’humain et Dieu.
Ainsi, les actes du continuum de profession de foi et de dépossession des divers dieux trouvent leur sens dans la musique, que ce soit dans sa forme lyrique, par la cadence des chants élogieux ou des grondements démoniaques évoquant l’opposition, ou encore dans l’enchantement pur et sacré de la musique religieuse et de son antithèse, la cacophonie des scènes culturelles marginales qui en appellent à l’enfer plutôt qu’aux cieux.
- Comme certains louangent le Créateur et la générosité de ses nombreux sacrifices, d’autres maudissent la nonchalance dont on accuse souvent les religions organisées.
- Ce numéro spécial rassemble des chercheurs et des penseurs spécialisés dans des disciplines aussi variées que la sociologie, les sciences humaines, la culture de consommation, l’étude des sons, les arts visuels et, bien sûr, la théologie, dans le but d’aider à faire tomber certaines cloisons paradigmatiques renvoyant à des louanges vides, et ainsi favoriser un dialogue pluraliste sur certains thèmes évoluant au fil du temps, des endroits et, de toute évidence, d’un genre musical à l’autre.
Cette volonté de dire ou de maudire Dieu est habituellement influencée par le contexte historique, le vécu et les convictions de ses auteurs, mais aussi par des situations bien particulières. Devant la mort, par exemple. Dans l’article qui ouvre ce numéro (« Dire un dieu de vie devant la mort.
Trois prises de parole : Johannes Brahms, Igor Stravinsky, Frank Martin »), François Vouga analyse les oeuvres de ces trois grands compositeurs. Brahms, Stravinsky et Martin ont, chacun à leur manière, pris l’initiative de re-créer un genre musical enraciné dans la tradition confessionnelle catholique, le Requiem, de le reformuler pour un auditoire universel et ainsi permettre une forme d’espérance pour l’humanité toute entière.
Selon leurs convictions et une réflexion théologique personnelle, ces compositeurs ont imaginé un langage se voulant universel pour dire un Dieu d’espérance devant la mort. Selon Vouga, même s’il est associé à l’histoire de la chrétienté occidentale et à ses traditions confessionnelles et liturgiques, le Requiem est sans doute le genre musical qui s’adapte le mieux à l’environnement culturel de sociétés sécularisées ou laïques.
Parce que l’humanité reste sans réponse devant la mort. Elle reste désarmée devant la mort. Vouga en conclu que « la pensée agnostique moderne n’a guère trouvé de langage alternatif à l’imaginaire symbolique médiéval pour accompagner ses angoisses, ses espérances et ses doutes devant la mort » (57). Mais force est de constater que certains groupes de musique au style très différent et beaucoup plus extrême ont, depuis les années 1980, trouvé un langage alternatif pour aborder le thème de la mort.
C’est le cas, notamment, du groupe Nuclear Death, qui fait l’objet de l’article de Daniel Butler, lui-même chanteur du groupe death métal Vastum, en plus d’être psychothérapeute et psychanalyste. Formé en 1985, le groupe Nuclear Death, dont la musique pourrait être qualifiée de deathgrind (une combinaison de death métal et de grindcore ) est brutale et dérangeante.
- La chanteuse du groupe, Laura (« Lori ») Bravo, qui se qualifie de « sataniste catholique », se dit profondément spirituelle, mais attirée par le côté sombre.
- Nuclear Death ne s’attaque pas à la religion en tant que telle.
- Il ne glorifie pas Satan ni ne méprise Dieu.
- Le groupe présente un monde dans lequel Dieu est absent et où le genre humain n’est qu’une espèce que l’on ne peut distinguer des déchets, des animaux, des insectes Les paroles du groupe sont dystopiques et véhiculent une théologie apophatique, une théologie négative.
Par son absence, Dieu laisse l’humanité dans un état de détresse qui s’apparent à celui d’un vers de terre partiellement écrasé (« half-crushed worm »). L’image est dégoutante, mais tout aussi puissante : une partie du vers est morte alors que l’autre se démène, tente de survivre, mais en vain.
Car Dieu ne fait rien. Il est absent. Selon Butler, les deux albums de Nuclear Death, Bride of Insect (1990) et Carrion for Worm (1991), invitent ses auditeurs à adopter une attitude tragi-comique face à l’absurdité de l’affliction. Son approche psychanalytique appliquée à la mystique du groupe deathgrind de l’Arizona est tout à fait originale.
Très près de ce que Butler exprime dans son article, Wallin aborde avec une grande lucidité le rôle du « son » dans la recherche de mécanismes cognitifs directs, indirects et spéculatifs pour évoquer la puissance du rejet d’une autorité religieuse. Même si son article contient des exemples cinématographiques directs de possessions ayant de toute évidence marqué les esprits par leurs sons démoniaques terrifiants, il nous fournit également un cadre afin de repérer le mal au sein même de l’humanité.
Ainsi, dans la mesure où les effets sonores entourant la possession de Regan dans L’Exorciste et les propos lugubres du mystérieux démon dans L’opéra de la terreur illustrent les horreurs de l’appartenance aveugle de la société aux religions organisées, Wallin met en lumière les tensions schizophréniques que les films d’horreur réveillent chez leur public.
Ce sont ces sons et ce qu’ils évoquent en nous qui nous poussent à commettre le sacrilège de rejeter notre propre humanité et à chercher à révéler « l’autre » visage de la rigidité que nous imposent les structures sociétales néo-libérales. Il suffit de penser à Héréditaire, un film d’horreur psychologique (réalisé par Ari Aster en 2018) qui se moque de la possessivité matriarcale se complaisant dans la souffrance de la perte d’un enfant, mais réussit à trouver une solution féministe à cette dépossession en couronnant ce qui semble être un « faux » prophète, pour en venir à la conclusion que la société postmoderne est condamnée à reproduire les mêmes erreurs.
- Dans cette oeuvre, le son le plus dérangeant survient probablement lors du décès accidentel d’une enfant innocente causé par la distraction et l’irresponsabilité de son grand frère.
- La scène est d’autant plus frappante que le grand frère réalise silencieusement le rôle horrible que son immaturité a joué dans la mort de sa soeur.
Dans ce numéro spécial, Nelson effectue une analyse tout aussi fondamentalement humaniste du film Mère !, dans laquelle il compare savamment les méthodes de la littérature espagnole du début de l’époque postmoderne et du cinéma contemporain pour aborder des idéaux féministes renvoyant à l’importance de la Sainte Vierge et du sacrifice ultime qu’elle fait en donnant naissance à Jésus pour le bien du monde.
Son interprétation moderne du féminisme démontre parfaitement que l’étude de la littérature et des langues modernes et les spéculations qui en découlent jouent un rôle central dans la propagation d’idées ne trahissant pas nécessairement un paradigme guindé et solipsiste, mais ouvrant la voie au pluralisme par l’analyse des aspects inductifs de textes, d’images et de sons.
La théologie apophatique est aussi abordée dans l’article de Niall Scott : « Black Metal’s Apophatic Curse ». Scott s’attarde quant à lui au black métal, un genre musical reconnu pour son aversion envers Dieu et la religion en général. Selon l’auteur, le black métal est devenu partie intégrante de la tradition apophatique.
- En utilisant la théorie du désir et de la renonciation, formulée par Bruce Milem (2007), Scott propose une analyse de paroles apophatiques de certaines chansons de groupes black métal.
- Dans la tradition chrétienne, la théologie apophatique cherche à acquérir une compréhension plus approfondie de Dieu afin d’en souligner la transcendance.
La théologie apophatique n’a donc rien de négatif à dire contre Dieu. Ce qui n’est pas le cas dans la musique black métal où un langage négatif et négationniste est utilisé. Mais il ne s’agit pas seulement d’un rejet de Dieu. Selon Scott, on s’en éloigne dans un état de déception.
- Ce que Dieu n’est pas, est ici négatif.
- Dieu n’est pas.
- Tout simplement.
- Dans ce cas, la théologie apophatique est véritablement négative : Dieu est maudit.
- Scott démontre qu’en plus de maudire Dieu, le black métal tourne le dos à Dieu.
- Et le rejette complètement.
- L’étude de Unger apporte un regard différent.
Bien qu’il admette d’emblée que la musique métal extrême entretient des rapports conflictuels avec la religion, Unger souligne, dans son article « Ode à un Dieu agonisant. Dégradation des symboles chrétiens dans le métal extrême », que ses rapports avec Dieu sont complexes et ne se limitent pas à la raillerie, au mépris ou à la dérision.
Dans son article, l’auteur examine les rapports, souvent sincères et bienveillants, quoique critiques, du métal extrême avec Dieu, la théologie et la religion. Pour démontrer que la critique de la religion peut inverser les théologies et les métaphysiques normatives et les dégrader, Unger propose une analyse approfondie des paroles du dernier album du groupe culte Celtic Frost, paru en 2006 et intitulé Monotheist,
Le groupe suisse s’en prend en particulier à la religion organisée et souligne les contradictions et les points nébuleux du monothéisme biblique selon le point de vue de Dieu, Jésus ou encore Satan. L’auteur en vient à la conclusion qu’en inversant les mythes de la religion et de la métaphysique chrétienne d’une façon créative et pessimiste, le métal extrême cherche à éroder la prédominance des récits normatifs sur la religion, l’éthique et le corps ; à exposer le côté sombre qui se cache derrière une façade de bonheur et de paix.
- Bon nombre de groupes de musique de métal extrême dénoncent et s’en prennent à Dieu, ses adeptes et l’influence de la religion judéo-chrétienne sur la culture et la civilisation occidentale.
- Mais jusqu’à quel point ces groupes sont-ils sincères dans leur discours contre Dieu et les religions en général ? L’article de Podoshen (« Tracing the Trajectory of Cursing God in Extreme Metal ») apporte d’importantes nuances.
En se basant sur une analyse détaillée des paroles de plusieurs groupes phares de la musique extrême depuis les années 1980, Podoshen en arrive à définir trois catégories ou trois vagues. Dans la première vague de métal extrême qui débute au début des années 1980, des groupes comme Venom ou encore Slayer utilisent à profusion une imagerie sataniste et anti-chrétienne (pentagramme et croix inversés, le « chiffre de la Bête » (666), titres d’album comme Welcome to Hell, At War with Satan, Hell Awaits, etc.) dans le but avoué d’attirer l’attention et de choquer, particulièrement les chrétiens conservateurs.
- Leur satanisme n’est évidemment pas sincère.
- Mais un mouvement résolument opposé à la religion judéo-chrétienne verra le jour au milieu des années 1980 et au début des années 1990 avec des groupes comme Death, Deicide et Morbid Angel.
- Ceux-ci s’attaquent aux courants dominants du christianisme et au télévangélisme et font de la critique systématique du christianisme la pierre angulaire des paroles de leurs chansons qui sont également marquées par les thèmes de l’horreur et de la dystopie.
Une troisième catégorie, qui émerge particulièrement dans les pays scandinaves au début des années 1990, prendra une tangente beaucoup plus dramatique et sera marquée par une série d’incendies d’Églises et même d’assassinats. Influencés par l’iconographie satanique de groupes des années 1980, des groupes comme Mayhem, Burzum et Emperor, pour ne nommer que ceux-là, ont favorisé l’émergence d’une sous-culture qui a parfois débouché sur de réels actes de violence.
- Heureusement, le discours sur Dieu ne débouche pas toujours sur des actes violents et condamnables.
- Stéphane Perreault, Marie-Chantal Falardeau et Jeanne Guèvremont nous amènent complètement ailleurs en s’interrogeant sur le rôle de la religion dans les hymnes nationaux.
- Que peuvent-ils nous apprendre au niveau théologique ? Quels discours sur Dieu proposent-ils ? Sans surprise, le ton diffère de la musique métal extrême, l’hymne national étant vecteur de contenu religieux.
La religion est, en effet, un des thèmes les plus souvent présents dans les hymnes nationaux. L’étude de Perreault, Falardeau et Guèvremont montre que près de la moitié des hymnes nationaux étudiés (47 %) font spécifiquement référence à une entité religieuse, que 19 % (38/195) d’entre eux comportent des connotations religieuses, alors qu’à peine 34 % (66/195) ne contiennent aucun référent religieux.
En croisant ce codage avec la religion pratiquée dans un pays, les auteurs ont remarqué que la mention d’une entité religieuse dans les hymnes nationaux est présente dans presque toutes les religions du monde et que l’entité religieuse a plusieurs « visages » : elle est parfois considérée comme étant au-dessus de tout et de tous, parfois comme un collaborateur ou un associé du pays et de ses citoyens.
À noter que dans tous les hymnes nationaux où il est question de Dieu (quel qu’il soit), le discours est positif. Mais pour qu’une métaphore relative à une entité religieuse fonctionne, elle doit faire partie de la culture populaire. Or, dans un pays de plus en plus sécularisé comme le Canada, certains citoyens se questionnent à savoir si le mot « Dieu », dans la version anglophone de l’hymne national canadien, a encore sa place.
- Il serait par ailleurs intéressant de voir quelle place occuperait Dieu dans les hymnes nationaux si les paroles pouvaient être changées de nos jours Mais les discours positifs à propos de Dieu et/ou de la religion ne sont toutefois pas confinés à la musique classique ou aux hymnes nationaux.
- En effet, depuis les années 1980, et surtout depuis les années 2000, des individus profondément religieux — particulièrement dans la religion chrétienne — ont adopté des pratiques qui semblent en contradiction avec leur religion telle qu’elle est généralement perçue dans l’imaginaire populaire.
En effet, la musique heavy métal, souvent associée au Diable, a été adoptée par plusieurs groupes de musique chrétiens. On y utilise une musique généralement considérée comme étant fondamentalement opposée au christianisme et associée à la rébellion contre Dieu pour véhiculer un message en faveur de Dieu et de la religion chrétienne.
Le heavy métal chrétien, qui a gagné en popularité depuis le début des années 2000, et ce à l’échelle internationale, est étudié par le musicologue Éric Smialek. En appliquant les théories sur la formation de l’identité tirées de la psychanalyse freudienne et lacanienne, Smialek étudie trois cas distincts.
Celui de Fratello Metallo (« Frère Métal »), un moine capucin chantant dans un groupe heavy métal, le cas des « messes métal » en Finlande et en Colombie, puis le cas de groupes de métal extrême chrétien, comme Horde, qui réutilise un son et des images généralement associés au black métal, mais à des fins de prosélytisme religieux.
C’est ainsi que nous en venons aux réflexions de Varas-Diaz et de Morales et à leurs interprétations et perceptions uniques des effets de la religion sur la musique heavy métal postcoloniale dans les pays d’Amérique latine. En plus de la monumentale recherche qualitative entreprise aux fins de cette analyse, il faut absolument souligner le rôle de premier plan que Varas-Diaz a joué (et joue toujours) dans l’étude de la marginalisation contextualisée de la religion et de la capacité hypnotique des formes d’arts marginales à générer une résistance sociétale et politique.
Varas-Diaz compte parmi les rares chercheurs en sociologie capable de s’immerger en profondeur dans les collectivités et d’utiliser ses exceptionnelles capacités de conteur et de réalisateur pour produire des récits audiovisuels qui donnent du pouvoir aux collectivités marginalisées en magnifiant leur voix et leur culture.
- Les fans de métal chrétien, qui doivent faire face à l’opposition du milieu international de la musique métal et à la droite chrétienne conservatrice, tentent de se convaincre les uns les autres que les chrétiens peuvent écouter de la musique agressive la conscience tranquille.
- Pour se faire, ils se servent, entre autres choses, des réseaux sociaux pour élaborer des stratégies leur permettant de concilier conviction religieuse et intérêt pour un style de musique qui est, en grande partie, né d’une rébellion contre Dieu, contre la religion Mais les chrétiens amateurs de musique métal ne sont pas les seuls à se servir des réseaux sociaux ou de vidéos diffusées en libre accès sur Internet pour véhiculer un discours théologique ou encore pour faire la promotion de leur idéologie et de leurs convictions religieuses.
Des groupes, non pas musicaux cette fois, mais plutôt armés, se servent des mêmes médias, mais avec des objectifs bien différents. C’est le cas, notamment, de Daech, aussi connu sous le nom d’État islamique (EI), qui fait la promotion de son idéologie djihadiste-salafiste en accompagnant souvent ses vidéos diffusées sur Internet de chants a capella, connus sous le nom d’ anachîds,
Certaines vidéos, dans lesquelles le groupe armé s’attaque au passé préislamique de l’Iraq, sont analysées par les co-directeurs de ce numéro spécial de Théologiques, Vivek Venkatesh et Éric Bellavance. Venkatesh qui est, entre autres choses, co-titulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents, a beaucoup travaillé sur les vidéos diffusées en libre accès sur Internet par Daech en utilisant des théories développées dans les domaines de la psychologie sociale, du marketing, de la culture de consommation et de la philosophie postmoderne.
Bellavance, qui est historien et spécialiste de la Bible hébraïque a quant à lui travaillé sur les empires mésopotamiens du premier millénaire avant notre ère. Or, dans un certain nombre de vidéos, Daech présente le pillage, le saccage et la destruction de vestiges de l’Empire néo-assyrien, qui a dominé le Proche-Orient entre le x e et le vii e siècle avant notre ère.
Ironiquement, les Assyriens, dont certains vestiges archéologiques importants ont été détruits par Daech puisqu’ils appartiennent au passé préislamique de l’Iraq moderne, ont été les premiers à faire usage de musique dans leur propagande religieuse et militaire, ce qui sera analysé dans la première section de l’article.
Dans la deuxième partie de l’article, les auteurs démontrent comment l’hyperviolence et la consommation morbide de dystopies des vidéos de Daech interagissent avec les concepts de religion, de blasphème et de politique sociale. Parmi les décombres métaphoriques que Venkatesh et Bellavance ont tenté de dépoussiérer dans leurs analyses respectives et lors de la préparation de ce numéro collaboratif exclusif, un des thèmes clés est l’important rôle social et pédagogique que les arts et les sciences humaines doivent jouer dans l’élimination des cloisons entre les cercles universitaires.
- En fait, si le milieu universitaire n’a pas de capacités pédagogiques à la hauteur de son engagement envers les dieux théoriques et leurs antithèses, il demeurera insupportablement arrogant aux yeux du grand public.
- Heureusement, la pédagogie sociale mise de l’avant dans ce numéro spécial le rend convivial, inclusif et réfléchi.
À preuve, notre large éventail de collaborateurs a démontré, par la qualité de leurs articles, une volonté manifeste de faire fi des frontières disciplinaires à laquelle leur formation (entre autres) les contraint habituellement. La réflexion des co-directeurs sur les articles de ce liminaire laisse place à certaines spéculations allant au-delà des théories habituelles ; et pourtant, ce numéro spécial dans son ensemble ne porte la marque d’aucune discipline précise.
Pourquoi l’adoption est interdite en islam ?
Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre. La kafala (en arabe : كَفَّلَ) est une procédure d’ adoption spécifique au droit musulman qui correspond à une tutelle sans filiation, Un enfant – issu d’un milieu économiquement défavorisé ou né hors mariage, etc. – est recueilli par une famille adoptive qui s’engage à l’élever comme son propre enfant.
- Cependant, l’enfant recueilli n’aura pas les mêmes droits d’héritage qu’un enfant légitime,
- L’adopté garde son patronyme d’origine et n’hérite pas automatiquement des biens de ses parents adoptifs.
- La kafala est issue du droit coranique qui interdit l’ adoption plénière et ses effets afin de préserver le nom patronymique de la famille, considérée comme pilier de la société.
Cette particularité de l’interdiction de l’adoption dans l’islam est liée à la vie de Mahomet, La kafala est reconnue par la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, La kafala désigne aussi le parrainage préalable à l’embauche des travailleurs étrangers dans les pays du golfe Persique,
Dans le cadre du système de recrutement de la kafala (ici le programme « Kafala-Visa 18 » du Koweït ), les étrangers ne sont autorisés à entrer et à prendre un emploi au Koweït que s’ils sont parrainés par un kafeel koweïtien (un parrain). La loi koweïtienne stipule que le kafeel et l’employeur d’un travailleur étranger doivent constituer qu’une seule et même personne ; cependant, il existait en 2002 une pratique de plus en plus courante de « vente de visas », c’est-à-dire que le kafeel ne remplit plus le rôle d’employeur de l’étranger sous son parrainage.
Au lieu de cela, certains kafeel vendent des visas au travailleur étranger (directement ou indirectement en les vendant à une agence de recrutement dans le pays d’origine de l’immigrant potentiel) avec la compréhension non écrite que l’étranger peut travailler pour un employeur autre que le parrain.
Est-ce que la musique attire les djinns ?
1 En arabe littéraire, jin est le pluriel de jinni dont le féminin est jinniyya, En dialectal marocain, on dit jnun au pluriel, jin au singulier masculin et jenniyya au singulier féminin. Ces noms dérivent du mot jana qui signifie « cacher », « couvrir », « envelopper ».
Plusieurs mots proviennent de cette même racine, exprimant l’idée de ce qui est caché et qui ne peut être vu : le fœtus, c’est le janīn ; le tombeau et le linceul sont le janān ; l’âme, c’est le janān ( Lisan ). Les djinn s sont une donnée coranique, mais ils existaient avant l’islam. La tradition veut que chaque poète de la période pré-islamique ait été possédé par un jinni ou un chaytān (satan) qui lui donnaient son inspiration (Guidi, 1921, p.38).
Westermarck insiste aussi sur le fait que les croyances relatives aux djinns sont bien antérieures à l’islam : « On distingue plusieurs couches superposées dans la masse des croyances et pratiques qui règnent en pays mahométans relativement au djinn : il y a celles qui, datant du vieux paganisme arabe, en perpétuent des vestiges ; il y a celles qu’y ajouta la religion nouvelle ; d’autres enfin sont issues, dans les pays où elle se répandit, de croyances et pratiques propres à ces pays et antérieures à cette religion.
- » (Westermarck, 1935, p.19) 2 La sourate « Al jin » atteste de leur existence et indique qu’il y a parmi eux des musulmans ainsi que des non-musulmans (LXII, 14-15).
- Si l’homme est créé d’argile, eux sont créés de feu ( Coran, LV, 14).
- Ils sont les premiers habitants de la terre, mais ils auraient désobéi à Dieu qui envoya des anges contre eux afin de les combattre ; vaincus, ils furent exilés dans la mer (Suyuti, 1988, p.17).
Mais on croit surtout qu’ils sont sur la terre et qu’ils la partagent avec les hommes ; c’est cette croyance qui prédomine. Leurs besoins sont semblables à ceux des hommes. Ils passent pour manger les os et les crottes ou bien du riz. Tantôt la littérature dit qu’ils mâchent et avalent, tantôt qu’ils se nourrissent uniquement avec les odeurs de ces aliments.
- Ils ont des rapports sexuels avec leurs semblables et aussi avec les humains.
- Ils enfantent mais beaucoup plus que les hommes car, chaque fois qu’un enfant naît chez ceux-ci, neuf ou dix naissent chez les djinns.
- Ils parlent.
- Le Prophète a eu plusieurs conversations avec eux.
- Ils ont une organisation sociale calquée sur celle des Arabes et sont ainsi partagés en tribus.
Des rois les gouvernent. Leurs demeures préférées sont les lieux sales et/ou humides, comme le hammam et les ordures (Suyuti, 1988, p.38-39). Ils fréquentent aussi les lieux où l’on trouve du sang, comme les abattoirs.
12 Les Egyptiens, par exemple, semblent ne pas distinguer les ‘afārīt (démons malfaisants) des djinns (.)
3 La littérature les concernant est très vaste mais compliquée et peu claire, ce qui ne me permet pas de donner une définition exacte de leur nature, pour autant que cela soit possible. Il importerait également de les distinguer de satan ( chaytān ) et des ‘afārīt, ce qui semble encore plus difficile 12,
- Dans Les Structures du sacré chez les Arabes, Chelhod tente d’opérer cette distinction sans y parvenir, vraisemblablement à cause de la multiplicité et du flou des sources islamiques (Chelhod, 1964 : 67-92).
- Selon lui, les djinns relèveraient du « sacré anonyme ».
- Cette définition ne correspond pas à la façon dont les Marocains les considèrent puisqu’ils les personnifient.
De leur point de vue, ce sont des êtres généralement invisibles mais qui peuvent se manifester sous diverses formes aux humains.4 En général, les djinns sont considérés comme des créatures maléfiques qui attaquent les hommes et provoquent des maladies graves difficiles à guérir.
Ces maladies sont appelées sar‘, et celui qui en est atteint dénommé masrū‘, Le mot sar‘ désigne l’inclination pathologique du visage sur un côté ( Lisān al ‘Arab ) ainsi que la folie, les paralysies, l’épilepsie. Il désigne aussi les séances ou les pratiques auxquelles on a recours pour guérir le masrū‘,
Durant ces séances, il faut lire certaines sourates dans l’oreille du malade ou dire « au nom de Dieu » et donner au djinn l’ordre de sortir, comme faisait le Prophète : « Sors, ennemi de Dieu, je suis le prophète de Dieu. » (Al-Jawziyya, 1987, p.68) Dans le cas où il ne veut pas sortir, il faut l’attaquer : « Il m’a raconté qu’il l’a lue dans l’oreille du masrū‘ ; le djinn ( rūh ) a dit : oui ; il a dit : j’ai pris un bâton, et je l’ai frappé avec sur les veines de son cou, jusqu’à ce que mes mains s’affaiblissent à cause des coups.
- Les assistants n’ont pas douté qu’il allait mourir à cause des coups.
- Pendant les coups, il a dit : je l’aime.
- J’ai dis : lui ne t’aime pas.
- Il a dit : je veux faire un pèlerinage avec lui.
- J’ai dis : il ne veut pas faire de pèlerinage avec toi.
- Il a dit : je le laisse en ton honneur.
- J’ai dit : non, pour l’obéissance de Dieu et de son Prophète.
Il a dit : je sors de lui. Le cheikh a dit : le masrū‘ a regardé à droite et à gauche, puis il a dit : qui est-ce qui m’a amené ici ; on lui a dit : et tous ces coups ? Il a dit : et pourquoi me frappe-t-on, je n’ai pas commis de péchés ? et il n’a pas senti qu’il était battu.
» (Al-Jawziyya, 1987, p.68) 5 Je vais maintenant essayer d’expliquer la perception que la population de Khénifra a des djinns, ce qui nous rapprochera sans doute davantage des questions qui nous intéressent. Tout d’abord, il faut savoir que le fait de nommer les djinns directement est interdit et passe pour une provocation, comme si on les appelait.
Ainsi existe-t-il de fort nombreuses dénominations d’évitement :
Wlāy-Allah | Amis de Dieu |
Shāb lemkān | Les propriétaires du lieu |
Lli ma taytsemmawch | Ceux qu’on ne nomme pas |
Bismi Allah arrahmān arrahīm | Au Nom de Dieu |
Syādna | Nos seigneurs |
Ahl Allah | Gens de Dieu |
Lryāh | Les vents |
Lmlūk | Ceux à qui on appartient |
Lemselmīn | Les musulmans |
ul> 13 Encore qu’il existe d’autres représentations de celle-ci : « C’est une méchante sorcière qui appara (.)
6 Ils sont, cependant, réputés inoffensifs durant le mois de Ramadan, où ils seraient prisonniers de Dieu. Ils peuvent se manifester sous diverses formes ; sous une forme animale : chats, chiens, chèvres, et on ne se hasarde donc pas à frapper l’un de ces animaux, surtout la nuit ; ou sous une forme humaine mais avec des pieds de chèvre, comme Aïcha Qandicha qui se promène la nuit sous l’aspect d’une belle femme afin de rassasier son appétit sexuel en séduisant des hommes 13,
Cette jenniyya serait, selon Westermarck, la déesse de l’amour, Astarté, qui était vénérée par les Cananéens, les Hébreux et les Phéniciens : « La frivole Aïcha Qandicha est l’antique déesse de l’amour, la grande Astarté, tombée au rang d’une djinnīya mauresque dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle a une réputation détestable.
» (Westermarck, 1935, p.33)
14 Qui sont de toute manière interdits en dehors du mariage (Bousquet, 1990). On considère seulement q (.)
7 Une autre forme attestée d’apparition d’une jenniyya est la « mule des cimetières ». Suivant une croyance répandue au Maroc, Allah transformerait certaines veuves en jenniyya, le soir. La veuve doit, en effet, respecter un certain nombre de règles durant la période de quatre mois et dix jours qui suit la mort de son mari : elle doit s’habiller de blanc, ne pas sortir ou très rarement et seulement si elle y est obligée, être chez elle avant le coucher du soleil, ne pas se maquiller et s’abstenir formellement de tout rapport sexuel 14,
- S’il lui arrive d’avoir des relations sexuelles, Allah la châtie en la transformant en une sorte de jenniyya qui garde une forme humaine, mais qui devient très grande avec des pieds de chèvre et erre le soir dans les cimetières, traînant des chaînes après elle.
- On l’appelle « beghelt lqbūr » (la mule des cimetières).
Un de mes informateurs, Saïd, m’a dit avoir aperçu une « mule des cimetières » : « Je suis quelqu’un qui croit à ce qu’il voit. Il y a sept ou huit ans, je dormais tout seul dans une chambre. Au milieu de la nuit, j’ai entendu un bruit, c’était un mélange d’aboiement de chien et de claquement de chaînes.
Le bruit se répétait de plus en plus fort ; j’ai fini par regarder par la fenêtre et j’ai vu une femme très, très grande avec des jambes pleines de poils. Elle était enchaînée. J’ai réveillé mes parents, ils ont vu la même chose. Le lendemain, je suis allé voir le gardien ; il était gravement malade ; il m’a dit qu’il était malade parce qu’il avait été touché par la mule des cimetières.
Trois jours après, il était mort. » 8 Afin de respecter une cohabitation harmonieuse avec les djinns et d’éviter ainsi les maladies et les malheurs, il existe tout un ensemble de règles qui indiquent ce qu’il convient de faire et de ne pas faire. Quand on s’installe dans une nouvelle maison, il faut sacrifier un animal à l’entrée.
- On doit évoquer les noms de Dieu et de son Prophète chaque fois que l’on entre aux toilettes, au hammam ou dans les abattoirs, qui sont constamment hantés.
- Il ne faut pas verser de l’eau bouillante par terre ou dans les égouts, afin de ne pas brûler les djinns qui y séjournent.
- Il ne faut pas dormir ou s’asseoir au seuil de la maison et à l’entrée des chambres, qui sont leur propriété.
Il ne faut surtout pas laisser les bébés seuls, car la jenniyya nommée Umm s-sebyān, « la mère des enfants », risque de les rendre malades ou laids. C’est pour cela qu’on nomme l’enfant victime de cette jenniyya : lmbeddel, « celui qu’on a changé ».9 Fréquenter la nuit, solitaire, les rivières, les sources, les lacs, les forêts, les montagnes et, en général, les endroits humides non habités représente un risque majeur, car c’est une violation de l’espace et de l’intimité des djinns.
Meskūn | habité |
Medrūb | frappé |
Merkūb | monté par quelqu’un |
Memlūk | appartient à quelqu’un |
Mejnūn | insensé |
10 Les gens qui sont « frappés » par les djinns peuvent subir des pertes de mémoire, avoir des hallucinations, être atteints de paralysie faciale, d’épilepsie ou devenir fous. Les anomalies physiques et mentales ne sont pas les seuls signes de la possession.
On peut désigner comme « possédées » des personnes dont la situation sociale présente aussi une anomalie comme, par exemple, les hommes qui ne se marient jamais ou qui font plusieurs fiançailles n’aboutissant pas. On dit alors qu’ils sont mariés avec une jenniyya et que c’est elle qui conduit à l’échec toute tentative de mariage.
On désigne aussi comme possédées des femmes qui sont assez souvent fatiguées sans raison apparente. Si elles vont chez la voyante, celle-ci leur révèle le nom du djinn possesseur ainsi que sa couleur : le djinn Sidī Hammū préfère le rouge, Lalla Malika le mauve, Sidī Mimūn le noir, Lalla Mira le jaune Suivant les voyantes, même des personnes ne présentant pas les caractéristiques de la possession seraient possédées.
Dans ces cas, la possession est donc diagnostiquée avant que l’état de transe ne soit atteint, comme l’a souligné Lewis (1977, p.46).11 Les cas de possession les plus typiques sont ceux où une personne se comporte normalement mais qui, de temps en temps, perd conscience, entre en crise, crie, s’arrache les cheveux, se tord dans tous les sens, les traits du visage et les membres déformés.
Parfois, elle parle durant ces crises comme une voyante ; elle évoque le passé, le présent et l’avenir des assistants. Parfois aussi, elle utilise des paroles incompréhensibles, comme si elle parlait une langue étrangère. Des informateurs m’ont affirmé qu’ils avaient entendu un possédé parler en français ou en anglais pendant une crise, bien que ne connaissant ni l’une ni l’autre de ces langues.
Ces crises sont provoquées par un énervement quelconque, par certaines musiques ou par des odeurs.12 Un possédé est une personne qui, après avoir mené une vie normale, commence à se comporter d’une façon « bizarre », à errer pendant la nuit, à se réfugier dans des sanctuaires, à refuser de parler, à présenter des traces sur le corps au réveil, à tenir des propos insensés, à adresser la parole à quelqu’un d’invisible, à avoir l’impression d’être étranglée.
On considère aussi comme possédés des enfants très nerveux, qui crient tout le temps sans raison apparente et perdent conscience quand ils sont contrariés. J’ai ainsi vu un enfant, présenté comme possédé, dont on disait qu’il perdait conscience et pouvait rester toute la nuit debout, enserrant le tronc d’un arbre.13 Pour guérir la possession, il faut recourir à une séance de sar‘, conduite par un fqīh (voir supra ) ou organiser une soirée de transe, conseillée par une voyante.
- Pendant mon travail de terrain, j’ai assisté à plusieurs d’entre elles ; l’une était organisée pour Malika, une jeune fille de vingt ans qui avait un comportement « anormal » parce que la famille de son « petit ami » ne voulait pas qu’ils se marient.
- Ce refus venait de ce que les sœurs de Malika avaient la réputation d’être de mœurs légères.
Malgré cela, les fiançailles eurent lieu, mais le fiancé ne savait plus s’il devait épouser ou non Malika. Il la quittait et il revenait ; son hésitation était attribuée à la sorcellerie. Malika est tombée malade : elle souffrait de maux de tête et prétendait avoir l’impression qu’on l’étranglait.
Son comportement aussi changea : elle quittait la maison de ses parents sans que personne ne sût où elle allait, prétendant être dans des sanctuaires. Elle fréquentait d’autres hommes et passait auprès des habitants de son quartier pour se prostituer. Elle ne savait plus, à son tour, si elle voulait épouser son fiancé et si elle était amoureuse de lui.
Chaque fois qu’elle décidait de se marier avec lui ou avec un autre, elle tombait malade et disait se réveiller avec des brûlures sur le visage et sur le corps. Ses parents l’emmenèrent chez des médecins. Les fqīh et les voyantes étaient sûrs, eux, qu’elle était frappée par un djinn.
Comme il semblait que les talismans et les visites aux sanctuaires étaient inefficaces, on recourut à une soirée de transe ( lila ou lila dyāl jjedba ).14 La famille de Malika invita un groupe de musiciens d’une confrérie religieuse de Meknès, les ‘issawa, spécialistes des transes, la voyante qui avait conseillé la soirée et à qui il revint de l’organiser, des parents, des amis ainsi que des possédées connues.
Les femmes commencèrent à venir à la maison des parents de Malika, en début d’après-midi. Du thé fut servi. Vers 17 heures, il y avait déjà une trentaine d’invités qui gagnèrent la terrasse. Lm‘allem, ou le chef du groupe de ‘issawa, répéta : ya l‘fū ya Mūlana (la guérison, ô Maître), mselmīn, teslīm, hna mselmīn, « on s’en remet à vous (les djinns) ne nous faites pas de mal », tout cela en faisant des révérences aux djinns, les mains croisées dans le dos.
Puis la musique commença. Lm‘allem égorgea un bouc en présence des invités ; dès que le sang commença à couler, un membre de la confrérie en remplit un bol, puis des femmes se précipitèrent pour boire le sang qui se répandait. Elles étaient dans un état second, comme inconscientes de ce qui les entourait, le visage pâle, les cheveux décoiffés, les yeux fermés, sautant de manière rythmée.
Quand la musique s’arrêta, certaines d’entre elles tombèrent par terre en se tordant et en criant. Pour les calmer, la voyante brûla du benjoin et fit boire à quelques-unes le sang qu’on avait mis dans le bol. Quand elles revinrent à elles, elles avaient l’air hébété mais satisfaites.
Leurs mains, leurs vêtements et leurs visages étaient couverts de sang. Lm‘allem pria pour la fille et pour sa famille et aussi pour les invités qui lui avaient donné une somme d’argent, en même temps que la maîtresse de maison offrait du lait et des dattes. Vers 19 heures, la première partie de la soirée était achevée.
Elle reprit deux heures plus tard.
15 Le sel est censé éloigner les djinns.
15 Le nombre de participants avait considérablement augmenté : il y avait alors une cinquantaine de personnes. Toute la soirée se passa sur la terrasse, au dernier étage de la maison. En temps normal, elle n’était pas meublée, mais on l’aménageait quand on organisait une fête.
- Ce soir-là, on avait disposé des tapis, des coussins et quelques chaises.
- L’assistance était principalement féminine.
- Le petit groupe d’hommes qui étaient présents comptait le père de la fille, ses deux frères et les membres de la confrérie.
- Après avoir mangé un couscous sans sel 15 préparé avec la viande du bouc égorgé, les participants se mirent debout et lm‘allem répéta encore mselmīn, teslīm yā m- malīn lmkān (on s’en remet à vous, les possesseurs de la maison ).
La musique reprit et les possédées entrèrent en transe. Comme elles sont toutes habitées par des djinns différents et comme on ne connaissait pas encore le nom du djinn possédant Malika, il fallut d’abord jouer tous les rythmes pour découvrir le nom du djinn qui l’habitait puis pour faire plaisir à toutes les possédées et à leurs djinns.
Il y avait des femmes de tous âges, appartenant à la classe populaire ou à la classe moyenne, mais ayant toutes un faible niveau d’instruction. Les unes étaient habillées de façon moderne et les autres de façon traditionnelle. Quand les musiciens jouèrent le rythme d’un djinn qui se nomme Sidī Mimūn, Malika se mit à déchirer ses vêtements, jusqu’à ce qu’il n’en reste sur elle que quelques lambeaux, à s’arracher les cheveux, à griffer son visage, ses seins qui était nus et ses jambes.
Elle criait en lançant aux invités un regard inquiétant, comme si elle allait se jeter sur eux. Pour les assistants, ce comportement prouvait qu’elle était possédée par le djinn Sidī Mimūn. Afin qu’elle se calme, il fallut lui faire porter la couleur préférée du djinn, le noir.
- Sa mère courut chercher des vêtements de cette couleur.
- Habillée de noir, Malika retrouva son calme et continua à danser, mais d’une manière très différente, souriante et sereine, comme si elle jouissait maintenant d’un bonheur complet.16 Elle dansa un petit moment, puis la musique et la transe furent arrêtées.
Le chef du groupe s’était habillé de rouge, la couleur de son propre djinn, Sidī Hammū. A partir de ce moment, ce n’était plus lui qui parlait mais son djinn. Quand on l’appelait en utilisant son nom, il répondait ainsi : « Il n’est plus là, c’est Sidī Hammū qui vous parle, je suis Sidī Hammū.
- » Les invités lui donnèrent de petites sommes d’argent, et il pria pour tous pendant qu’ils répétaient « amen »,
- Il disait : « Que Dieu vous guérisse de vos maladies et résolve vos problèmes au nom de Sidī Lghezwānī, de Sidī Sālh et de Sidī Lamīn,
- Aujourd’hui, on a partagé la nourriture avec ces gens, ça sera la fin des problèmes de cette fille.
Que Dieu guérisse les gens qui sont là ainsi que leurs malades qui ne peuvent pas venir, que Dieu protège vos descendants. Cette nuit, on va tout connaître, celui qui a la niyya va voir réaliser tous ses désirs, celui qui a la niyya va avoir la paix, là où il va.
- Nous demandons à Dieu et à ses saints d’éloigner de nous toutes les maladies et toutes les atteintes.
- Ceux qui sont venus avec la niyya vont résoudre leurs problèmes.
- » 17 Puis il s’adressa à Malika : « Que Dieu te guérisse et éloigne de ton chemin toutes les atteintes.
- Lalla Fatem-Zehra, protège-nous, nous sommes sous ta protection et sous la protection de notre Prophète Mohammed, que Dieu réalise vos souhaits.
Ô Guérisseur supérieur, ô Guérisseur très-haut Il n’y a de Dieu que Toi, Dieu, Dieu, Ô Dieu guéris-nous. » 18 Lm‘alem, ou plutôt le djinn Sidī Hammū, se mit alors à expliquer l’origine de la possession : « Cette fille a eu cette maladie par suite d’une grande tristesse faqsa,
Tu as donné ta confiance, tu as donné tes vêtements, mais il y a quelqu’un qui t’a trahie le jour de tes fiançailles, celle qui a fait ça a déjà partagé la nourriture avec vous, elle a volé tes vêtements et elle a fait son travail dedans, elle est jeune, de taille moyenne, des yeux noirs, » 19 A ce moment, la mère l’arrêta en disant : « Arrête, ne dis rien, maintenant je la connais.
» Lm‘allem continue, mais c’est toujours le djinn qui parle : « Je ne connaissais pas ces gens-là, c’est la première fois que je partage la nourriture avec eux, Allah, Sidī Mhammid Ben Mūssa et Sidī Lghezwānī vont se venger pour cette fille qui nous a invités en ce moment de fête, pour enlever son atteinte, ô Mūlay ‘Ali Ben ‘Omar, que Dieu réalise tous les désirs de cette fille, celui qui utilise la force mourra de faiblesse.
» 20 Enfin, il commença à négocier avec Malika, ou, plutôt, son djinn commença à négocier avec celui qui possédait la jeune fille : « Au nom de Dieu et de son Prophète, au nom de tous les saints, sors de cette fille. – Je veux la garder, elle est à moi. – Au nom de Lalla Fatem-Zehra, rends cette fille à sa famille, rends-lui son esprit.
– Non, non, non – Au nom de Mūlay Abdel Qadir Jilālī, éloigne-toi d’elle. (Ici Malika – son djinn – crie.) – C’est toi qui as pris son esprit, c’est toi qui l’as obligée à partir de chez ses parents, c’est toi qui l’as éloignée du droit chemin. – Oui, oui (des cris).
Je t’ordonne de la laisser tranquille. – Je ne veux pas, je ne veux pas. – Aux noms du Prophète Mohammed, de Lalla Fatem-Zehra et de tous les saints, éloigne-toi de cette fille, par pitié pour ses parents qui t’ont offert cette soirée, sors de cette fille.(Le djinn de Malika soupire et crie.) – Au nom de Sidī Mhammed Ben ‘Issa, sors, éloigne-toi d’elle.
– Je ne veux pas, elle est à moi. – Si tu pars, elle va t’offrir une soirée de transe une fois par an, et elle va assister aux soirées de transe organisées par ceux qui t’appartiennent. » 21 A ce moment, Malika tombe par terre en regardant la foule comme si elle la découvrait.
- Son regard et son soulagement signifient qu’elle n’est plus possédée et, que, à partir de ce moment, c’est elle qui agit et non pas son djinn.
- Pendant ce temps, des femmes répétaient, sans se lasser : teslīm, teslīm y ā m-malīn lmkān,22 Il était presque trois heures du matin, on disposa de la nourriture sans sel, du lait, des gâteaux, des olives noires, des cacahuètes, des amandes, des pop-corns, des noix, des dattes, le foie du bouc bouilli et un grand bol de henné, sur un grand plateau.
Puis, on joua un air demandé par la voyante qui avait participé à l’organisation de la soirée, afin qu’elle entre aussi en transe et fasse appel à son djinn. Quand la musique fut achevée, elle prit place devant le plateau, les yeux fermés et les traits du visage très tendus, puis elle commença une séance de voyance.
- Les participants qui désiraient en bénéficier lui donnaient une bougie noire.
- Après chacune de ses prédictions, elle prenait la bougie entre ses deux mains, l’approchait de sa bouche et récitait doucement une prière que je n’ai pas pu entendre ; puis, elle donnait la bougie à la patiente, lui conseillant de l’allumer le soir du dernier jeudi du mois et de demander ce qu’elle désirait.
A la fin de la voyance, elle distribua la nourriture disposée sur le plateau et fit passer le bol qui contenait le henné pour que toutes les femmes puissent s’en mettre sur les mains. Après la séance de voyance, la soirée s’acheva : il était cinq heures du matin.
Les invités partirent en emmenant avec eux une partie de la nourriture qui avait été offerte pour la distribuer à leurs proches, car elle était porteuse de baraka.23 Tout le long de la soirée, la mère et la sœur aînée étaient à côté de la fille ; elles l’empêchaient de se griffer et de se frapper ; elles lui tenaient les mains et la tête ; elles essuyaient sa transpiration ; elles l’entouraient de soins et d’affection.
Elles étaient à sa disposition. Cependant, la voyante s’occupait des autres femmes qui entraient en transe ; quand l’air de leur djinn s’achevait, elles tombaient par terre en se tordant car le djinn ne les avait pas encore quittées. Pour les réveiller, on leur donnait ce qu’elles désiraient ou ce que leurs djinns voulaient.
- Comme ils ont des préférences en ce qui concerne les couleurs et la musique, ils ont aussi des préférences pour les contreparties qui les conduisent à libérer partiellement la personne – pour chaque possédé une seule chose.
- Ainsi leur donne-t-on du henné, de la menthe ou de la viande crue à manger, de l’eau de fleur d’oranger, de l’huile de cade à sentir et à boire, de l’eau pour la boire ou, dans une bassine, pour s’y asseoir et s’en asperger.
La voyante connaissait le désir de chaque patiente ou de son djinn. Pour cette raison, lors de la soirée, elle avait à sa disposition toutes les choses nécessaires pour les satisfaire. Car l’essentiel de la soirée de transe était de satisfaire les djinns.24 Quand on organise une soirée de transe, il faut, en effet, prendre en considération qu’il n’y a pas que des invités humains mais aussi – et surtout – des djinns.
- Ainsi convient-il de les satisfaire et d’être à leur disposition.
- Pour cela, il faut : 1.
- Faire couler le sang ; 2.
- Offrir une nourriture non salée ; 3.
- Demander le teslim,25 1.
- On fait couler le sang d’un animal afin de solliciter leur présence et d’avoir des relations de paix avec eux, car les djinns aiment le sang et sont présents dans les endroits où il y en a, comme les abattoirs.
Le sang versé pour cette cérémonie est offert aux djinns et signifie qu’ils sont invités. Il est la condition première pour qu’ils soient présents. Dans d’autres fêtes comportant un sacrifice, on verse du sel sur le sang coulé pour les chasser ; en revanche, quand on verse le sang en l’honneur des djinns, on évite d’utiliser du sel afin que les djinns puissent participer.
- Ce sacrifice est partagé entre les humains et eux ; les humains consomment la viande, et les djinns le sang.
- Cependant, les djinns mangent la même nourriture que les humains si elle n’est pas salée.26 2.
- On offre, pour cela, une partie de la nourriture ( msūsa ) sans sel, fade.
- La fadeur caractérise la nourriture des djinns.
Quand quelqu’un ne met pas assez de sel dans sa nourriture, on dit : « sa nourriture est fade comme celle des djinns » ; on dit aussi : « je ne suis pas un djinn pour manger la nourriture sans sel ». Cette même fadeur qui caractérise la nourriture sans sel peut aussi caractériser les humains : d’une personne belle sans charme on dit qu’elle « n’a pas de sel », c’est-à-dire qu’elle est fade ; d’une personne qui parle de façon agréable, on dit que « ses paroles sont salées ».
Dans le langage quotidien, le sel représente la beauté avec le charme.27 Quand les femmes et surtout les jeunes filles qui cherchent un mari souhaitent que les autres personnes les trouvent charmantes, elles versent une pincée de sel sur leur tête en disant « le sel sur toi » (que le charme soit sur toi).
Après cela, les femmes passent pour être charmantes aux yeux des autres et à leurs propres yeux. Car c’est le sel qui enlève la fadeur de la nourriture et, par assimilation, celle des gens ; c’est le sel qui éloigne les djinns qui peuvent donner la fadeur aux humains et qui empêche les humains de ressembler aux djinns que la fadeur caractérise.
Quand on voit une personne sans charme ni beauté, on dit qu’elle est laide comme un djinn. En général, le fait d’utiliser le sel est une façon de chasser les djinns. Quand on veut se protéger d’eux, on porte avec soi du sel ou on le met dans les coins de sa maison.28 Au Maroc, le partage de la nourriture a une valeur symbolique très importante.
A partir du moment où l’on mange avec quelqu’un, des liens sacrés se créent, à la fois différents et proches des liens du sang. Différents, parce qu’ils n’impliquent pas de relations de parenté, proches, parce qu’ils impliquent des prestations de fidélité comme celles qu’on peut attendre de sa famille.
- Être trahi par une personne avec laquelle on a partagé la nourriture est ainsi toujours plus grave.
- Ce symbolisme du sel a la même signification dans toutes les régions du Maroc.
- Hassan Rachik a constaté des faits semblables dans le Haut-Atlas marocain : « Le sel dévoile toute personne qui ne respecte pas les obligations morales consécutives au partage du repas.
En effet, lorsque deux personnes ou plusieurs absorbent en commun les mêmes aliments, la nature de leurs rapports change ipso facto, Les consommateurs d’un même repas doivent s’abstenir de se faire du mal. Le transgresseur du pacte implicite et mystique ne peut échapper au sel qui a le pouvoir de ligoter et d’attacher.
» (Rachik, 1990, p.63) 29 3. On demande le teslīm tout au long de la soirée. Ce mot est d’usage dans les confréries marocaines des gnawa et des ‘issawa (Brunel, 1926 : 249). Il provient probablement de l’arabe classique, de la racine slm qui veut dire : être sain et sauf, être en bon état et se porter bien.
Mais il est aussi très proche du mot taslim qui vient de la même racine et qui signifie : acceptation, concession, reconnaissance, résignation, transmission et salutation. « Ce mot existait depuis la période préislamique : salam ‘alaykum signifiait pas de guerre entre nous » ( Lisān ).
Cette expression existe de nos jours comme forme de salut et signifie : « la paix sur vous ». Le teslīm utilisé par les confréries et dans les soirées de transe comprend quelques-unes des significations de taslim, On dit aux assistants, qui ne prennent pas au sérieux ou qui se moquent (en cachette) des personnes en transe, selmū ou telbū teslīm, c’est-à-dire « reconnaissez les djinns, croyez en leur existence, sinon ils vont vous frapper ».
Lm‘allem commence la soirée par dire, en faisant la révérence, mselmin, c’est-à-dire « nous sommes résignés à vous, nous vous demandons des relations de paix, nous sommes à vous, nous ne vous faisons pas de mal et nous vous demandons de ne pas nous en faire ».
Le teslīm n’est pas demandé uniquement par les possédés et les membres de la confrérie, il l’est aussi par l’ensemble de l’assistance qui a peur d’être atteinte par les djinns, tout en voulant profiter de leur baraka afin d’obtenir une guérison ou la réalisation d’un souhait.30 Pour désigner une soirée de transe à Khénifra, on dit l-līla, c’est-à-dire « soirée » ou l-līla dyāl jjedba ou l-līla dyāl hedra,
Le mot jedba vient probablement de la racine jdb qui signifie : attirer, captiver, charmer, séduire, tirer. On dit aussi : l-līla dyāl hedra ; le mot hadra signifie « présence » et vient du verbe hadara qui veut dire : « être présent », « se trouver là », l-līla dyāl jjedba signifie en dialectal marocain : « soirée de transe », et l-līla dyāl hedra signifie : « soirée où les djinns sont présent ».
- Pendant cette soirée, les possédés ne sont plus eux-mêmes ; ils perdent la responsabilité de leurs gestes et de leurs paroles ; leur corps, pendant la transe, n’est qu’une façade derrière laquelle se cache le djinn pour agir.
- C’est pour cela que le possédé est considéré comme irresponsable.
- Cette irresponsabilité s’étend à l’ensemble de ses comportements anormaux, hors même des séances de transe.
On dit de lui : « il a fait ça malgré sa volonté », machī lkhatrū, Le cas de Malika le confirme. Tout son comportement, les fugues, la fréquentation de plusieurs hommes ou même la prostitution sont des actes involontaires aux yeux de sa famille et aux yeux des gens qui croient à la possession.
On peut, cependant, croire aux djinns et à la possession mais douter de l’irresponsabilité, cela dépend aussi des circonstances. Il ne faut pas croire, en outre, que toutes les personnes qui ont un comportement interdit (fugues, prostitution) puissent passer pour des possédés ou même le tentent. Une femme qui se prostitue et qui explique sa prostitution par des raisons économiques n’est pas considérée comme possédée.
Malika, au contraire, prétend que tout ce qu’elle a fait, elle l’a fait malgré elle : « Je ne réalise pas ce que je fais, moi je ne veux pas faire tout ça. Je me sens obligée de faire des choses que j’ai honte de raconter. Je sais que le fait de partir sans rien dire inquiète mes parents qui passent leur temps à me chercher, mais je ne peux pas les avertir car quelque chose me prend et je ne pense plus à personne, je pense seulement à faire ce que je suis obligée de faire.
- Une fois la nuit tombée, je ne sais pas comment, j’avais envie de partir à Mūlay Bū‘azza (un sanctuaire).
- Je suis partie sans rien, je n’avais ni argent ni nourriture, et je ne me rappelle pas comment j’ai fait pour arriver là-bas, je ne sais pas si je suis allée à pied ou si quelqu’un m’a prise en voiture.
» 31 J’ai mentionné, plus haut, les maladies qui sont provoquées par les djinns ; mais tous les malades qui attribuent leurs maux à cette origine ne sont pas forcément possédés, car le djinn, dans certains cas, donne la maladie et quitte le malade. C’est ce que l’on dit, par exemple, des personnes atteintes de paralysie.
- On ne peut pas considérer, non plus, que les possédés soient constamment habités et dirigés par les djinns.
- A part les fous, les autres ont un comportement normal et, en dehors des moments de crise, sont traités et considérés comme n’importe qui.
- En ce qui concerne les crises comme celles de Malika, où l’on fait (ou prétend faire) des choses sans vouloir les faire, je ne trouve pas d’explication à leur déclenchement : ni les discours des possédés et de leur entourage, ni l’observation répétée de cas ne permettent d’isoler des causes déclenchantes : c’est la possession qui les explique en général.
En revanche, les crises où l’on crie, où l’on s’arrache les cheveux et se griffe, où l’on se tord par terre, sont généralement déclenchées par une contrariété ou un énervement, par des odeurs et surtout par celle du benjoin. Mais, pour entrer en transe, la musique semble l’élément déterminant.
- Il s’agit d’une musique particulière, celle du djinn possesseur.
- Néanmoins, il est vraisemblable que l’effet de la musique soit préparé par l’ambiance qui règne dès le début des soirées de transe.
- On y parle de différents cas de possession, de la maladie, du malheur, des djinns, des sanctuaires et de la transe.
Cette ambiance n’est toutefois pas déterminante. Dans d’autres contextes comme les fêtes, les possédés peuvent entrer en transe si les musiciens jouent un rythme semblable à celui de leur djinn. Ces rythmes sont généralement évités.32 Quand la musique de transe commence, les possédés dansent d’une manière très lente et calme, puis commencent à se lever en dansant, et l’agitation devient progressivement plus au moins agressive ; d’autres se lèvent d’un seul coup pour danser.
Parfois, quand la musique s’arrête, des possédés tombent par terre en se tordant dans tous les sens et en criant. C’est cette phase de dynamisme et d’action que je nommerai « transe », en suivant Rouget qui la définit comme un certain type d’états « qui ne s’obtiennent que dans le bruit, l’agitation et la société des autres » (1990, p.47).
Cependant, l’état de satisfaction totale que manifeste le possédé après l’audition de son rythme favori, quand la voyante lui offre ce qu’il désire ou plutôt ce que désire son djinn, je le nommerai « extase », à l’encontre, cette fois, de Rouget qui définit celle-ci comme étant « un certain type d’états, disons seconds, atteints dans le silence, l’immobilité et la solitude » ( ibid.).
- En effet, l’extase, aussi bien que la transe, peut avoir lieu dans le bruit et dans la société des autres, mais dans un bruit moins violent que celui de la transe car il n’y a plus de musique, et l’agitation diminue sans exclure la société des autres.
- Le possédé en extase exprime et semble ressentir, alors, une jouissance extrême et une joie profonde, sans se préoccuper de ce qui l’entoure, comme s’il était dans une solitude totale et complète ; il est dans son propre monde et donne l’impression de ne voir et de n’entendre personne.33 La description de l’attitude d’une jeune femme possédée par Sidī el-Bahri, le Maître des mers, va faciliter l’explication de cet état.
Après l’audition de son rythme musical, la voyante lui a donné un bol d’eau qu’elle a bu d’un seul trait, mais elle a continué à chercher de l’eau, l’air affolé. La voyante, avec l’aide d’autres femmes, a amené une grande bassine remplie d’eau. Dès que la jeune femme l’a vue, elle s’est précipitée pour se mettre dedans ; elle avait les yeux fermés, un grand sourire serein qui exprimait le bonheur et le repos, des gestes très lents ; elle mettait ses mains dans la bassine, les remplissait d’eau pour la boire, mouillait et massait tout son corps avec une lenteur extrême, comme si elle voulait prolonger chaque mouvement pour faire durer le plaisir.
La différence entre l’état de transe et l’état d’extase tient à ce que, pendant l’état de transe, le possédé reste conscient de certaines choses, par exemple des rythmes joués, de la présence de sa couleur préférée que les assistants doivent éviter de porter ou cacher en se couvrant d’un drap, par crainte d’être attaqués par le possédé qui réduira leurs vêtements en lambeaux.
Il est conscient aussi des gens qui ne prennent pas au sérieux sa possession : ceux-ci risquent d’être agressés. En ce sens, il est conscient de la présence des gens. Cette conscience est momentanée car, après la transe, le possédé ne se rappelle plus de rien.
Au contraire, durant l’état d’extase, le possédé est inconscient de tout ce qui l’entoure, du bruit et des gens. L’isolement et la solitude ne sont pas réels parce qu’il est entouré ; mais ils sont éprouvés.34 La raison pour laquelle on organise une soirée de transe est d’expulser ou de conclure un accord avec le djinn possesseur, afin d’atténuer la souffrance du possédé.
J’écris « atténuer » parce que précisément « l’expulsion » n’est en fait ni définitive ni complète : la personne peut retrouver un comportement normal, mais son djinn pourra toujours se manifester si elle ne respecte pas les accords conclus lors de la soirée de transe, comme il pourrait aussi se manifester à l’occasion d’autres soirées auxquelles il assisterait.
- Cette nouvelle manifestation du djinn est temporaire et n’implique pas que la personne soit de nouveau « habitée ».
- De ce point de vue, Mohamed Boughali considère la transe comme une cure n’aboutissant jamais à la guérison totale mais – à l’instar de la psychanalyse – rendant seulement l’atteinte supportable : « En d’autres termes, en conditionnant les individus par la persistance diversement alimentée de telles représentations, le discours ethnopsy-chiatrique marocain suggère à quel point la maladie mentale n’est pas une affaire à prendre à la légère et que, tout bien considéré, il est préférable d’accepter les melk qui en sont responsables et de faire du corps propre une sorte de propriété qui leur revient par un droit à la fois tacite et accepté.
Désormais, en optant pour la transe rituelle, le malade sait à quoi s’en tenir et passe le reste de son temps à alimenter, par des espoirs accumulés et participants, une véritable instance de guérison. » (Boughali, 1988, p.260-261)
16 La musique joue donc un rôle très important dans les transes, ce qui n’est pas spécifique aux Maroc (.)
35 Selon cet auteur, la transe servirait donc à mettre en scène la maladie afin d’en atténuer la gravité. Et c’est apparemment ce qui se passe, puisque la plupart des personnes que j’ai rencontrées et qui s’étaient dites possédées par un djinn ont poursuivi une vie « normale ».
Ainsi en est-il de Malika qui n’est plus sujette à des crises ou à des fugues, mais qui continue à entrer en transe chaque fois qu’elle assiste à une soirée de transe ou chaque fois qu’elle entend une musique de transe 16,36 L’autre raison pour laquelle on organise une soirée de transe est la restauration de la communication entre la personne possédée, sa famille et leurs proches.
Cette fonction latente de la transe a été mise en évidence dans d’autres sociétés, comme chez les Hausa du Niger : « Le rituel de possession a donc pour tâche de restaurer les modalités de communication de l’individu dans son groupe (familial et villageois), mises en cause par l’intervention perturbatrice du génie ; ainsi, les récits de femmes, très largement majoritaires parmi les possédés, font état de difficultés personnelles liées à la maternité (stérilité, fausses couches) ou au mariage (polygamie, union forcée).
- » (Vidal, 1992, p.70) 37 Dans le cas de Malika, il s’agissait d’exposer et de prouver publiquement que son comportement marginal ne relevait pas de sa volonté mais lui était dicté par son djinn.
- Ainsi, le fait de dire rétablit la normalité de sa situation et rend alors possible la reprise des échanges sociaux.
A partir de ce moment, son djinn est censé la laisser libre ; elle est donc à nouveau maîtresse d’elle-même.38 Il peut paraître paradoxal de faire appel aux djinns dont on a constamment peur. Cela tient au fait que la séance de transe n’est pas un exorcisme mais la négociation d’une cohabitation pacifiée avec eux.
- On observera d’ailleurs que l’intermédiaire de cette négociation est lui-même un djinn, puisque c’est le djinn possédant le chef des musiciens qui s’adresse au djinn de la possédée.
- La présence des djinns n’est donc pas mise en cause, et ce que l’on recherche est visiblement une entente.
- En ce sens, le lieu de la transe devient un espace de paix où humains et surhumains peuvent communiquer, à condition que les humains prennent au sérieux les djinns et donc les possédés ; se moquer d’un possédé en transe est ainsi considéré comme une rupture du pacte de paix.
Celui qui rit ou qui dit que les personnes en transe ne sont que des menteurs est, d’ailleurs, censé être puni par les djinns et devient lui-même possédé. Cette explication ne saurait, cependant, suffire : demeure inexpliquée la raison qui conduit les Marocains à négocier avec les djinns plutôt qu’à les chasser.
- Bien souvent, en effet, le traitement de la possession se résume à un exorcisme, à l’expulsion plus ou moins violente de l’être possédant.
- Au contraire, la transe est un « hommage » qui lui est rendu, un dialogue qui s’engage avec lui et qui n’aboutit qu’à un retrait partiel, puisqu’il demeure toujours dans l’entourage de la personne possédée.
Cela tient sans doute à ce que les djinns habitent un univers parallèle à celui des humains, dont ils partagent de nombreuses caractéristiques. Ils ne représentent donc pas l’altérité, l’inverse du monde des hommes, mais se définissent plutôt par un campagnonage ambigu.
Il devient, en ce sens, difficile de les rejeter parce que le rejet suppose l’étrangeté. A cette explication il convient d’ajouter que la relation hommes/djinns est une relation conflictuelle basée sur une crainte réciproque. Les humains ont peur d’être frappés par les djinns, et les djinns peuvent souffrir à cause des humains.
Par exemple, si un homme verse de l’eau bouillante dans les égouts, il risque de les brûler. Chacun des protagonistes a peur de l’autre mais, en même temps, se sent incapable de s’en débarrasser.39 Cette situation est conforme à la conception agonistique des relations qui prévaut dans la société marocaine.
- Elle est similaire à celle dans laquelle se trouvent des personnes qui sont en situation de concurrence et se trouvent, cependant, obligées de cohabiter, comme des coépouses qui se jurent mutuellement de ne pas se faire de mal et, surtout, qu’aucune n’usera de la sorcellerie pour chasser l’autre.
- Ce pacte de paix résulte du fait que chacun des protagonistes reconnaît qu’il n’a pas la force ou les moyens d’éliminer l’autre.
La situation d’équilibre entre les parties, la pacification, ne résulte pas de la victoire définitive de l’une sur l’autre ; elle est la conséquence d’une négociation où la violence, toujours présente, mais théâtralisée, impose à chacune le respect de l’autre.
Il s’agit donc d’un compromis assez semblable à celui évoqué par Jean Pouillon (1987) à propos des relations entre margaï (génies) et Dangaleat (une population montagnarde du centre tchadien). Les margaï sont toujours considérées comme les premières habitantes du lieu ; elles agressent les humains quand ceux-ci manquent aux règles du culte et de la morale, mais, plus profondément, parce qu’ils sont des intrus.
Comme les humains ne peuvent renoncer à l’intrusion, un compromis est nécessaire dont les rites sont l’application. Donner aux margaï signifie que les hommes tiennent compte de leur présence et ne veulent pas les évincer. Tout cela est fort près de la doctrine marocaine sur les djinns qui sont aussi considérés comme les premiers habitants des lieux maintenant occupés par les hommes.
- Ce qui diffère relève de la conception culturellement construite des situations de conflit : alors que les Dangaleat expliquent l’agressivité des margaï par un manquement à des règles impersonnelles, les Marocains expliquent l’agressivité des djinns par un manquement à des règles interpersonnelles.
- Pour les uns, les êtres surhumains sanctionnent l’irrespect d’une prescription ; pour les autres, ils punissent l’irrespect de leur personne.40 Cette relation de négociation avec l’être surhumain dont on ne peut se débarrasser est également observable chez les zâr éthiopiens.41 Ceux-ci ont presque les mêmes caractéristiques que les djinns, bien que les Ethiopiens de Gondar soient chrétiens.
Ils sont semblables aux hommes, vivent à leur proximité, organisés en société hiérarchisée, de sexe féminin ou masculin, chrétiens, musulmans ou païens Cependant, avec les zâr, le pacte de paix résulte d’une substitution de victime ; on ne détruit pas le zâr, on le renvoie à une autre victime.
Mais la caractéristique essentielle de la relation avec les djinns demeure : « L’idée de « faire la paix » avec le zâr, de l’amener à « pardonner » est la base de tout le traitement appliqué par les guérisseuses et les guérisseurs Il s’agit donc essentiellement de réparer la faute commise, de rendre les zâr conciliants.
» (Leiris, 1989, p.19) 42 Cependant, ces explications ne sont que partiellement satisfaisantes, même si l’idée de compromis permet de comprendre la nature exacte de la séance de transe. Il importe, pour aller plus loin, de se reporter au travail de Zempléni sur les « être sacrificiels » (1987).
Comparant le culte wolof des rab, le culte éthiopien du zâr, des faits yoruba, fon, brésiliens et haïtiens, il montre que la « transe rituelle tend, quant à elle, à condenser en la figure du possédé celle de la victime animale et du sacrifiant humain, et à déplacer sur cette figure humaine animalisée deux éléments de scénarios sacrificiels : la consécration et l’immolation de la victime.
» (Zempléni, 1987, p.314) Si l’on poursuit en ce sens, la transe ne relèverait pas de l’exorcisme mais du sacrifice ; elle ne serait pas un rituel d’expulsion mais, tout au contraire, le don momentané d’une personne humaine à un être surhumain. C’est en cela que la soirée de transe est un « hommage » en même temps que cette « application d’un compromis » dont parlait Pouillon.
En recevant l’être surhumain en lui, le possédé offre une métaphore théâtralisée de la possible cohabitation des hommes et des djinns.43 La plupart du temps, les rituels qui demandent la présence d’un groupe sont interprétés comme des moyens destinés à renforcer l’intégration sociale en subordonnant l’individu à ses rôles sociaux (par ex.
Turner, 1972, p.302 et, plus récemment, Colleyn, 1988, p.193). Conformément à cette interprétation du rituel, les cultes de possession sont souvent décrits comme le mode d’expression par excellence des groupes dominés (par ex. Lewis, 1977 ; et, pour ce qui est du Maghreb, Ferchiou, 1972, p.66 ; Ouitis, 1977, p.117).
- Reysoo, dans son travail sur les pèlerinages au Maroc, affirme que la fonction principale des soirées de transe et des sacrifices est de renforcer la solidarité du groupe (Reysoo, 1991, p.80).
- Certes, pendant les soirées de transe, toutes les femmes présentes donnent l’impression de soutenir la personne pour laquelle la soirée est organisée, prient pour que son problème soit résolu, l’entourent de toute leur affection et de leurs soins, racontent leurs propres problèmes qui peuvent être semblables aux siens.
Cette ambiance donne l’impression d’une solidarité réelle et forte, mais, en réalité, la soirée ne renforce aucun lien. Ce qui s’y passe est temporaire. Tout d’abord, cette soirée avec ses couleurs, ses odeurs, ses musiques, ses danses est aussi un spectacle pour nombre de participantes (et de participants).
- Ce caractère avait déjà été mis en avant par Leiris, à propos des aspects théâtraux de la possession par les zâr (Leiris, 1989, p.33).
- Le terme que l’on emploie, en dialectal marocain, pour dire que l’on va à un spectacle est d’ailleurs : nemchī netferrej, terme qu’utilisent aussi beaucoup de personnes qui vont à une soirée de transe.
Ceci correspond à l’exemple de l’horoscope qu’Albert Piette a proposé pour illustrer le mode de participation paradoxal et mineur au rituel : « L’autre concerne la croyance anodine aux horoscopes, stimulée par des lectures voilées et intermittentes : elle apparaît comme une croyance clignotante, indécise ou semi-ludique, oscillant entre le sérieux et le non-sérieux, bénéficiant de la charge d’excitation à la lecture même, mais aussitôt modalisée par l’effet de la conscience rationnelle et critique.
» (Piette, 1993, p.73) 44 Cependant, la plupart des participants – des femmes, sans doute la part majoritaire – assistent à la transe afin de résoudre des problèmes personnels. Ils profitent de la présence des musiciens de la confrérie pour leur demander de prier pour eux, afin qu’Allah les guérisse de leurs maux et résolve leurs problèmes.
La présence de la voyante leur permet aussi de profiter d’une séance de divination. La catégorie la moins représentée est ainsi formée des personnes préoccupées par la possédée pour laquelle la soirée est organisée.45 La soirée de transe n’exprime donc pas la solidarité du groupe, elle rassemble seulement dans une représentation collective des femmes et des hommes qui y assistent pour des raisons personnelles.
Quelles sont les choses haram ?
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Ceci est dérivé des commandements trouvés dans le Coran, le livre sacré de l’ Islam, ainsi que dans le Hadith et la Sunna, des corpus de textes plus tardifs rapportant ce que le prophète Mahomet aurait dit ou fait au cours de sa vie. Des extensions de ces décisions sont publiées sous forme de fatwas par les mujtahids, avec différents degrés de sévérité, mais elles ne sont pas toujours considérées comme faisant autorité.
Selon le Coran, les seuls aliments explicitement interdits sont la viande d’animaux qui meurent d’eux-mêmes, le sang, la viande de porc et toute nourriture dédiée à l’adoration d’un autre que Dieu, c’est-à-dire pour laquelle on a invoqué le nom d’un autre que celui d’Allah.
Quel sport est conseillé en islam ?
1 Devant chaque acte, que ce soit la prière, le jeûne, le mariage, la vente, l’utilisation du cure-dents, l’entrée dans le bain ou la pratique du sport, le musulman se pose la même question : s’agit-il d’un acte interdit, blâmable, permis, recommandé ou obligatoire ? Ce sont les cinq catégories pour classifier les actes humains.2 Pour parvenir à cette fin, le musulman se réfère avant tout au Coran considéré comme un message divin, visant à conduire l’humanité vers ce qui est son bien, Dieu étant seul en mesure de décider ce qui est bien et ce qui est mal.
S’il n’y trouve pas de réponse claire, il s’adresse à la tradition ( sunnah ) de Mahomet, pour interpréter et compléter le Coran. Cette tradition désigne l’ensemble des dires, des faits et des approbations implicites ou explicites attribués à Mahomet, prophète infaillible et modèle que tout musulman doit suivre.
Mais l’authenticité de ces récits n’est pas admise par tous.3 A côté de ces deux sources, le juriste musulman moderne se réfère à la tradition des compagnons de Mahomet, aux écrits des juristes classiques qui ont systématisé le droit musulman et aux opinions des autorités religieuses modernes exprimées notamment sous la forme de fatwas (décisions en conformité avec le droit musulman).4 Il est cependant faux de croire que le droit musulman est un corpus juris cohérent, unanimement admis par tous les musulmans.
D’autre part, le droit musulman n’est plus la seule référence législative dans les pays arabo-musulmans. En effet, ces pays, tout en déclarant le droit musulman comme une source, voire la source principale du droit, ont construit un système juridique hybride comportant des normes inspirées du droit musulman classique et du droit occidental, ce qui n’est pas sans créer des conflits, parfois violents, entre les régimes arabes et les milieux religieux.
Cette opposition entre le droit positif et les normes religieuses se manifeste aussi dans le monde occidental comme dans le cas des adversaires de l’avortement.5 Dans le peu d’espace qui est consacré au sport dans la culture musulmane, le souci des juristes musulmans classiques et modernes est essentiellement de savoir dans quelle catégorie des cinq décrites plus haut il faut le classer : interdit, blâmable, permis, recommandé ou obligatoire.
- Pour répondre à cette question, il leur faut commencer par scruter ce qu’en dit le Coran.6 On trouve peu de référence au sport dans le Coran.
- Dans le récit de Joseph, on lit ce passage : « Ils revinrent le soir chez leur père en pleurant et ils dirent : « O notre père ! Nous étions partis pour jouer à la course ; nous avions laissé Joseph auprès de nos affaires.
Le loup l’a dévoré. Tu ne nous croiras pas, et, cependant, nous sommes véridiques » (12 :16-17).7 Ceci indiquerait que la course est permise, sinon les frères de Joseph ne l’auraient pas pratiquée.8 Il y a ensuite le fameux verset relatif à la préparation pour la guerre : 9 « Préparez, pour lutter contre eux, tout ce que vous trouverez, de force et de cavaleries, afin d’effrayer l’ennemi de Dieu et le vôtre et d’autres encore, que vous ne connaissez pas, en dehors de ceux-ci, mais que Dieu connaît ».10 Invoquant ce verset, l’auteur égyptien d’une thèse de doctorat en droit dit que le sport est un moyen qui sert à rendre plus forte la personne ; par conséquent, il doit être considéré comme une pratique obligatoire ordonnée par Dieu ,11 Mais ce sont surtout des récits de Mahomet qui fondent la position islamique en matière du sport.
Mahomet aurait dit : 12 – « La vraie force consiste à tirer à l’arc », phrase qu’il aurait répétée à trois reprises. – « Dieu fait entrer au paradis pour chaque flèche trois personnes : celui qui la fait, celui qui la fournit dans la voie de Dieu, et celui qui la tire dans la voie de Dieu ». – « Le croyant fort est meilleur et préférable à Dieu que le croyant faible ».
– « Tout ce dont s’amuse le fils d’Adam est vain (batil) à l’exception de trois : tirer une flèche de son arc, dresser son cheval et jouer avec les siens. Ces trois relèvent de la droiture ». – « Occupez-vous à tirer à l’arc, car c’est le meilleur amusement ».
– « Celui qui n’a pas appris à tirer à l’arc, n’est plus de nous ». – « Enseignez à vos enfants à nager et à tirer à l’arc, et dressez-les pour qu’ils se mettent sur le dos du cheval en sautant »,13 On rapporte aussi que Mahomet avait fait la course avec sa femme ‘A’ishah, pratiqué la course à cheval, approuvé de telles courses, assisté avec sa femme ‘A’ishah à des combats de lances qui se déroulaient dans sa propre mosquée, gagné la lutte contre un infidèle.
Des récits des compagnons de Mahomet vont dans le même sens.14 Naqrish, auteur égyptien moderne, conclut que ces récits légitiment la pratique du sport et la persévérance dans une telle pratique afin de maintenir la force acquise. Ceci, dit-il, est en conformité avec l’esprit du droit musulman qui vise à protéger le corps et la raison.15 Naqrish invoque enfin l’argument de l’unanimité : aucun auteur classique ne s’est prononcé contre la pratique du sport.
Selon cet auteur, en droit positif, le sport est un droit, mais en droit musulman, c’est un devoir servant à « élever la parole de Dieu ».16 Le sport trouve ainsi sa légitimation en tant que moyen de renforcement de l’individu et du groupe. Dans la relation entre individus, le sport est un défi visant à abaisser l’orgueil des mécréants.
Il participe au projet collectif d’étendre l’expansion de la religion par le jihad, Il s’agit donc d’une conception du sport au service d’une cause religieuse.17 Il s’agit cependant ici d’initiatives isolées et non pas d’une conception préconçue.18 Un chercheur maghrébin fait remarquer que le sport a été introduit dans les pays d’Afrique du Nord par la colonisation et les écoles missionnaires.
Il était limité aux colons privilégiés. Cette image du sport colonial est restée longtemps ancrée dans la mentalité des couches sociales modestes, et elle est loin d’être encore totalement évacuée , Il signale en outre que les sportifs sont généralement considérés comme des « amuseurs de foule ». Les sportifs, surtout les footballeurs, ont été longtemps traités de « kleb essouk » (« chiens de souk »), de « khourjias » (« tapeurs de ballon ») qui passent leur vie futilement à courir derrière une balle.
Ces qualificatifs linguistiques sont très symboliques et traduisent le statut social dégradant et peu glorieux des acteurs investissant le monde sportif.19 Cette image négative du sport n’est valable que dans certains milieux conservateurs. En effet, le sport attire aujourd’hui de plus en plus de jeunes et de spectateurs dans le monde arabo-musulman.20 Comme nous venons de le voir, en droit musulman, la pratique du sport est en soi licite, voire obligatoire, du fait qu’elle peut renforcer l’individu et le groupe.
- Il faut cependant que le sport ne se heurte pas à des interdits religieux qui en limitent la pratique.
- C’est ce que nous verrons dans les points suivants.21 Le droit musulman classique a établi des normes interdisant la promiscuité entre hommes et femmes et imposant des tenues vestimentaires strictes surtout à ces dernières.
Il nous suffit ici de citer deux passages du Coran : 22 « Dis aux croyantes : de baisser leurs regards, d’être chastes, de ne montrer que l’extérieur de leurs atours, de rabattre leurs voiles sur leurs poitrines, de ne montrer leurs atours qu’à leurs époux, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs époux, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs époux, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou à leurs servantes ou à leurs esclaves, ou à leurs serviteurs mâles incapables d’actes sexuels (lam yazharu ‘ala ‘awrat al-nisa’) ou aux garçons impubères.
Dans les rapports d’homme à homme : la partie honteuse s’étend du nombril au genou. Ainsi il est interdit à un homme de regarder la cuisse d’un autre homme.Dans les rapports de femme à femme : la partie honteuse s’étend du nombril au genou aussi. Certains cependant interdisent à la femme non musulmane de regarder le corps d’une femme musulmane afin qu’elle ne le décrive à son mari non musulman.Dans les rapports de femme à homme : la femme peut regarder toute partie du corps de son mari. En ce qui concerne le corps du père, du frère et de l’oncle paternel ou maternel, elle n’a pas le droit de regarder la partie située entre le nombril et le genou. Pour les autres personnes, il est interdit à la femme de regarder leur corps, mais certains légistes lui interdisent de regarder seulement la partie située entre le nombril et le genou.Dans les rapports d’homme à femme : des légistes disent que tout le corps de la femme constitue une partie honteuse, y compris ses ongles. Certains légistes cependant en excluent son visage et ses deux mains. Les uns et les autres invoquent des versets coraniques et des récits de Mahomet à l’appui de leur avis ,
26 Ces normes sont d’application générale, y compris dans le sport. Se référant au récit de la course de Mahomet avec sa femme ‘A’ishah, Al-Shawkani dit que la course entre hommes et femmes n’est permise que s’ils sont maharim , terme qui indique les personnes qu’on ne peut légalement épouser.
C’est une référence directe au verset 24 : 31 cité plus haut, ce qui signifie que l’homme peut faire la course avec sa femme, sa mère, sa grand-mère, sa belle-mère, sa tante, sa fille et sa nièce ; mais il ne peut la faire avec sa cousine ou sa voisine.27 A Bagdad, au X siècle, il y avait plus de 120 000 bains.
Plusieurs écrits classiques traitant des aspects médicaux et légaux leur ont été consacrés. Ces écrits rapportent certains récits de Mahomet maudissant les bains parce qu’ils étaient fréquentés par des gens nus. D’autres récits commandent aux hommes de n’y entrer que couverts et de ne pas regarder la nudité des autres.
- Ils interdisent aux femmes d’y entrer, sauf en cas de maladie.
- Certains auteurs cependant estiment que les femmes ont le droit de fréquenter les bains parce qu’elles en auraient plus besoin que les hommes, ceux-ci pouvant se laver dans les fleuves ,
- Dans tous les cas, il est interdit aux hommes et aux femmes de fréquenter les bains simultanément ,28 Ceci dit, si on observe l’état actuel de la question, on trouve dans la société arabo-musulmane des femmes qui occupent les fonctions les plus élevées sur le plan politique, académique et économique, habillées à la dernière mode, étudiant ou travaillant à côté des hommes.
A Tunis des femmes règlent le trafic routier et contrôle les billets dans les transports publics. En même temps, on trouve des femmes couvertes dans la rue de la tête aux pieds. Elles ne sont jamais présentées aux invités mâles et le repas est pris par les hommes sans les femmes.
- Lorsque les femmes prennent les transports publics, elles sont placées à l’arrière du bus, dans un espace où des rideaux noirs sont tirés devant les fenêtres ; elles sont séparées des hommes par un autre rideau.
- C’est le cas notamment de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe.
- Les hommes dans ces pays refusent de serrer la main d’une femme.29 Ces deux manières de vivre se reflètent dans le domaine sportif.
L’éducation physique fait partie intégrante du cursus scolaire dans les pays arabo-musulmans. Mais les écoles ne sont généralement pas mixtes, ce qui signifie que la promiscuité dans le sport est résolue déjà à la base , Dans les écoles et les universités mixtes, les activités sportives sont généralement pratiquées séparément par les étudiants et les étudiantes.
- Les entraîneurs des secondes sont en principe des femmes.30 Cette séparation cependant n’est pas absolue.
- L’auteur d’un petit livre égyptien opposé à la promiscuité dans les écoles relève que les femmes responsables des activités sportives dans certaines écoles pour filles font parfois appel à des jeunes hommes sous prétexte que les hommes sont plus sévères et plus stricts.
Il s’interroge sur la moralité du fait de placer des hommes adultes face à des filles s’adonnant à des mouvements des pieds et des mains, faisant bouger leurs seins et montrant ce qu’elles n’ont pas le droit de montrer. Selon lui, la présence des entraîneurs mâles face à des filles est une violation des ordres de Dieu : « Dis-leur de ne pas frapper le sol de leurs pieds pour montrer leurs atours cachés (24 : 31) ,
- Cette présence détruit le sentiment de pudeur que le Coran cherche à développer : « Dis aux croyants : de baisser leurs regards, d’être chastes.
- Ce sera plus pur pour eux.
- Dieu est bien informé de ce qu’ils font » (24 : 31) ,
- « Dis aux croyantes : de baisser leurs regards, d’être chastes, de ne montrer que l’extérieur de leurs atours » (24 : 31).31 En dehors des programmes scolaires et universitaires, la participation de la femme dans les activités sportives est réduite.
Cela est dû à différentes raisons :
le sport est considéré comme une perte de temps ;le coût financier du sport ;le refus des parents, du fiancé ou du mari à ce que la femme y participe, surtout du fait que les entraîneurs sont souvent des hommes ;l’opposition des milieux religieux qui refusent que les femmes fassent du sport en dehors des salles fermées.
32 En Égypte, la participation des femmes en 1988-89 dans les activités sportives au sein des organismes officiels de la jeunesse était de 12,6 % dans les villes et de 7,2 % dans les villages. Ce taux s’élève entre 16 et 40 % dans les clubs de première catégorie dont font partie les classes aisées de la société.
Les femmes restent cependant exclues des compétitions. Les statistiques officielles démontrent que les femmes représentent 24,6 % des membres des clubs sportifs, mais seulement 8 % des joueuses. La montée de l’intégrisme dans la société contribue à un recul de la participation de la femme dans les activités sportives et à une perte des acquis féminins dans ce domaine.33 Il est intéressant ici de relever les différentes opinions des milieux religieux musulmans en ce qui concerne les activités sportives.34 Interrogé à propos des clubs pour les femmes, un professeur de l’Université de La Mecque répond : 35 « Il existe une règle islamique sage : « La prévention du dommage a la priorité sur la réalisation d’un intérêt ».
Un principe musulman prescrit aussi de fermer la porte aux prétextes qui peuvent conduire au vice et aux péchés. En apparence, le club sportif féminin est innocent, mais en réalité et dans son résultat, il conduit au vice et donne prétexte à la promiscuité entre les deux sexes à l’entrée, en allant ou en retournant du club.
On constate ce mal déjà autour des écoles et les sections universitaires propres aux filles. Mais comme l’enseignement est nécessaire, il nous faut supporter cet inconvénient. Le sport, par contre, n’est pas nécessaire pour les filles, et celles-ci peuvent le pratiquer dans leurs maisons, dans leurs familles, loin des yeux sournois » ,36 Fadl-Allah, chef chiite libanais, interdit de nager dans des piscines mixtes car cela laisse supposer le vice et conduit souvent à ce qui est interdit.
Les étudiants et étudiantes fondamentalistes en Iran, considérant la piscine comme un lieu de débauche, demandèrent au ministre de l’Education la fermeture de la piscine de la Haute école sportive de Téhéran après la révolution iranienne.37 Une thèse égyptienne en droit dit que les femmes ne doivent pas fréquenter les bains ,
Les hommes, par contre, peuvent le faire s’ils y entrent couverts, mais à condition qu’ils ne disposent pas de bains dans leurs maisons , Aucun mot des piscines. Mais il est évident que ces restrictions s’appliquent par analogie aussi à celles-ci.38 Un cheikh azharite égyptien s’emporte contre la fréquentation des plages par des hommes et des femmes « nus ou presque nus ».
Il dit que ces hommes et ces femmes qui exposent leur corps comme on expose des esclaves ont besoin de fouets qui déchirent leur peau en expiation de leurs péchés et de leur manquement à la pudeur. Ils sont éloignés des normes islamiques, chrétiennes et juives.
- « L’oiseau a ses plumes, et l’animal ses poils, comment donc ces hommes et ces femmes s’abaissent au-dessous des animaux ? » Il demande à l’État d’interdire la nudité sur les plages et de fixer un temps pour les hommes, et un autre pour les femmes.
- Mais comme l’État ne fait pas son devoir, l’auteur en question dit que c’est à chacun de faire respecter les normes au nom du principe : « Ordonner le bien et interdire le mal » ,39 Remarquons ici que les plages d’Alexandrie dont il est question ici ne sont pas fréquentées par des nudistes ; cet auteur qualifie de nudité le fait de porter un maillot de bain.
En fait, dans l’esprit d’un musulman, la femme doit respecter les mêmes normes vestimentaires, au marché comme à la mer. J’ai pu voir en juillet 1996, à côté d’Européennes en maillot, des femmes musulmanes nager avec tous leurs habits dans la mer Morte et dans la mer Méditerranée.
Étrangement, les maris de ces musulmanes nageaient en maillot. Le droit musulman semble donc s’appliquer différemment, selon qu’on est femme ou homme.40 Quelqu’un demanda si les filles obligées de porter des pantalons courts (shorts) pendant les activités sportives ne devraient pas abandonner celles-ci malgré leur utilité pour le corps.
Muhammad Al-Bahi répond que le short que porte la fille adulte pendant qu’elle fait des mouvements en plein air lui fait perdre sa pudeur et lui donne le sentiment que son corps est sans protection et sans secret. Le Coran condamne l’exposition ostentatoire du corps de la femme à une autre personne que son mari ( tabarrug ).
- La civilisation matérialiste contemporaine a appelé la femme à exposer les parties attrayantes de son corps afin de satisfaire la concupiscence de l’homme.
- Mais ceci n’est bon ni pour la femme ni pour l’homme.41 Même si les musulmans ne sont pas tous opposés à l’accès de la femme au sport, la séparation des sexes reste un souci constant dans la société arabo-musulmane.
En Iran, les activités sportives féminines furent même confiées à un organisme composé uniquement de femmes, et les compétitions sportives se font exclusivement entre femmes, les hommes étant exclus, que ce soit à titre de participants ou de spectateurs.42 On conçoit en règle générale les pratiques religieuses islamiques comme un sport bénéfique à la santé physique.
- C’est ainsi que le musulman doit effectuer cinq fois par jour la prière en faisant de nombreux mouvements : bouger les bras, s’agenouiller, se relever, toucher le sol avec son front étant agenouillé.
- On peut aussi citer le pèlerinage à La Mecque sous l’angle sportif ,43 A côté de cet aspect positif des rituels musulmans, Yaldai signale que le jeûne du mois de Ramadan affecte négativement le sport.
Comme le musulman ne peut avoir de l’eau dans sa bouche pendant le jour, il ne peut s’adonner à la natation durant le mois de Ramadan. D’autre part, l’épuisement physique que provoque le jeûne a pour conséquence l’impossibilité de pratiquer un effort sportif physique pendant ce mois, ce qui est contraire aux exigences des compétitions sportives modernes.
- Yaldai constate que les sportifs musulmans se limitent donc lors de ce mois à l’étude théorique du sport.44 La légitimité d’une pratique sportive connaît des limites lorsqu’elle porte atteinte à l’intégrité physique ou à la vie.
- Nous nous limiterons ici à envisager les risques auxquels s’exposent les sportifs eux-mêmes.45 Sur ce plan, il n’existe pratiquement pas de normes relatives au sport en droit musulman classique.
On trouve cependant quelques décisions religieuses modernes qui méritent d’être citées.46 En octobre 1987, l’Académie du droit musulman, organisme dépendant de la Ligue du monde musulman dont le siège est à La Mecque, a promulgué la fatwa suivante interdisant la boxe, sport pourtant pratiqué dans les pays arabo-musulmans : 47 « Le Conseil de l’Académie est d’avis, à l’unanimité, que la boxe pratiquée aujourd’hui dans les stades sportifs et les compétitions de nos pays est interdite en droit musulman car ce sport part du principe que les deux parties se permettent de faire subir à l’autre un dommage corporel pouvant conduire parfois à la cécité, à une atteinte grave ou permanente au cerveau, à des fractures graves ou à la mort, sans que celui qui a donné le coup soit considéré comme responsable de son acte, et ce avec des manifestations de joie du public envers le gagnant en raison du dommage subi par l’autre.
Or ceci est interdit totalement et partiellement selon les normes du droit musulman. Dieu, à lui la gloire, dit : « Ne vous exposez pas, de vos propres mains, à la perdition » (2 : 195). Il dit aussi : « Ne vous entre-tuez pas. Dieu est miséricordieux envers vous » (4 : 29). Mahomet, prière et salut sur lui, dit : « Ni dommage ni dommage réciproque ».
Partant de ce principe, les légistes musulmans ont établi que si quelqu’un dit à un autre : « Tue-moi », ce dernier n’a pas le droit de le faire. Et s’il le fait, il en est responsable et mérite le châtiment. Par conséquent, l’Académie décide que la boxe ne saurait être appelée un sport, et il n’est pas permis de la pratiquer du fait que le sport se base sur l’exercice physique sans nuisance ou dommage.
- La boxe doit être supprimée des programmes sportifs locaux ; il est interdit d’y participer dans les compétitions internationales.
- Le Conseil décide en outre qu’il est interdit de transmettre à la télévision une telle activité afin que la jeunesse ne l’apprenne pas et ne l’imite pas ».48 Une décision similaire a été prise par cet organisme à l’encontre de la lutte libre, et pour les mêmes raisons.
Le Conseil considère cependant comme licite « toute autre lutte pratiquée simplement pour l’exercice physique sans que les parties ne se permettent de porter atteinte l’une à l’autre » ,49 Interrogé sur la lutte et la boxe, un professeur de l’université d’El-Azhar, Ahmad Al-Sharabassi, dit que ces deux sports sont licites sous la forme d’exercice physique et de manifestation de la défense personnelle, dans les limites du but sportif sain et de normes qui les éloignent de l’agressivité et de l’anarchie, n’exposant pas les parties à des risques et à des atteintes physiques.
Al-Sharabassi signale ici que Mahomet avait lutté avec un mécréant. Il ajoute que si ces deux sports se pratiquent en tant qu’agression anarchique brutale, sans loi et sans frein empêchant de porter atteinte à autrui, ils deviennent illicites, car parmi les règles de l’islam se trouvent les suivantes : « Le dommage doit être supprimé » et « la prévention du mal a la priorité sur la réalisation des intérêts » ,50 Les auteurs musulmans modernes traitent de la responsabilité des sportifs dans les compétitions.
A défaut de normes islamiques classiques, ils se réfèrent au droit et aux décisions des tribunaux occidentaux et à quelques normes et décisions arabes inspirées du droit occidental , Comme elles ne présentent pas d’intérêt particulier, nous n’en parlerons pas ici.51 Peut-on utiliser les enfants dans les activités sportives ? Au lieu de répondre à cette question, j’expose ici brièvement le cas des enfants jockeys dans les courses de chameaux aux Émirats arabes unis.52 Cette affaire a été longtemps soigneusement cachée.
- C’est une enquête de la BBC qui l’a révélée au grand jour ,53 Selon cette enquête, depuis des années des milliers de petits Pakistanais et Bangladeshis sont enlevés ou achetés à leurs familles pour participer à des courses de chameaux organisées par les émirs arabes du Golfe.
- Agés souvent de moins de dix années, ils risquent leur vie, et parfois la perdent pour le simple plaisir des princes du pétrole.54 Le rapport relatif aux pratiques des droits de l’Homme du Département d’État américain de 1991 ignore tout de ce problème.
On y lit : « Les règlements relatifs au travail interdisent l’emploi de personnes âgées de moins de 15 ans. Des dispositions particulières règlent la question de l’emploi de personnes âgées entre 15 et 18 ans » ,55 Le rapport de 1992, comme par enchantement, découvre le problème et nous apprend que le gouvernement des Émirats a annoncé de nouvelles normes relatives aux courses de chameaux afin de supprimer l’utilisation de jeunes enfants comme jockeys dans ces courses et de renvoyer à leurs parents ceux qui servent actuellement de jockeys.
- Le rapport ajoute que le gouvernement avait toléré en 1992 l’emploi d’enfants de 5 à 8 ans pour monter les chameaux comme jockeys dans des courses de chameaux dangereuses.
- Apparemment, ces enfants entrent dans le pays illégalement, souvent avec l’assistance d’agents organisés.
- Mal nourris, afin de ne pas dépasser les 20 kilos, ces enfants sont gardés dans des conditions inhumaines.
De nombreux enfants sont soignés dans les hôpitaux gouvernementaux pour des blessures occasionnées dans des accidents en montant les chameaux. Lorsque la police locale est appelée à s’occuper d’un litige en rapport avec ces enfants, ils sont normalement rapatriés ,
Ici se termine le rapport en question qui, en outre, nous apprend l’emploi de très jeunes enfants d’origine africaine et sud-asiatique dans des courses de chameaux qui ont lieu aussi au Qatar et que des accidents parfois mortels s’y sont produits ,56 Le sport ne doit pas devenir un moyen de divertissement futile qui fait souffrir inutilement les animaux.
On se base ici sur le fait que Mahomet aurait maudit celui qui tire sur un animal retenu dans un lieu fermé. Il aurait aussi interdit d’opposer les animaux les uns aux autres , Ayant vu un homme courir derrière ses pigeons, Mahomet l’aurait qualifié de : « diable courant derrière un autre » ,57 Pour parler concrètement, le droit musulman interdit des sports comme la tauromachie pratiquée en Espagne, les combats de coqs pratiqués en Grande-Bretagne, et ceux de vaches pratiqués en Suisse.
On remarquera cependant que dans certains pays musulmans (comme l’Afghanistan), on trouve la pratique du combat de chiens.58 L’Académie du droit musulman, citée plus haut, a lancé une fatwa interdisant la tauromachie en ces termes : « La tauromachie pratiquée dans certains pays conduit à la mise à mort du taureau par une personne entraînée à porter une arme.
Elle est interdite en droit musulman du fait qu’elle conduit à la mort de l’animal par des flèches plantées dans son corps. Il arrive souvent que dans une telle lutte le taureau tue le torero. Cette lutte est un acte sauvage que rejette le droit musulman en vertu du récit du prophète Mahomet : « Une femme est entrée en enfer parce qu’elle avait enfermé sa chatte sans lui donner à manger ou à boire et sans lui permettre de se nourrir des petites bêtes de la terre ».
Or si l’enfermement de la chatte est châtié par l’enfer le jour de la résurrection, que dire du fait de faire souffrir un taureau par une arme jusqu’à la mort ? » L’Académie décida aussi d’interdire les combats entre des animaux comme les chameaux, les boucs, les coqs et autres, combats dans lesquels ces animaux se font mal ou se tuent mutuellement ,59 La chasse et la pêche ne sont pas interdites en droit musulman, pour autant qu’elles servent comme moyen pour se procurer de la nourriture ,
Par contre, si le but est de se divertir en tuant ou en faisant souffrir les animaux, de telles pratiques sont interdites. Mahomet aurait dit que l’oiseau se dressera en accusateur le jour du jugement contre celui qui l’a tué futilement ( ‘abathan ) sans utilité ( manfi’atan ) ,
Il faut cependant remarquer que cette règle est rarement respectée par les notables musulmans qui chassent, non pas pour se nourrir, mais pour le plaisir de chasser.60 Le droit musulman interdit les jeux de hasard. Deux versets du Coran en parlent : 61 « O vous qui croyez ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées et les flèches divinatoires sont une abomination et une œuvre du Démon, évitez-les.
Peut-être serez-vous heureux. Satan veut susciter parmi vous l’hostilité et la haine au moyen du vin et du jeu de hasard. Il veut ainsi vous détourner du souvenir de Dieu et de la prière. Ne vous abstiendrez-vous pas ? 62 Ils t’interrogent au sujet du vin et du jeu de hasard ; dis : Ils comportent tous deux, pour les hommes, un grand péché et un avantage, mais le péché qui s’y trouve est plus grand que leur utilité ».63 On posa les deux questions suivantes au cheikh égyptien, aveugle, ‘Abd al-Hamid Kishk : 64 – « Quel est l’avis de la religion si un match de football a eu lieu entre deux équipes, chaque joueur payant une somme déterminée (ce qui signifie que le jeu est contre argent), le tout revenant à l’équipe gagnante qui la distribue entre ses joueurs à égalité ? – Qu’en est-il si une personne possède un ballon et le loue à ces deux équipes contre une certaine somme d’argent payée par l’équipe gagnante à partir de l’argent qu’il reçoit ? Est-ce que le gain réalisé par celui qui loue le ballon est licite ou illicite ? » 65 La réponse du cheikh est la suivante : 66 « Il n’est pas permis de jouer au football contre de l’argent car il s’agirait là d’un jeu de hasard, et le jeu de hasard est interdit expressément par le Coran (il cite ici le verset 5 : 90-91).
- En ce qui concerne le fait de louer le ballon, ceci constitue un acte licite à la condition que le jeu lui-même ne soit pas un jeu de hasard ( qimar ).
- Le fait de louer le ballon alors que son propriétaire sait que le jeu est contre argent aide à commettre un interdit, et ceci est interdit en soi en vertu de la règle juridique : Tout ce qui mène à un interdit est interdit.
L’argent gagné par le bailleur dans ce cas est de l’argent vicieux : Il est donc interdit de le prendre ou de l’utiliser » ,67 Cette position du cheikh égyptien qui se veut conforme au droit musulman est en opposition avec le récit selon lequel Mahomet avait lutté avec un non-musulman à plusieurs reprises et avait gagné.
Dans ce récit, Mahomet avait parié sur une chèvre. Chaque fois qu’il parvenait à mettre par terre son adversaire, il en recevait une. Surpris par la force de Mahomet, l’adversaire s’est converti à l’islam, et Mahomet lui aurait alors rendu ses chèvres ,68 S’attardant sur ce récit, Ibn-Hagar l’interprète de deux façons pour en conclure que le pari n’est pas autorisé car : 69 « 1) Le sens apparent de ce récit est que Mahomet voulait prouver sa capacité à battre son adversaire et à lui prendre l’argent.
Une fois qu’il l’a prouvé, il lui a rendu l’argent ,2) On peut aussi dire que l’adversaire de Mahomet était un mécréant, donc un ennemi dont il est permis de prendre de l’argent. Une fois qu’il est devenu musulman, Mahomet lui a rendu son argent ».70 Répondant à une question relative aux courses de chevaux, Al-Sharabassi, professeur à El-Azhar, écrit que l’islam jette un regard de respect sur les chevaux en tant que moyen de force.
- Le Coran en parle au verset 8 : 60 (cité plus haut).
- De nombreux récits de Mahomet parlent de courses de chevaux et de chameaux.
- Mahomet lui-même avait une chamelle réputée invincible.
- Une récompense était prévue pour le vainqueur de ces courses.
- Les légistes ont cependant mis comme condition pour une telle récompense qu’elle proviennent d’une personne tierce aux courses.
Ainsi il est permis que le gouverneur prévoie le paiement d’une prime au vainqueur prise dans le trésor public ou dans son propre argent, et ceci afin d’inciter les gens à faire de la compétition. Ils permettent aussi que quelqu’un promette à une autre personne de la payer si elle le dépasse.
- Un pari provenant des deux parties est par contre prohibé.
- Abu-Hanifah considère comme nul un contrat de compétition contre de l’argent.
- Al-Sharabassi ajoute : « Quant aux courses actuelles, elles ne sont qu’une forme de jeux de hasard comportant des dangers et des intrigues.
- Souvent elles conduisent ceux qui les pratiquent et ceux qui y participent à des malheurs.
Elles sont la cause de la destruction de nombreuses familles. Ce sport ne remplit pas les conditions prévues par l’Islam. De ce fait, ce genre de course est illicite » ,71 Un auteur jordanien écrit que les primes ne sont licites que dans certains sports : la course de chevaux et de chameaux, le tir à l’arc, la course et la lutte entre les personnes et la course des pigeons.
Le critère dans la licéité ici est la part dévolue à de telles courses dans la guerre. Mais qu’en est-il des courses de voiture ? Il répond qu’une telle course ne participe pas à la guerre, et que par conséquent elle ne saurait faire licitement l’objet de récompense. Par contre, est licite la récompense une compétition dans laquelle on ferait usage de canons, de mitraillettes, de bombes ou dans laquelle on tirerait sur un objectif, notamment les avions ,72 Ce débat a des implications sur le plan de la loi.
Sous le titre de « Jeu et pari », le Code civil égyptien contient deux articles que nous citons ici : « Art.739 – 1) Toute convention relative au jeu ( muqamarah ) ou au pari est nulle.73 2) Celui qui a perdu au jeu ( muqamarah ) ou au pari peut, nonobstant toute convention contraire, répéter ce qu’il a payé dans le délai de trois ans à partir du moment où il a effectué le paiement.
Il peut prouver le paiement par tous les moyens.74 Art.740 – 1) Sont exceptés des dispositions de l’article précédent les paris entre personnes prenant part à des jeux sportifs. Néanmoins le juge peut réduire l’enjeu s’il est excessif.75 2) Sont aussi exceptées les loteries légalement autorisées ».76 Un projet de code civil conforme au droit musulman fut préparé par une commission parlementaire égyptienne en 1982, mais il n’est jamais entré en vigueur.
Il traite de cette question dans deux articles portant la même numérotation que ceux du Code civil actuel.77 Ce projet reprend la teneur de l’article 739, avec quelques modifications purement formelles, mais il modifie la teneur de l’article 740 comme suit : 78 « 1) Sont exceptés des dispositions de l’article précédent le jeu ( muqamarah ) comportant une prime en faveur de celui qui gagne en atteignant un objectif dans le domaine du sport ou des exercices faisant acquérir la force.2) La prime peut être de l’un des compétiteurs ou de quelqu’un d’autre à condition qu’elle soit octroyée au gagnant.3) Il n’est pas permis que les deux compétiteurs fixent une prime à gagner l’un de l’autre ».79 Le mémoire explicatif précise que le pari n’implique aucun effort dans la réalisation du gain.
Tel est le cas des spectateurs à une course de chevaux qui parient sur le cheval gagnant. Par contre, la muqamarah (traduite par « jeu » en français) exige un rôle positif de la part des joueurs dans le but de réaliser un gain. Tel est le cas des sportifs qui jouent sur une prime. Dans le pari comme dans le jeu, il y a donc une prime, acquise par le gagnant dans le premier sans effort, et dans le dernier avec effort.
Le pari et le jeu sont tous deux interdits du fait qu’ils sont contraires à la morale (en tant que moyen de gain sans productivité) et à l’ordre public (du fait qu’ils poussent souvent à la ruine, à la haine et à la non-productivité). Le jeu cependant est autorisé dans les conditions suivantes : 80 – « Le jeu doit avoir pour objet un sport ou un exercice faisant acquérir la force.
- Ceci comprend toutes les activités qui renforcent le corps et la santé : la gymnastique, le football, le tennis, la course, la lutte, la course de chevaux, la natation, le lancement des javelots etc.
- En sont par contre exclus les jeux d’échecs, les jeux de cartes, le domino, les roulettes et les loteries.
– La prime à gagner ( ga’l ) dans le jeu peut provenir d’un des participants à la compétition ou d’une personne externe (autorité ou association). Cette prime doit être donnée à celui qui gagne. – Il n’est pas permis que les deux compétiteurs se mettent d’accord sur une prime à gagner par l’un d’eux.
- Il est donc interdit qu’un compétiteur dise à l’autre : Si je gagnes tu me paies, mais si tu gagnes c’est moi qui te paie.
- Il est aussi interdit que les deux compétiteurs mettent en commun un montant qui reviendrait au gagnant.
- Il est par contre permis qu’un compétiteur dise : Si tu gagnes, je te paie, mais si je gagne, tu ne me dois rien.
De même, il est permis que les deux compétiteurs se mettent d’accord sur un montant qui sera gagné non pas par l’un d’eux, mais par une personne tierce » ,81 Le spectacle du sports pose les mêmes problèmes que sa pratique, à savoir celui de l’utilité, de la promiscuité et des paris.82 Partant de l’idée que le sport a pour objectif le renforcement du corps et de la raison de la personne et du groupe, Naqrish écrit dans sa thèse de doctorat que cet objectif ne se réalise pas dans le rôle des spectateurs eux-mêmes.
- Bien au contraire, ceux-ci perdent leur temps dans le spectacle, oublient Dieu et manquent les prières.
- De ce fait, la légitimité d’assister à des compétitions sportives est douteuse ,83 Ce point de vue n’est que le reflet de l’attitude austère de certains légistes classiques à l’égard des autres divertissements, interdisant ainsi le jeu d’échecs, les chansons et les instruments de musique en se basant sur des récits attribués à Mahomet.
Les légistes libéraux répondent que cela est contraire à l’esprit du Coran qui dit : « il déclare licites, pour eux, les excellentes choses ; il déclare illicites, pour eux, ce qui est détestable » (7 : 157). Ils ajoutent que s’il fallait renoncer à tout divertissement, il faudrait renoncer à tout aspect de la vie puisque le Coran dit : « La vie de ce monde n’est que jeu et divertissement » (6 : 32).
Les légistes austères répliquent que ce qui est interdit se limite à ce qui écarte de la voie de Dieu. Et même si on sort lesdits divertissements du domaine de l’interdit, on ne saurait exclure qu’ils puissent conduire à l’interdit. Et celui qui tourne autour du feu risque d’y tomber ,84 Fadl-Allah, le chef chiite libanais, dit qu’il ne voit rien de mal à ce que les gens s’intéressent au sport, aux revues sportives ou aux clubs, à condition que cela ne les éloigne pas des résultats sociaux recherchés par ceux qui s’occupent du domaine social.
Il se dit par contre opposé à ce que les jeunes en fassent un but en soi, oubliant la réalité sociale, politique, scientifique et culturelle. Il dénonce le fait que les systèmes politiques et les médias se servent du sport pour détourner la jeunesse et pour détruire ses mœurs.
Ainsi dans les pays développés comme l’Europe et les États-Unis, on pousse le peuple à ne penser qu’aux jeux, marginalisant de la sorte les questions politiques et sociales. Des dirigeants du Tiers-Monde font de même pour que le peuple ne se préoccupe pas d’autres problèmes pouvant nuire aux gouvernants.85 Tout en se déclarant en faveur des courses de chevaux, Fadl-Allah critique le fait que celles-ci soient transformées en lieux de paris interdits.
De ce fait, dit-il, « nous refusons que les jeunes assistent à ces courses même s’ils n’y parient pas, en vertu du récit de Mahomet : Les interdits sont les feux ardents de Dieu, celui qui tourne autour d’eux risque d’y tomber » ,86 Le professeur Gamal, de l’Université de La Mecque, approuve le sport à condition qu’il ne détourne pas d’un devoir religieux, ne soit pas mêlé à des paris, ne soit pas accompagné d’un interdit et n’empêche pas les étudiants de se consacrer à leurs études.
- Il signale que souvent les jeunes et les adultes se laissent entraîner par le spectacle des matchs de football au point d’oublier de faire leurs prières aux heures fixes ,
- Il demande aux clubs sportifs d’intégrer dans leurs activités les devoirs religieux ,87 Signalons ici que les légistes musulmans considèrent blâmable l’applaudissement en tant que manifestation de joie ou d’admiration, car il fait partie des coutumes des mécréants que les musulmans ne doivent pas adopter.
Le chef religieux saoudien Ibn-Baz cite à cet égard le Coran qui critique les païens arabes : « Leur prière à la Maison n’est que sifflements et battements de mains ». Les musulmans doivent plutôt exprimer leur joie ou leur admiration comme le faisait Mahomet en disant : « Louange à Dieu », « Dieu est le plus grand ».
- Ibn-Baz rappelle ici que le battement des mains est autorisé aux femmes si celui qui dirige la prière s’assoupit, afin de le réveiller.
- Les hommes par contre doivent dans ce cas prononcer à haute voix des louanges à Dieu.
- Si les hommes se mettent à battre des mains, ils font comme font les mécréants et les femmes, or ceci est interdit ,88 Les normes relatives à la tenue vestimentaire et à la non-promiscuité posent des limites au spectacle du sport.89 Dans une thèse récente de doctorat en droit, un Egyptien dit qu’il est permis à un homme de regarder, sans passion, une femme portant des habits épais qui ne montrent pas la quantité de ses os.
L’homme, par contre, ne peut regarder une femme qui porte des habits transparents montrant ce qui est en dessous, ou des habits opaques mais qui collent à sa peau. Cette norme s’applique aussi bien pour la femme présente qu’en photo ou en vidéo ,90 Nous avons pu voir dans cette étude que le droit musulman a développé une conception particulière du sport.91 Si on laisse de côté les milieux religieux qui épousent totalement la conception islamique du sport, on remarquera que la question la plus problématique pour la majorité de la population arabo-musulmane concerne les normes vestimentaires et la mixité.
Ce texte a paru initialement dans : « Limites du sport en droit musulman et arabe », in Droit et sport, Staemphli, Berne, 1997, p.349-371. Naqrish, Z.J.M., Qubul al-makhatir, Thèse de la Faculté de droit d’Aïn-Shams, Le Caire 1994, p.198. Sakouhi, F., « Insertion par le sport des jeunes d’origine maghrébine des banlieues en difficulté », in Migration Société, vol.8, n°45, mai-juin 1996, p.87. Voir aussi Coran 24 :27 ; 33 :32-33, 53, 59. Al-Sabuni, M., Rawa’i’ al-bayan, tafsir ayat al-ahkam min al-Qur’an, éd.3, Maktabat al-Ghazali, Damas 1980, vol. II, pp.151-161. Voir des développements dans Idris, ‘A-al-F.M., Ahkam al-‘awrah fil-fiqh al-islami, Le Caire 1993, vol.2, pp.451-549. Al-Shawkani, M., Nayl al-awtar, Dar al-gil, Beyrouth (s.d.), vol.8, p.256. Idris, ‘A-al-F.M., Ahkam al-‘awrah fil-fiqh al-islami, Le Caire 1993, vol.2, pp.266-285. Al-Munawi, ‘A-al-R., Kitab al-nuzhah al-zahiyyah fi ahkam al-himmam al-shar’iyyah wal-tibbiyyah, édité par ‘A-al-H.S.H., Al-Dar al-masriyyah al-lubnaniyyah, Le Caire 1987, p.45. Sfeir, L., « The status of Muslim women in sport : conflict between cultural tradition and modernization », in International Review for the sociology of sport, vol.20, no 4, 1985, p.292. ‘Uthman, U.M., Ikhtilat al-gins fi madarissina, Dar al-i’tissam, Le Caire 1986, pp.29-31. Ibid., pp.15-17. Gamal, A.M., Yas’alunak, 3e éd., Dar ihya’ al-‘ulum, Beyrouth 1994., p.756. Idris, op. cit., vol I, p.285. Ibid., vol.1, pp.272-273. Awn, K.A., Al-mar’ah fil-islam, 2ème édition, Dar al-‘Ulum Al-Riyadh 1983., pp.193-206. Yaldai, S., Islam und Sport, Instituts für Sportwissenschaft der Universität Düsseldorf, Heft 2, Düsseldorf 1987, p.45-46. Fatwa prise dans la 10ème session du 17-21 octobre 1987, in Qararat al-magma’ alfiqhi al-islami, session 10-13, 1408-1411 hégire, pp.25-26. Al-Sharabassi, A., Yas’alunak fil-din wal-hayat, Dar al-gil, Beyrouth 1991, vol.1, pp.551-555. Voir l’ouvrage de Naqrish, op. cit., pp.205-211, et l’ouvrage d’Al-Balshi, L.A., Qubul al-makhatir al-riyadiyyah wa-dawruh fi tahdid al-mas’uliyyah al-madaniyyah, Thèse de la Faculté de droit d’Aïn Shams, Le Caire, 1994. Cette enquête fut diffusée par la TSR le 9 juillet 1993 dans l’émission Tel Quel de 20h10, sous le titre « Mourir pour des princes ». Pour plus de détail, voir Aldeeb Abu-Sahlieh S.A., Les musulmans face aux droits de l’Homme, op. cit., pp.290-292. Country reports on Human rights practices for 1991, p.1633. Country reports on Human rights practices for 1992, p.1107. Ibid., p.1078. Al-Shawkani, op. cit., vol.8, pp.249-250. Ibid., vol.8, p.257 ; Naqrish, Qubul al-makhatir, pp.202-203. Fatwa prise dans la 10ème session du 17-21 octobre 1987, in Qararat al-magma’ alfiqhi al-islami, session 10-13, 1408-1411 hégire, pp.26-27. Le Coran permet la chasse (5 : 1-2, 4 et 94-96) et la pêche (35 : 12). Il établit certaines restrictions pour la chasse. Ainsi, il est interdit de chasser en état de sacralisation. Al-Shawkani, op. cit., vol.9, pp.13-15. Kishk, ‘A-al-H., Fatawi al-shaykh Kishk, Al-mukhtar al-islami, Le Caire, vol.8, pp.61-62. Al-Shawkani, op. cit., vol.8, pp.245-257. Ibn-Hagar, A.M., Kaf al-ri’a’ ‘an muharramat al-lahuw wal-sama’, Dar al-kutub al-‘ilmiyyah, Beyrouth 1986, pp.182-183. Al-Sharabassi, A., Yas’alunak fil-din wal-hayat, Dar al-gil, Beyrouth 1991, vol.2, pp.262-264. Daradkah, Y.A.I., Nazariyyah al-gharar fil-shari’ah al-islamiyyah, Wazarat al-awqaf, Amman 1974, vol.2, pp.247-248. Voir aussi dans le même sens Al-Darir, Al-S.M. Al-A., Al-gharar wa-atharuh fil-‘uqud, Al-dar al-sudaniyyah lil-kutub, Khartoum & Dar al-gil, Beyrouth 1990, pp.625-626. Al-mudhakkarah al-idahiyyah lil-iqtirah bi-mashru’ al-qanun al-madani tibqan li-ahkam al-shari’ah al-islamiyyah, Maglis al-sha’b, Le Caire 1982, pp.290-292. Naqrish, op. cit., p.203. Al-Shawkani, op. cit., vol.8, pp.257-271. Ahmad, A. & Al-Qadi, ‘A., Dunya al-shabab, hiwarat ma’ samahat Ayat-Allah Al-Sayyid Muhammad Hussayn Fadl-Allah, Al-‘Arif lil-Matbu’at, Beyrouth 1995, pp.184-188. Gamal, A.M., Yas’alunak, 3e éd., Dar ihya’ al-‘ulum, Beyrouth 1994., p.197. Ibid., pp.512-513. Ibn-Baz, ‘A-al-‘A. Ibn-‘A., Al-Fatawi, Kitab al-da’wa, Riyad 1995, vol.1, pp.227-228. Idris, op. cit., vol.1, pp.448-450.
Pourquoi on chante le Coran ?
Muezzin, Adhan et Iqama – Le muezzin (du turc : müezzin, lui-même de l’ arabe mu-aḏḏin مؤذّن, celui qui fait l’appel ) est le membre de la mosquée chargé de lancer cinq fois par jour l’appel à la prière ( adhan ) du sommet d’un minaret, Cet appel vocal fut choisi, semble-t-il, pour se démarquer de l’appel juif par une corne, et de l’appel chrétien par une cloche,, mais également parce qu’il est le moyen le plus naturel d’appeler à la prière dirigée par l’ imam —elle-même précédée par la forte cantillation de l’ iqama par le muezzin,
- Ce dernier se bouche les oreilles avec l’index ou le majeur afin de n’être pas perturbé dans son office, il hausse la voix pour être entendu au loin, et prononce posément sa cantillation pour être bien compris de ses auditeurs.
- L’ adhan est le symbole sonore de l’islam.
- Institué d’après la sunna de Mahomet, il s’apparente à une récitation scandée et modulée, une cantillation de l’appel qui sera suivie par l’ iqama lequel, reprenant les mêmes formules, marque le début effectif de la prière.
Trois mots dérivent de la même racine arabe (‘alif – dhâl – nûn) exprimant l’idée d’« annoncer » : un adhan est un « appel », mu’adhdhin (muezzin) est celui qui fait l’appel, et mi’dhana « minaret » est le lieu d’où se fait cet appel. L’adhan pour la prière du matin
Horaire | Texte arabe | Traduction | Translittération |
---|---|---|---|
deux fois Le matin seulement ( fajr ) | الصلاة خير من النوم | La prière est meilleure que le sommeil, | aṣ-ṣalātu ḫayru min an-nawm |
L’ iqâma (arabe : ʾiqāma إقامة : fait de se mettre debout) est le second appel à la prière musulmane. Il se cantille juste avant la salât, afin que les croyants se lèvent et s’alignent pour prier. Ce texte, chanté par le muezzin à la demande de l’ imam est le même que celui de l adhan à part l’ajout du verset « levez-vous pour la prière » (deux fois) juste avant les deux derniers versets.
- « Venez à la prière » et « Venez à la félicité » ne s’énoncent qu’une seule fois dans l iqâma,
- La salât (ou صلاة qui se traduit par « prière » et par « acte de dévotion ») est le second des cinq piliers de l’islam.
- En outre, chaque musulman est tenu d’effectuer cinq prières quotidiennes obligatoires ( faridah ), que les langues perse et indienne nomment namāz —à quoi peuvent s’ajouter la prières de demande ou la prière surérogatoire ( nâfilah ).
Des débuts de l’islam à l’époque actuelle, les prières constituent un acte de soumission totale à Allah, mais elles servent aussi à réciter les versets du Coran, à les mémoriser, à les fixer dans les esprits —et d’abord dans celui des compagnons du Prophète au fur et à mesure de leur révélation.
- as-soubh (appelée aussi al-fajr ), prière de l’aube, composée de deux rakah, Le temps imparti à cette prière commence à l’apparition de l’aube véritable ( al-fajrou s-sadiq ) qui éveille une lueur blanche transversale à l’horizon oriental, et il finit au lever du soleil.
- al-maghrib, au coucher du soleil, composée de trois rakah. Ce temps de prière commence après le coucher du soleil c’est-à-dire après la disparition de la totalité du disque solaire, et il finit à la disparition de la lueur rouge. La lueur rouge est la rougeur qui apparait à l’occident après le coucher du soleil.
- al-icha, prière de la nuit, composée de quatre rakah.
La fatiha (arabe : الفاتحة ), la sourate d’ouverture du Coran, composée de sept versets ou ayat, est récitée au cours de chaque prière. Le mot amin ( amen ) est ajouté en fin de récitation, sans être toutefois partie intégrante de la sourate. L’image en tête de cet article montre une fâtiha calligraphiée. Première sourate du Coran, nommée traditionnellement la Fatiha (ouverture).
Pourquoi on doit faire 7 fois le tour de la Kaaba ?
Ce mercredi, des millions de musulmans venus des quatre coins du monde entament leur grand pèlerinage. Ce parcours en plusieurs étapes commence par la visite de la première ville sainte de l’islam : La Mecque. Située à l’est de l’Arabie Saoudite, elle se trouve non loin de la Mer Rouge.
- Le pèlerinage, ou Hadj, est un voyage spirituel, un acte d’adoration envers Dieu, un moment d’unité et d’échanges entre les musulmans.
- Les conditions pour participer au pèlerinage Une fois par an, au début du mois lunaire musulman, les croyants se rassemblent pour partir en pèlerinage à La Mecque.
- Ce « voyage » est l’un des cinq piliers de l’islam, soit, les cinq actes que doivent accomplir tout croyant dans sa vie.
Il est obligatoire de réaliser le Hadj au moins une fois dans sa vie. Les conditions pour y participer : être musulman, pubère, sain d’esprit et avoir la capacité financière de le faire. Les femmes doivent être accompagnées de leur mari ou d’un homme de leur famille. ©afp Aux origines Le pèlerinage s’inspire d’une tradition antérieure à l’islam, plus précisément à l’an 9 du calendrier musulman, une année charnière dans la religion car elle correspond au moment où le prophète Mohammed décide de rompre avec le judaïsme et le polythéisme.
Comment cela se déroule-t-il ? Depuis l’esplanade de la Grande mosquée, les pèlerins se dirigent vers les sept minarets et convergent ensuite à pied vers la Kaaba, une construction cubique enveloppée d’une lourde étoffe de soie noire brodée au fil d’or de versets coraniques. Celle-ci est faite de pierre grise et de marbre.
Ses quatre coins sont orientés selon les points cardinaux. La Kaaba est un symbole important dans l’Islam puisque c’est vers elle que se dirigent les musulmans pour prier, peu importe où ils se trouvent dans le monde. ©Belga Deux millions de musulmans vont effectuer sept tours rituels dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, le tawâf, également appelé la circumambulation. Il est recommandé de réaliser trois tours rapides et quatre tours lents. La déambulation débute à l’angle sud-est de la Kaaba, où se trouve la Pierre noire.
A chaque tour, le pèlerin doit toucher de la main droite ou embrasser cette pierre en prononçant » Allah akba r ». Mais vu l’affluence, il est quasiment impossible de le faire. Les croyants lèvent donc la main en signe de passage. Pendant cette marche, les pèlerins récitent des versets coraniques. C’est un moment de recueillement.
Pourquoi tourner sept fois autour de la Kaaba ? La Kaaba est liée au terme qibla qui signifie la direction en langue arabe. Les musulmans n’adorent pas la Kaaba, elle représente simplement la direction vers laquelle prier. La signification des sept tours reste vague.
- Plusieurs explications sont apportées à cette circumambulation.
- Pour certains, les sept tours du tawâf ont pour objectif de « rendre l’âme propre » à travers les sept étapes de l’âme, la dernière étape étant la plénitude.
- D’autres y voient l’image du monothéisme, tout le monde tournant autour d’un point central, d’un seul dieu.
Une autre symbolique est celle des sept allers-tours d’Adjara (ou Agar) seconde épouse du prophète Ibrahim, entre Safa et Marwa pour prévenir son mari qu’Ismaël, leur fils, était assoiffé à cause de la chaleur du désert. C’est alors que l’ange Gabriel est apparu pour leur procurer de l’eau. ©afp Un rassemblement religieux ponctué de crises diplomatiques Un tel rassemblement entraîne irrémédiablement un dispositif important d’organisation et de sécurité. En 2015, une gigantesque bousculade avait fait près de 2.300 morts, dont 464 victimes iraniennes.
Quel est le péché de la fornication ?
Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre. Si ce bandeau n’est plus pertinent, retirez-le. Cliquez ici pour en savoir plus. La fornication est un rapport sexuel entre deux personnes qui ne sont ni mariées ni liées par un vœu, et plus généralement la pratique des plaisirs sexuels. Cette pratique est considérée comme un péché de la chair par le christianisme, le judaïsme et l’ islam,
Est-ce que écouter de la musique annule le jeune ?
Sommes-nous autorisés à écouter de la musique pendant le jeûne du Ramadan? – Quora. Oui bien sûr sauf qu’il faudrait choisir une musique qui aide au ressourcement spirituel car le Ramadan est un mois de rupture avec le materialisme consumériste qui nous submerge de toutes parts.
Qu’est-ce que le DOUF ?
Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre. Doyre et daf ( 2 e plan) Le daf, également appelé def, duff, deff, defi, defli ou dap, est un grand tambour sur cadre de la tradition persane utilisé (comme le zarb ) pour accompagner la musique iranienne, mais qui est aussi répandu (sans ses anneaux) du Moyen-Orient notamment en Turquie, en Arménie et en Azerbaïdjan jusqu’à la Sibérie en passant par l’ Asie centrale,
Il est sans doute à l’origine du tar arabo-andalou répandu au Maghreb et qui a atteint l’Europe médiévale. Il survit encore au Portugal et en Espagne (ainsi qu’au Brésil et au Guatémala ) sous le nom d’ adufe, mais aussi de pandero ou pandeiro, Le daf est aussi apparenté au riqq, (muni de cymbalettes), dont il ne diffère que par la taille et le type de sonnaille,
Il ne faut ni le confondre avec le bendir, plus petit et plus profond, qui comporte un timbre de cordes de boyaux tendues contre la peau, ni avec le tar, équipé de cymbalettes, ni avec le doyre, plus petit, au cadre plus massif et au moindre nombre d’anneaux de plus grande taille.
Quels jeux vidéos sont haram ?
Indonésie: une fatwa contre le jeu vidéo ultra-populaire PUBG Par Le Figaro avec AFP Publié le 19/06/2019 à 14:28, Mis à jour le 19/06/2019 à 14:31 Un groupe de théologiens indonésiens a prononcé une fatwa mercredi contre le très populaire jeu vidéo PlayerUnknown’s Battlegrounds (PUBG), soulignant que sa violence insultait l’islam et pouvait créer chez les joueurs une addiction dangereuse.
- À lire aussi Cet édit religieux publié par le Conseil des oulémas de la province d’Aceh (île de Sumatra) suit plusieurs interdictions du jeu dans le monde, comme en Irak, au Népal ou dans l’Etat indien du Gujarat.
- «Notre fatwa affirme que PUBG et les jeux similaires sont haram (interdits) parce qu’ils peuvent inciter à la violence et modifier le comportement des gens», a expliqué le vice-président du conseil des Oulémas d’Aceh, Faisal Ali, à l’AFP.
Ce jeu «insulte également l’islam», a-t-il déclaré. PUBG est un jeu de type «Battle royale» dans lequel des personnages virtuels équipés d’armes à feu se battent sans merci avec l’objectif d’être le dernier survivant. Publié par le géant chinois du numérique Tencent il est devenu un phénomène mondial et sa version mobile a été téléchargée plus de 400 millions de fois.
- Les théologiens ont appelé les habitants de la province conservatrice d’Aceh, la seule qui applique la charia en Indonésie, à abandonner ce jeu et ont recommandé aux autorités locales de l’interdire.
- Le conseil envisage d’élargir cette fatwa à d’autres jeux violents, a-t-il indiqué, sans préciser lesquels alors qu’au niveau national, le Conseil des oulémas d’Indonésie examine aussi une interdiction du jeu controversé.
Mais pour les habitants d’Aceh, désobéir à la fatwa n’impliquera pas de sanctions, a-t-il nuancé. «Nous avons remarqué que les enfants et même les adultes d’Aceh commençaient à devenir dépendants du jeu et y jouaient partout sur leur téléphone mobile», a expliqué Faisal Ali.
«Les enfants à qui l’on ordonnait d’arrêter de jouer devenaient agressifs, et les maris réprimandés par leurs épouses devenaient agressifs», a-t-il déploré, estimant que l’engouement pour le jeu «devenait inquiétant». Aceh, au nord de l’île de Sumatra, est la seule région d’Indonésie régie par la loi islamique et plusieurs peines inspirées de la charia y sont appliquées, comme la flagellation pour des comportements sexuels interdits ou vendre de l’alcool.
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Comment savoir si on a pas la baraka ?
1 Tout au long de ce texte, nous avons parlé de la baraka et de la niyya, sans en donner les définitions. L’une et l’autre occupent un place importante dans les croyances indigènes et dans la littérature ethnologique. Il était donc difficile d’en parler rapidement.
76 Les règles d’hospitalité, au Maroc, exigent que l’hôte ou l’hôtesse insistent, lorsque l’invité fin (.)
2 Comme l’a écrit Geertz, baraka est « un de ces mots si forts qu’il est plus facile d’en parler que de les définir » (Geertz, 1992, p.47). Au Maroc, c’est un terme qui est souvent utilisé dans la vie quotidienne mais dont les gens ne donnent aucun élément qui permette de le définir.
Lorsqu’on leur demande ce qu’est la baraka, ils répondent à l’aide d’un truisme : « la baraka, c’est la baraka » ou « la baraka est quelque chose qui fait du bien ». Poser des questions sur la baraka est même perçu comme un manque de foi ; c’est comme poser des questions sur l’essence de Dieu : cela paraît étrange.
Pour mes informateurs, la baraka existe en soi et peut être présente partout, comme elle peut manquer. Elle se manifeste par ses bienfaits. Pour le moment, je définirai donc rapidement la baraka comme une émanation bénéfique des êtres et des choses. Le mot baraka et d’autres mots qui proviennent de la même racine, B-R-K, sont quotidiennement utilisés par les Marocains comme formules de politesse, formules religieuses ou formules prophylactiques.
- Mais souvent, les trois usages sont liés.
- Quand on est invité chez quelqu’un pour manger, au moment où l’on termine, l’hôte se doit d’insister pour que l’on mange davantage.
- Si l’on veut néanmoins s’arrêter, on doit dire : « klīt t-bārk Allah 76 », ce qui signifie : « j’ai mangé, avec la bénédiction de Dieu ».
Pour remercier une personne, on lui dit : « bārak Allāhu fīk », « Dieu fasse que la baraka soit sur toi ». Afin de féliciter une femme qui vient d’accoucher, un nouveau marié, quelqu’un qui vient d’acheter un bien quelconque ou, tout simplement, un habit, on dira : « mabrūk ‘ līk »,
Quand on est frappé par la beauté d’une personne ou d’un objet, on dit de manière exclamative : « tbārk Allah », Cette formule est utilisée pour évoquer la beauté ou les bonnes choses et la grandeur de Dieu qui accorde ses bienfaits, tout en se prémunissant contre le mauvais œil.3 Ces formules expriment souvent plusieurs choses à la fois, qui ne sont pas faciles à distinguer.
En fait, elles font partie des invocations qui, ainsi que l’a souligné Christian Décobert, constituent la routine des échanges verbaux et participent d’un mode de restitution du religieux dans la vie quotidienne (Décobert, 1986).4 La baraka peut résider dans des êtres, des objets ou des actions ; sa présence est un signe de bénédiction et son absence de malédiction.
- Les vieilles personnes pensent qu’elles vivent dans un monde où la baraka a diminué, voire disparu.
- Jadis, selon elles, il n’y avait pas beaucoup de choses, mais les gens vivaient bien et se contentaient de ce qu’ils avaient ; aujourd’hui, malgré le développement économique, il y a la misère, rien ne suffit, et les gens n’arrêtent plus de se plaindre et de vouloir posséder davantage.
Pour les personnes âgées, si l’on possède beaucoup mais que l’on n’est pas satisfait, c’est un signe de manque de baraka ; en revanche, si on possède peu sans se plaindre et tout en étant bien, cela signifie qu’on a la baraka.5 La baraka la plus évoquée est celle d’Allah.
S’il pleut, si la récolte est bonne, si une femme accouche d’un bel enfant, si quelqu’un sort indemne d’un accident qui aurait pu être mortel, si une personne est très âgée mais en bonne santé et dans bien d’autres circonstances, on dit que c’est la baraka de Dieu. Le Prophète a aussi de la baraka, parce qu’il est l’élu de Dieu.
Avant de commencer quelque chose, les gens disent : « on commence avec la bénédiction de Dieu et celle de son Prophète Mohammed », c’est-à-dire qu’en évoquant la baraka de Dieu et celle de son Prophète, ce qui va être commencé aboutira forcément à une fin heureuse.
- Les descendants du Prophète ont aussi la baraka.
- La Mecque et tous les objets rapportés de ce lieu, même s’ils sont fabriqués au Japon ou aux Etats-Unis, ont la baraka.
- Les saints ont la baraka grâce à leur ascendance chérifienne ou grâce à leur piété qui en fait les « amis de Dieu ».
- Les chorfa et les saints la transmettent à leur descendance.
Les fuqaha la possèdent aussi grâce à leur apprentissage du Coran. On trouve également des personnes qui ne sont ni des chorfa ni des descendants de saints et qui, pourtant, sont réputées la posséder comme les personnes âgées pieuses. Mais ni celles-ci ni les fuqaha ne la transmettent.
Il existe aussi une baraka momentanée qui touche les gens dans certaines occasions. C’est le cas des femmes qui viennent d’accoucher. La baraka découle alors de l’événement. Selon les croyances en cours, on considère que la femme qui vient d’accoucher a vu ses péchés effacés par la douleur de l’accouchement.
Elle est purifiée. Ici, c’est la pureté retrouvée qui passe pour procurer la baraka. La baraka peut donc toucher des gens sans qu’ils en soient « personnellement » titulaires. Ainsi, à propos des parents qui ont un seul fils mais qui s’occupe bien d’eux, on remarque : « ils ont un seul fils mais Dieu a mis dedans la baraka », c’est-à-dire que, bien qu’ils n’aient qu’un seul enfant, celui-ci les traite comme plusieurs enfants attentionnés auraient pu le faire.
Ici, la baraka n’est ni dans les parents, ni dans le fils, mais dans le comportement de celui-ci. De quelqu’un de très maigre, qui a l’air malade mais qui ne se plaint de rien et qui est actif, on dira qu’il travaille grâce à la baraka. En parlant d’une personne ou d’un groupe qui n’ont pas de moyens économiques importants et qui, néanmoins, prospèrent, on dit : « Dieu a mis la baraka dans le peu de choses qu’il a/qu’ils ont.
» D’une personne qui a un petit salaire et qui vit correctement avec, on dira : la baraka signifie ici prospérité et abondance matérielles. Dans cet usage, le mot baraka est souvent accompagné d’un autre mot : khayre, L’expression complète est : « el-khīr wa el-baraka »,6 Le mot el- khīr signifie : « abondance de biens ».
- Le contraire de la baraka, quand elle prend le sens de « prospérité » et « abondance », est er-riba,
- Quand une personne jouit d’un bon salaire mais n’arrive pas à vivre correctement, on dit qu’elle a le riba,
- Quand la nourriture s’avère insuffisante, on dit aussi qu’elle a le riba,
- Le pain et le couscous, au contraire, passent pour avoir toujours la baraka.7 Cette série d’occurrences du mot baraka témoigne de la multiplicité de ses usages, dans des situations fort différentes et à propos d’entités, d’êtres et d’objets des plus variés.
En donner une définition satisfaisante, qui inclut la plupart sinon la totalité des cas de figure, paraît donc un objectif difficile à atteindre. Sans doute est-ce pour cela que nous disposons de beaucoup de définitions savantes de la baraka.8 Si les définitions de la baraka sont nombreuses, elles ne sont pas toujours satisfaisantes.
Il est inutile de toutes les citer. Je vais me contenter d’en présenter les plus significatives, en relevant leurs avantages et leurs inconvénients. Doutté, dans Magie et religion dans l’Afrique du Nord, paru en 1908, en donnait la définition suivante : « mot que l’on traduit ordinairement par bénédiction, mais qui a une signification beaucoup plus étendue, puisqu’il désigne l’influence heureuse du marabout sur ce qui l’entoure.
» (Doutté, 1984, p.439) 9 Raymond Jamous, dans Honneur et Baraka, la définit ainsi : « La baraka est objet de croyance. Comme principe unique, elle est l’émanation de Dieu et investit certaines choses ou certains êtres. D’un point de vue de l’analyse symbolique, la baraka apparaît comme une force qui transcende doublement l’ordre des classifications.
- En effet, comme qualité de certains objets ou de certains êtres, elle ne peut être identifiée ou assimilée à une classe d’êtres.
- Elle est localisée, certes, mais elle ne s’épuise pas dans l’objet ou l’être.
- » (Jamous, 1981, p.202-203) 10 Geertz en donne une définition différente, plus analytique mais aussi un peu littéraire : « Littéralement, baraka signifie bénédiction, au sens de faveur divine.
Mais à partir de cette acception première, le mot en est venu à s’appliquer, de façon plus particulière et limitée, à toute une série de notions associées : la prospérité matérielle, la santé physique, la satisfaction corporelle, la plénitude, la chance, la satiété et aussi le pouvoir magique.
- C’est ce dernier aspect qu’ont privilégié les auteurs occidentaux, cherchant à ranger la baraka sous la même rubrique que le mana,
- Mais comme notion générale, la baraka n’est pas, contrairement à ce qu’on a si souvent donné à entendre, une force extérieure à la nature, une sorte d’électricité spirituelle ; cette conception, qui certes n’est pas entièrement dénuée de fondement, est d’un tel simplisme qu’elle dénature entièrement ce dont il s’agit.
L’idée de baraka, à l’instar de la notion indonésienne de « centre exemplaire », est une manière d’appréhender comment le divin s’insinue dans notre monde. Pour être implicite, acritique et bien éloignée de toute systématisation, elle n’en constitue pas moins une « doctrine ».
- Plus exactement, c’est une certaine manière de construire l’expérience humaine (affective, morale, intellectuelle), une interprétation culturelle de l’existence.
- Et bien que cette question soit fort vaste et complexe, cette analyse, cette interprétation, revient, selon moi du moins, à admettre (ici encore, évidemment, de façon tacite) que le sacré se manifeste directement dans le monde sous la forme de dons – une capacité, une aptitude, un don particulier – accordés à certains individus déterminés.
» (Geertz, 1992, p.58-59) 11 Pour Christian Décobert, la baraka est un fait de distinction, c’est-à-dire la modalité par laquelle est affirmée l’importance toute particulière d’une personne, d’une pratique ou d’une chose : « Les occurrences de la reconnaissance de la baraka, autrement dit, les occasions qu’avait l’homme musulman de prétendre qu’elle se manifestait (prière, naissance, circoncision, mariage, etc.) et les personnes sur lesquelles il pensait qu’elle se déposait (le saint, le descendant du Prophète) n’étaient jamais que les marques d’un repérage institutionnel.
L’explication, quant à elle, est, en résumé, dans la logique de la transformation du sacré, lorsque le Dieu auquel l’homme se dit fidèle devient Dieu unique. Dieu affirme l’ordre de sa création. Mais aussi, et parce que Dieu est infiniment distant, cette création se reproduit et se perpétue en elle-même, et l’homme, le musulman, peut avoir accès au sens qu’elle a, c’est-à-dire au dessein que Dieu lui a prêté : c’est ainsi que l’on peut décrire la transcendance de Dieu en islam.
Ce sens est désigné par les prescriptions. Il est également connaissable pour l’homme en tant qu’il sourd de la pratique économique. Certaines prescriptions fondamentales sont ritualisées, certains gestes économiques clés pour la cohésion du groupe de solidarité sont ritualisés : le sacré, la baraka, atteint ceux qui les accomplissent.
77 Suivant la distinction opérée par Lévi-Strauss entre « ordre conçu » et « ordre vécu » (Lévi-Straus (.)
12 Doutté nous a donné une définition classique de la baraka, mais aussi assez réductrice. Cette définition ne prend en compte que la baraka des marabouts. Celle de Jamous, aussi courte, est beaucoup plus englobante, puisqu’il définit la baraka comme une émanation de Dieu, localisée dans des êtres, dans des objets ou liée à des événements.
- Bien qu’éloignées dans le temps, ces deux définitions tentent de donner une définition substantielle.
- Elles ne sont pas exactement analytiques mais semblent plutôt d’ordre lexical, comme s’il s’agissait de faire le point sur une terminologie indigène.
- Geertz, lui, la définit strictement du point de vue des relations sociales.
Il ne se pose pas la question de savoir ce qu’est la baraka, mais quelles sont les qualités reconnues à des hommes qui font dire qu’ils la possèdent. Pour lui, elle est une évaluation des êtres, de leur pouvoir et de leur supériorité, le signe de leur élection (Geertz, 1986, 1992).
- On ne peut pas contester le fait que la baraka procure la supériorité.
- Mais Geertz ne s’est pas intéressé aux autres aspects de la baraka, la baraka qui investit les objets, les pratiques ou les événements.
- Or, cette baraka ne peut être considérée comme résiduelle.
- Elle est, au contraire, présente dans de nombreux moments de la vie quotidienne, ainsi que le suggèrent les exemples que j’ai donnés.
Bien que Christian Décobert n’ait pas décrit la baraka en tant que croyance en une efficacité surnaturelle, il en a donné une définition beaucoup plus satisfaisante, évoquant à la fois les êtres, les choses et les événements et indiquant un fil conducteur entre eux, une propriété qu’ils auraient en commun.
- Pour lui, la baraka est le repérage institutionnel des choses, des occasions et des hommes nécessaire à la reproduction de l’ordre divin.
- Cette définition permet d’englober toutes les définitions de la baraka, en la considérant comme un fait social de localisation de la valeur liée à une conception du monde.
En revanche, elle ne nous dit rien sur les croyances. Ce que cette définition nous permet de penser, c’est pourquoi la baraka réunit tant de choses diverses. Elle énonce un fait de structure, à partir duquel les particularismes locaux vont donner naissance aussi bien à des faits de croyances – d’efficacité surnaturelle – qu’à des faits de distinction sociale.
La baraka, en effet, va servir à désigner aussi bien ceux qui sortent du commun par la force de leur piété que ceux qui en sortent par l’éclat de leur réussite. Ainsi la baraka instaure-t-elle une double distinction : une distinction structurelle, qui désigne ses titulaires potentiels – l’ordre conçu – et une distinction personnelle strictement dépendante du cours des échanges sociaux, qui sélectionne parmi les titulaires potentiels les titulaires effectifs, c’est-à-dire l’ordre vécu 77,13 Les chorfa de Khénifra ne font pas de leur baraka un métier, mais, en cas de malheur ou de maladie, on peut leur demander des prières.
Parfois, celles-ci sont accompagnées d’attouchements : le chérif prend la main du malade et dit, par exemple : « que Dieu te guérisse » ou « que Dieu résolve tes problèmes ». Il peut aussi réciter la première sourate du Coran. Le demandeur baise la main du chérif, en disant : « que Dieu nous fasse profiter de ta baraka et de celle de tes ancêtres ; prie tes ancêtres pour qu’ils me donnent de la baraka ou pour qu’ils résolvent mes problèmes ».
Les chorfa ne guérissent que de cette façon, par leur présence ; ils ne font pas d’amulettes et ne donnent pas de recettes.14 Les chorfa de Khénifra portent, comme tous les autres chorfa, des prénoms précédés par « Sidī », « Mūlay » ou « Lalla », bien que, souvent, leurs enfants soient tout simplement nommés par les gens de l’extérieur à l’aide de leurs seuls prénoms.
On ne parle d’ailleurs pas de leur baraka, ce qui donne l’impression qu’ils ne sont pas considérés comme porteurs d’une force sacrée. En revanche, leurs parents sont reconnus comme possesseurs de baraka. Pourtant, on ne fait pas appel à eux comme aux fuqaha et aux voyantes.
Ce sont seulement leurs parents et leurs connaissances qui le font ou qui profitent d’une visite pour leur demander des prières. Les prières faites par les chorfa ne sont pas différentes de celles faites par d’autres personnes ; elles sont, cependant, considérées comme plus efficaces, parce qu’ils descendent du Prophète : prestige social et participation au sacré vont de pair, même si c’est sur le mode mineur.
On leur témoigne du respect à cause de cela. On les craint aussi, parce que la malédiction d’un chérif est aussi forte que sa bénédiction. On dit : « chuktu khayba », c’est-à-dire « son épine est mauvaise » ou « sa malédiction est mauvaise ». Les gens de leur voisinage souhaitent donc conserver de bonnes relations avec eux.
Lorsqu’on les invite chez soi, on considère cette invitation comme particulièrement importante parce qu’ils introduisent la baraka chez leurs hôtes. Mais, malgré tout, les chorfa ne sont pas des êtres que l’on vénère : ils ne sont pas extérieurs à la société et n’occupent pas une position hiérarchique qui les distingue nettement du reste des Khénifri.
On peut avoir des problèmes, des disputes et des conflits avec un chérif comme avec un autre citoyen de la ville. Les personnes qui en sont très proches, comme leurs époux ou leurs épouses, se comportent avec eux comme s’ils n’étaient pas chorfa,15 Ainsi, Mūlay Hamed a-t-il épousé une fille qui n’est pas chérifa, mais qui appartient à une famille aisée.
- Ses parents ont accepté ce mariage avec joie, bien que Mūlay Hamed fasse partie d’une famille pauvre.
- Le prestige social de son origine était plus important.
- La mariée est venue vivre dans la maison de la famille de son mari, avec sa belle-mère et l’une des belles-sœurs qui n’est pas mariée.
- Au début, tout allait bien, mais, au bout d’un an, un conflit éclata entre la belle-mère et la belle-fille.
Cette dernière ne supportait plus la cohabitation. La famille a fini par trouver un arrangement ; la belle-mère et sa fille occupent le deuxième étage, et le couple occupe le premier. Mais cela n’a pas mis un terme à leur conflit, parce que l’épouse et la belle-sœur ne s’entendaient pas davantage.
L’épouse accusait sa belle-sœur d’être fainéante parce qu’elle ne participait pas aux travaux ménagers. La belle-sœur disait qu’elle faisait ce qu’elle pouvait, mais qu’elle devait préparer ses examens universitaires. Hamed essayait, au début, d’arranger la situation, de concilier les points de vue, mais il a fini par prendre le parti de sa femme.
Il y avait des interventions des deux familles, mais sans résultat. La belle-mère faisait des prières en public pour demander à ses ancêtres de maudire sa belle-fille. Leur entourage essayait de raisonner la belle-fille et lui demandait de changer son comportement afin de ne pas risquer la malédiction des chorfa,
- Celle-ci répliquait qu’elle ne faisait de mal à personne et que sa belle-mère était injuste.
- La belle-fille n’a jamais mis en doute l’origine chérifienne de sa belle-mère ; en revanche, elle ne croyait pas à sa baraka : « Si elle avait réellement la baraka, ses filles n’auraient pas autant de malheurs.
Elles ont toutes des problèmes avec leur mari. Il y a même le mari de sa fille aînée qui a pris une deuxième femme, et pourtant il est heureux et il ne se plaint de rien. Si leur baraka ne résout pas leurs problèmes, je ne vois pas pourquoi j’aurais leur malédiction.
- D’ailleurs, quand quelqu’un donne la malédiction, celle-ci se retourne contre lui.
- » 16 On voit ici comment s’opère le partage que j’ai évoqué, à la fin de la section précédente, entre la baraka, comme fait de distinction sociale, et la baraka, comme force efficace.17 En traitant de la niyya, je vais utiliser des notions aussi controversées que la « croyance » ou le « croire », tout en souhaitant ne pas tomber dans l’erreur dogmatique critiquée par Gérard Lenclud (1990, p.5) – porter un jugement sur le psychisme d’autrui à travers une conception naïve de son engagement dans des représentations – et éviter, ainsi, le piège dans lequel tombent bien souvent les scientifiques, qui sont les seuls à croire « que les autres croient à quelque chose comme eux croient aux sciences » (Latour, 1990, p.76).18 Niyya signifie : intention.
Les Marocains disent : « n-niyya hsen men l‘amal », c’est-à-dire « la bonne intention est meilleure que l’action ». Ainsi, celui qui fait le jeûne du Ramadan doit en avoir l’intention avant ; s’il se réveille seulement le matin en disant : « aujourd’hui, je fais le jeûne », son jeûne n’est pas valable parce qu’il n’avait pas eu l’intention de le faire.
- Un hadith rapporte que le Prophète aurait dit : « Les actions ne valent que par les intentions.
- » (Al-Bukhari, 1903-1914, p.30) La niyya peut être une bonne ou une mauvaise intention ; de celui qui a de bonnes intentions on dit : « niytu meziyāna », et de celui qui en a de mauvaises : « niytu khayba »,
Les mauvaises intentions sont censées se retourner contre leur auteur, et les bonnes intentions passent pour être récompensées. Ainsi, on dit : « niytu tkhalsu », c’est-à-dire « il sera payé selon ses intentions ». Les bonnes intentions peuvent engendrer le bonheur et la réussite.
Quand une personne est réticente pour un mariage, par exemple, on lui dira : « aie la niyya et ne crains rien », c’est-à-dire : « Si tu as de bonnes intentions, ton mariage réussira et tu seras heureux. » 19 Mais niyya, veut dire aussi « croyance » au sens fort de confiance, de « mettre sa confiance dans ».
C’est cette signification qui est la plus importante pour mon travail, car elle est alors considérée comme la condition première de toute guérison. Un proverbe marocain assure : « dīr niyya w n‘ass m‘a hiyya », « aie confiance et dors avec le serpent ».
- Ce proverbe exprime la force de la niyya,
- Mes informatrices disent : « La niyya, c’est croire.
- Pour guérir ou pour que quelque chose puisse marcher, il faut la niyya,
- » « Il ne faut pas avoir la niyya seulement quand on utilise des plantes ou quand on va chez le fqīh ou chez la voyante, mais aussi quand on va chez le médecin.
» « La niyya, c’est croire et demander à Dieu. » « Si une personne n’a pas la niyya, elle ne pourra jamais guérir. » « Les gens qui n’ont pas la niyya sont ceux qui disent : tout ça, ça ne sert à rien, ça ne sert à rien de faire telle ou telle chose.
» 20 De ce point de vue, la niyya peut être définie comme un état psychique de croyance absolue et de foi sincère, qui garantit l’efficacité de la cure thérapeutique.21 La niyya fait partie de la foi dans la mesure où elle est « croyance dans » et « confiance en », mais les Khénifri distinguent la croyance en Dieu et le crédit qu’on accorde, par exemple, aux guérisseurs.
On dit : « j’ai la niyya dans les voyantes, dans les fuqaha ou dans les médecins », c’est-à-dire : je crois dans les voyantes, dans les fuqaha et dans les médecins. Mais on ne dira jamais : « j’ai la niyya en Dieu ». Pour exprimer la croyance en Dieu, les Marocains utilisent les mots īmān, rendu par « foi » et tesdīq « affirmation de la croyance ».
- Cela nous renvoie aux « remarques » de Jean Pouillon sur le verbe « croire » (Pouillon, 1979), sur la différence entre « croire à » et « croire en », c’est-à-dire sur ce qui sépare l’affirmation d’une existence de la confiance placée en une entité.
- La niyya correspond à l’affirmation de la confiance plutôt qu’à l’affirmation d’une l’existence.
On croit à l’existence de Dieu (comme entité), mais on croit en Dieu (comme source d’efficacité). La différence entre les deux croyances est le fait que la croyance en Dieu est constante et que la seconde est momentanée ou provisoire. On peut, par exemple, croire très fort dans l’efficacité d’un fqīh mais, après un certain moment et pour différentes raisons, ne plus y croire.
- La niyya est une attitude finalisée.
- Elle fait du patient un être actif, dans la mesure où la guérison d’une personne ne dépend pas simplement du thérapeute mais aussi de sa propre participation.
- Ceci n’est pas propre au Maroc.
- On retrouve la nécessité dans d’autres cures magiques, comme celles décrites par Alpine Rousselle à la fin de l’Empire romain : « Voyons d’un peu plus près la réalité médicale du point de vue du patient.
Ce dernier souffre. Il obtient une explication : par le biais de telle maladie, que la médecine connaît, le mal s’est introduit en lui. Le médecin lui fait absorber des remèdes : il est alors passif. Puis le médecin lui fait prier les dieux ou le fait agir sur les dieux ; il devient actif, sujet de sa guérison.
- Le malade sait que de sa concentration dépend l’efficacité des formules et des objets efficaces.
- Il bénéficie donc, dans la pratique, d’une thérapie globale.
- L’homme est engagé corps et esprit dans sa propre guérison.
- » (Rousselle, 1990, p.101) 22 Si l’on ne croit pas, si l’on n’a pas la niyya lorsqu’on va chez une voyante, celle-ci ne peut pas faire une bonne divination ; si on n’a pas la niyya, le talisman d’un fqīh n’aura aucune efficacité.
C’est ainsi que, durant mon travail de terrain, plusieurs de mes informatrices m’ont affirmé que les voyantes ne pourraient jamais me faire une bonne divination, parce que j’allais chez elles pour mon travail et non pas pour une « vraie » séance. Avant de consulter un thérapeute, il faut croire.
- Cela ne se commande ni dans un sens ni dans l’autre.
- Même les personnes qui ne sont jamais allées consulter de thérapeutes traditionnels et qui ont toujours recouru à la biomédecine peuvent, un jour ou un autre, avoir recours à plusieurs thérapeutes et, en même temps, avoir la niyya vis-à-vis de plusieurs systèmes médicaux.
C’est le cas des parents de ‘Ali, qui se sont toujours soignés chez les médecins, jusqu’au jour où l’un des fils est devenu épileptique. Le père de ‘Ali a d’abord emmené son fils chez un médecin généraliste, à Khénifra, mais ce dernier lui a conseillé un spécialiste.
- Il l’a emmené à Casablanca pour consulter le spécialiste.
- Après la fin du traitement, son état ne s’était pas amélioré.
- Ils sont alors retournés chez le même spécialiste et, après, sont allés chez un psychologue, mais sans résultat.
- Les voisines et les amies de la mère lui ont conseillé des voyantes, des fuqaha et des sanctuaires.
Au début, elle a refusé. Après un certain temps, toutefois, et après avoir recouru à plusieurs autres agents de la biomédecine, les parents ont fini par emmener leur fils au sanctuaire de Mūlay Bū‘azza, puis à celui de Mūlay Brāhīm, à Marrakech. Ils l’ont aussi emmené chez des voyantes et chez des fuqaha, puis ils sont retournés chez les médecins.
- Ces mouvements de la croyance tiennent à la fois à l’histoire individuelle et à la situation culturelle de la société marocaine : « Face aux ruptures qui scandent l’histoire de sa vie, chaque individu est en effet appelé à réinvestir sa subjectivité dans un acte de croire, périodiquement.
- Il s’engage chaque fois dans un processus d’institutionnalisation de son imaginaire.
Il procède, toujours par mode de tentative, à la reconstitution de l’univers de sens qui l’avait soutenu jusque-là. Les croyances disponibles dans un milieu donné sont ainsi, tout naturellement, tributaires d’une histoire et d’un environnement. Croire en quelque chose, c’est s’approprier la relativité d’une culture.
- Et quoiqu’il s’en réfère à l’autorité de son expérience, le sujet croyant devient, par ce geste, sujet de culture.
- » (Lemieux et al,, 1993, p.99) 23 Il ne faut pas seulement avoir la niyya en consultant un thérapeute traditionnel ; il aussi l’avoir en consultant le médecin.
- Il existe, cependant, une différence entre la niyya envers les thérapeutes traditionnels et celle envers les médecins.
On dit souvent que l’on n’a pas la niyya dans les voyantes et dans les fuqaha, mais on ne dit pas, ou très rarement, que l’on ne croit pas à la biomédecine. En revanche, on dit : « Je ne crois pas ou je n’ai pas la niyya dans tel médecin. » Ce qui n’est pas la même chose que de considérer qu’un médecin ou un fqīh ne peuvent pas traiter tel ou tel mal.
Dans ce cas, nous n’avons pas affaire à une question de niyya mais bien à une question de confiance dans un praticien. D’ores et déjà, ceci nous suggère que le choix de la médecine traditionnelle n’est pas la conséquence d’une absence de confiance en cette médecine.24 Avoir la niyya pour un thérapeute n’exclut pas de croire à l’efficacité des autres.
On peut croire à plusieurs thérapeutes successivement ou à plusieurs thérapeutes à la fois. En revanche, si l’on perd la niyya dans certains thérapeutes, ils deviennent aussitôt des charlatans, mais ce discrédit ne porte pas obligatoirement sur le système médical dont ils se réclament : « Tout ce qu’ils font n’a servi à rien, ce sont des menteurs qui racontent n’importe quoi ; ils font ça pour avoir de l’argent et non pas pour guérir les gens.
- » 25 Parfois, néanmoins, on ne met pas seulement en cause un agent de la médecine traditionnelle mais toute cette médecine.
- On consulte alors le médecin, mais si les remèdes de celui-ci s’avèrent inefficaces, on retournera à la médecine traditionnelle.
- La niyya est une notion qui peut nous permettre de comprendre que la croyance n’est pas un phénomène immuable, que ce n’est pas parce que l’on croit à une chose que l’on ne cessera pas d’y croire ou que l’on ne croira pas à une autre qui lui est contradictoire.
Autrement dit, ce n’est pas parce que l’on croit à la biomédecine, qui relève du monde de la science, qu’on ne croira pas à d’autres systèmes médicaux relevant du surnaturel. La croyance (au sens de « croire en », c’est-à-dire du point de vue de l’efficacité) n’est pas une considération sur la réalité ontologique de la chose à laquelle on croit.
Elle passe à travers cette question qui a déjà été résolue. La crédibilité des choses auxquelles on croit est fixée, préalablement au recours, par la culture et ne dépend pas de leur efficacité. Le recours porte simplement, dans plusieurs systèmes différents, le même espoir de guérir. Il en découle que la contradiction entre les croyances existe, peut-être, dans la tête de l’observateur mais certainement pas dans celle de l’acteur, qui place sa « foi » dans des croyances successives.
La niyya est une manière de croire, différente de la croyance ontologique. Elle porte sur la modalité et non sur l’existence. On peut avoir une adhésion forte, stable et durable. Elle est à la fois éphémère et forte. Elle peut disparaître comme elle peut réapparaître, selon les circonstances.
Pourquoi danser en talon ?
Ce qui est important pour les chaussures de danse Si vous aimez danser, vous devriez acheter des chaussures de danse de qualité. Ces chaussures soutiennent les danseurs dans leurs différents mouvements et leur offrent un maintien sûr sur la piste de danse. De plus, des chaussures de danse de qualité sauront corriger les mauvaises positions susceptibles d’avoir des effets négatifs sur les jambes, le bassin et la colonne vertébrale.
La bonne semelle Cambrion en acier pour les chaussures Des talons robustes pour une démarche assurée Semelles intermédiaires en latex pour un confort agréable Des lanières pour un maintien sûr Des matériaux d’excellente qualité
Les chaussures de danse ont besoin d’une semelle spéciale. Il faut pouvoir littéralement glisser sur le parquet, mais aussi bénéficier d’une adhérence suffisante pour un bon maintien lors des pas rapides. Les chaussures de danse de qualité ont toujours une semelle en daim flexible, qu’on appelle également semelle en cuir velours ou suédé.
- Ce daim spécial se distingue par sa grande résistance et sa longue durée de vie.
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- Seules les semelles en cuir velours offrent une adhérence optimale et une excellente glisse, deux atouts essentiels pour la danse.
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Même en cas de sollicitation extrême, la chaussure soutient le pied exactement là où il le faut. Le cambrion en acier confère à la chaussure une grande stabilité, sans pour autant altérer la flexibilité à l’avant du pied. Les chaussures de danse doivent posséder une structure de talon très robuste. Elles doivent se montrer particulièrement stables et résistantes, surtout pour les danses où les pas sur le talon sont courants, comme la valse.
Des talons solides assurent alors une bonne stabilité et confèrent au danseur une excellente sécurité. Dans les chaussures de danse Werner Kern, le cambrion en acier est ancré plusieurs fois dans le talon. Il empêche la chaussure de fléchir dans les zones critiques, comme le passage entre le talon et la semelle.
La talonnette et l’amortisseur de chocs au niveau du talon assurent en outre un confort agréable et ménagent les articulations. La souplesse de la semelle intermédiaire est primordiale pour les chaussures de danse. Les modèles de qualité exploitent donc des matériaux particulièrement souples pour rembourrer la semelle.
Les chaussures de danse Werner Kern comprennent une semelle intermédiaire en latex extrêmement souple. Celle-ci amortit chaque pas pour que les danseurs puissent danser sans souci toute la soirée. Alors que les chaussures de danse standard maintiennent bien le pied, même sans lanières, les chaussures de danse latine ont besoin d’une lanière à la cheville ou de lanières croisées pour que la chaussure épouse le pied.
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Chez Werner Kern, nous n’exploitons que les cuirs daims et nappa les plus fins, ainsi que du brocart et du satin de qualité supérieure. Nos cuirs souples épousent agréablement le pied et s’adaptent progressivement à la forme du pied. Le brocart luxueux et le satin d’une douceur de rêve convainquent par leur élégance et leur allure exclusive et s’armonisent avec toutes les tenues.
Est-ce haram d’écouter de la musique pendant le Ramadan ?
Certaines pratiques interdites – Mis à part le jeûne, d’autres pratiques sont interdites durant le mois de ramadan du lever jusqu’au coucher du soleil. Fumer et avoir des relations sexuelles ne sont ainsi pas autorisés, À lire aussi
Le mois du ramadan est caractérisé par les bonnes actions : les insultes, le mensonge, et bien évidemment les crimes ou les délits, même mineurs, annulent une journée de jeûne.Enfin, dans certaines parties fondamentalistes de la communauté musulmane, il est interdit durant ce mois d’écouter de la musique, d’utiliser un langage grossier et de se maquiller.
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Est-il interdit d ecouter de la musique ?
Pouvez-vous écouter de la musique à fond ? – « Tout automobiliste a le droit d’écouter de la musique. Mais attention. Même si les sanctions sont rares, les forces de l’ordre pourront vous verbaliser si le volume est trop élevé. On pense ici à la notion de tapage. Me Jean Baptiste Le Dall/Photo Amélie Marzouk
Est-ce que la musique attire les djinns ?
1 En arabe littéraire, jin est le pluriel de jinni dont le féminin est jinniyya, En dialectal marocain, on dit jnun au pluriel, jin au singulier masculin et jenniyya au singulier féminin. Ces noms dérivent du mot jana qui signifie « cacher », « couvrir », « envelopper ».
Plusieurs mots proviennent de cette même racine, exprimant l’idée de ce qui est caché et qui ne peut être vu : le fœtus, c’est le janīn ; le tombeau et le linceul sont le janān ; l’âme, c’est le janān ( Lisan ). Les djinn s sont une donnée coranique, mais ils existaient avant l’islam. La tradition veut que chaque poète de la période pré-islamique ait été possédé par un jinni ou un chaytān (satan) qui lui donnaient son inspiration (Guidi, 1921, p.38).
Westermarck insiste aussi sur le fait que les croyances relatives aux djinns sont bien antérieures à l’islam : « On distingue plusieurs couches superposées dans la masse des croyances et pratiques qui règnent en pays mahométans relativement au djinn : il y a celles qui, datant du vieux paganisme arabe, en perpétuent des vestiges ; il y a celles qu’y ajouta la religion nouvelle ; d’autres enfin sont issues, dans les pays où elle se répandit, de croyances et pratiques propres à ces pays et antérieures à cette religion.
- » (Westermarck, 1935, p.19) 2 La sourate « Al jin » atteste de leur existence et indique qu’il y a parmi eux des musulmans ainsi que des non-musulmans (LXII, 14-15).
- Si l’homme est créé d’argile, eux sont créés de feu ( Coran, LV, 14).
- Ils sont les premiers habitants de la terre, mais ils auraient désobéi à Dieu qui envoya des anges contre eux afin de les combattre ; vaincus, ils furent exilés dans la mer (Suyuti, 1988, p.17).
Mais on croit surtout qu’ils sont sur la terre et qu’ils la partagent avec les hommes ; c’est cette croyance qui prédomine. Leurs besoins sont semblables à ceux des hommes. Ils passent pour manger les os et les crottes ou bien du riz. Tantôt la littérature dit qu’ils mâchent et avalent, tantôt qu’ils se nourrissent uniquement avec les odeurs de ces aliments.
Ils ont des rapports sexuels avec leurs semblables et aussi avec les humains. Ils enfantent mais beaucoup plus que les hommes car, chaque fois qu’un enfant naît chez ceux-ci, neuf ou dix naissent chez les djinns. Ils parlent. Le Prophète a eu plusieurs conversations avec eux. Ils ont une organisation sociale calquée sur celle des Arabes et sont ainsi partagés en tribus.
Des rois les gouvernent. Leurs demeures préférées sont les lieux sales et/ou humides, comme le hammam et les ordures (Suyuti, 1988, p.38-39). Ils fréquentent aussi les lieux où l’on trouve du sang, comme les abattoirs.
12 Les Egyptiens, par exemple, semblent ne pas distinguer les ‘afārīt (démons malfaisants) des djinns (.)
3 La littérature les concernant est très vaste mais compliquée et peu claire, ce qui ne me permet pas de donner une définition exacte de leur nature, pour autant que cela soit possible. Il importerait également de les distinguer de satan ( chaytān ) et des ‘afārīt, ce qui semble encore plus difficile 12,
Dans Les Structures du sacré chez les Arabes, Chelhod tente d’opérer cette distinction sans y parvenir, vraisemblablement à cause de la multiplicité et du flou des sources islamiques (Chelhod, 1964 : 67-92). Selon lui, les djinns relèveraient du « sacré anonyme ». Cette définition ne correspond pas à la façon dont les Marocains les considèrent puisqu’ils les personnifient.
De leur point de vue, ce sont des êtres généralement invisibles mais qui peuvent se manifester sous diverses formes aux humains.4 En général, les djinns sont considérés comme des créatures maléfiques qui attaquent les hommes et provoquent des maladies graves difficiles à guérir.
Ces maladies sont appelées sar‘, et celui qui en est atteint dénommé masrū‘, Le mot sar‘ désigne l’inclination pathologique du visage sur un côté ( Lisān al ‘Arab ) ainsi que la folie, les paralysies, l’épilepsie. Il désigne aussi les séances ou les pratiques auxquelles on a recours pour guérir le masrū‘,
Durant ces séances, il faut lire certaines sourates dans l’oreille du malade ou dire « au nom de Dieu » et donner au djinn l’ordre de sortir, comme faisait le Prophète : « Sors, ennemi de Dieu, je suis le prophète de Dieu. » (Al-Jawziyya, 1987, p.68) Dans le cas où il ne veut pas sortir, il faut l’attaquer : « Il m’a raconté qu’il l’a lue dans l’oreille du masrū‘ ; le djinn ( rūh ) a dit : oui ; il a dit : j’ai pris un bâton, et je l’ai frappé avec sur les veines de son cou, jusqu’à ce que mes mains s’affaiblissent à cause des coups.
- Les assistants n’ont pas douté qu’il allait mourir à cause des coups.
- Pendant les coups, il a dit : je l’aime.
- J’ai dis : lui ne t’aime pas.
- Il a dit : je veux faire un pèlerinage avec lui.
- J’ai dis : il ne veut pas faire de pèlerinage avec toi.
- Il a dit : je le laisse en ton honneur.
- J’ai dit : non, pour l’obéissance de Dieu et de son Prophète.
Il a dit : je sors de lui. Le cheikh a dit : le masrū‘ a regardé à droite et à gauche, puis il a dit : qui est-ce qui m’a amené ici ; on lui a dit : et tous ces coups ? Il a dit : et pourquoi me frappe-t-on, je n’ai pas commis de péchés ? et il n’a pas senti qu’il était battu.
» (Al-Jawziyya, 1987, p.68) 5 Je vais maintenant essayer d’expliquer la perception que la population de Khénifra a des djinns, ce qui nous rapprochera sans doute davantage des questions qui nous intéressent. Tout d’abord, il faut savoir que le fait de nommer les djinns directement est interdit et passe pour une provocation, comme si on les appelait.
Ainsi existe-t-il de fort nombreuses dénominations d’évitement :
Wlāy-Allah | Amis de Dieu |
Shāb lemkān | Les propriétaires du lieu |
Lli ma taytsemmawch | Ceux qu’on ne nomme pas |
Bismi Allah arrahmān arrahīm | Au Nom de Dieu |
Syādna | Nos seigneurs |
Ahl Allah | Gens de Dieu |
Lryāh | Les vents |
Lmlūk | Ceux à qui on appartient |
Lemselmīn | Les musulmans |
ul> 13 Encore qu’il existe d’autres représentations de celle-ci : « C’est une méchante sorcière qui appara (.)
6 Ils sont, cependant, réputés inoffensifs durant le mois de Ramadan, où ils seraient prisonniers de Dieu. Ils peuvent se manifester sous diverses formes ; sous une forme animale : chats, chiens, chèvres, et on ne se hasarde donc pas à frapper l’un de ces animaux, surtout la nuit ; ou sous une forme humaine mais avec des pieds de chèvre, comme Aïcha Qandicha qui se promène la nuit sous l’aspect d’une belle femme afin de rassasier son appétit sexuel en séduisant des hommes 13,
Cette jenniyya serait, selon Westermarck, la déesse de l’amour, Astarté, qui était vénérée par les Cananéens, les Hébreux et les Phéniciens : « La frivole Aïcha Qandicha est l’antique déesse de l’amour, la grande Astarté, tombée au rang d’une djinnīya mauresque dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle a une réputation détestable.
» (Westermarck, 1935, p.33)
14 Qui sont de toute manière interdits en dehors du mariage (Bousquet, 1990). On considère seulement q (.)
7 Une autre forme attestée d’apparition d’une jenniyya est la « mule des cimetières ». Suivant une croyance répandue au Maroc, Allah transformerait certaines veuves en jenniyya, le soir. La veuve doit, en effet, respecter un certain nombre de règles durant la période de quatre mois et dix jours qui suit la mort de son mari : elle doit s’habiller de blanc, ne pas sortir ou très rarement et seulement si elle y est obligée, être chez elle avant le coucher du soleil, ne pas se maquiller et s’abstenir formellement de tout rapport sexuel 14,
- S’il lui arrive d’avoir des relations sexuelles, Allah la châtie en la transformant en une sorte de jenniyya qui garde une forme humaine, mais qui devient très grande avec des pieds de chèvre et erre le soir dans les cimetières, traînant des chaînes après elle.
- On l’appelle « beghelt lqbūr » (la mule des cimetières).
Un de mes informateurs, Saïd, m’a dit avoir aperçu une « mule des cimetières » : « Je suis quelqu’un qui croit à ce qu’il voit. Il y a sept ou huit ans, je dormais tout seul dans une chambre. Au milieu de la nuit, j’ai entendu un bruit, c’était un mélange d’aboiement de chien et de claquement de chaînes.
Le bruit se répétait de plus en plus fort ; j’ai fini par regarder par la fenêtre et j’ai vu une femme très, très grande avec des jambes pleines de poils. Elle était enchaînée. J’ai réveillé mes parents, ils ont vu la même chose. Le lendemain, je suis allé voir le gardien ; il était gravement malade ; il m’a dit qu’il était malade parce qu’il avait été touché par la mule des cimetières.
Trois jours après, il était mort. » 8 Afin de respecter une cohabitation harmonieuse avec les djinns et d’éviter ainsi les maladies et les malheurs, il existe tout un ensemble de règles qui indiquent ce qu’il convient de faire et de ne pas faire. Quand on s’installe dans une nouvelle maison, il faut sacrifier un animal à l’entrée.
- On doit évoquer les noms de Dieu et de son Prophète chaque fois que l’on entre aux toilettes, au hammam ou dans les abattoirs, qui sont constamment hantés.
- Il ne faut pas verser de l’eau bouillante par terre ou dans les égouts, afin de ne pas brûler les djinns qui y séjournent.
- Il ne faut pas dormir ou s’asseoir au seuil de la maison et à l’entrée des chambres, qui sont leur propriété.
Il ne faut surtout pas laisser les bébés seuls, car la jenniyya nommée Umm s-sebyān, « la mère des enfants », risque de les rendre malades ou laids. C’est pour cela qu’on nomme l’enfant victime de cette jenniyya : lmbeddel, « celui qu’on a changé ».9 Fréquenter la nuit, solitaire, les rivières, les sources, les lacs, les forêts, les montagnes et, en général, les endroits humides non habités représente un risque majeur, car c’est une violation de l’espace et de l’intimité des djinns.
Meskūn | habité |
Medrūb | frappé |
Merkūb | monté par quelqu’un |
Memlūk | appartient à quelqu’un |
Mejnūn | insensé |
10 Les gens qui sont « frappés » par les djinns peuvent subir des pertes de mémoire, avoir des hallucinations, être atteints de paralysie faciale, d’épilepsie ou devenir fous. Les anomalies physiques et mentales ne sont pas les seuls signes de la possession.
- On peut désigner comme « possédées » des personnes dont la situation sociale présente aussi une anomalie comme, par exemple, les hommes qui ne se marient jamais ou qui font plusieurs fiançailles n’aboutissant pas.
- On dit alors qu’ils sont mariés avec une jenniyya et que c’est elle qui conduit à l’échec toute tentative de mariage.
On désigne aussi comme possédées des femmes qui sont assez souvent fatiguées sans raison apparente. Si elles vont chez la voyante, celle-ci leur révèle le nom du djinn possesseur ainsi que sa couleur : le djinn Sidī Hammū préfère le rouge, Lalla Malika le mauve, Sidī Mimūn le noir, Lalla Mira le jaune Suivant les voyantes, même des personnes ne présentant pas les caractéristiques de la possession seraient possédées.
Dans ces cas, la possession est donc diagnostiquée avant que l’état de transe ne soit atteint, comme l’a souligné Lewis (1977, p.46).11 Les cas de possession les plus typiques sont ceux où une personne se comporte normalement mais qui, de temps en temps, perd conscience, entre en crise, crie, s’arrache les cheveux, se tord dans tous les sens, les traits du visage et les membres déformés.
Parfois, elle parle durant ces crises comme une voyante ; elle évoque le passé, le présent et l’avenir des assistants. Parfois aussi, elle utilise des paroles incompréhensibles, comme si elle parlait une langue étrangère. Des informateurs m’ont affirmé qu’ils avaient entendu un possédé parler en français ou en anglais pendant une crise, bien que ne connaissant ni l’une ni l’autre de ces langues.
Ces crises sont provoquées par un énervement quelconque, par certaines musiques ou par des odeurs.12 Un possédé est une personne qui, après avoir mené une vie normale, commence à se comporter d’une façon « bizarre », à errer pendant la nuit, à se réfugier dans des sanctuaires, à refuser de parler, à présenter des traces sur le corps au réveil, à tenir des propos insensés, à adresser la parole à quelqu’un d’invisible, à avoir l’impression d’être étranglée.
On considère aussi comme possédés des enfants très nerveux, qui crient tout le temps sans raison apparente et perdent conscience quand ils sont contrariés. J’ai ainsi vu un enfant, présenté comme possédé, dont on disait qu’il perdait conscience et pouvait rester toute la nuit debout, enserrant le tronc d’un arbre.13 Pour guérir la possession, il faut recourir à une séance de sar‘, conduite par un fqīh (voir supra ) ou organiser une soirée de transe, conseillée par une voyante.
Pendant mon travail de terrain, j’ai assisté à plusieurs d’entre elles ; l’une était organisée pour Malika, une jeune fille de vingt ans qui avait un comportement « anormal » parce que la famille de son « petit ami » ne voulait pas qu’ils se marient. Ce refus venait de ce que les sœurs de Malika avaient la réputation d’être de mœurs légères.
Malgré cela, les fiançailles eurent lieu, mais le fiancé ne savait plus s’il devait épouser ou non Malika. Il la quittait et il revenait ; son hésitation était attribuée à la sorcellerie. Malika est tombée malade : elle souffrait de maux de tête et prétendait avoir l’impression qu’on l’étranglait.
- Son comportement aussi changea : elle quittait la maison de ses parents sans que personne ne sût où elle allait, prétendant être dans des sanctuaires.
- Elle fréquentait d’autres hommes et passait auprès des habitants de son quartier pour se prostituer.
- Elle ne savait plus, à son tour, si elle voulait épouser son fiancé et si elle était amoureuse de lui.
Chaque fois qu’elle décidait de se marier avec lui ou avec un autre, elle tombait malade et disait se réveiller avec des brûlures sur le visage et sur le corps. Ses parents l’emmenèrent chez des médecins. Les fqīh et les voyantes étaient sûrs, eux, qu’elle était frappée par un djinn.
Comme il semblait que les talismans et les visites aux sanctuaires étaient inefficaces, on recourut à une soirée de transe ( lila ou lila dyāl jjedba ).14 La famille de Malika invita un groupe de musiciens d’une confrérie religieuse de Meknès, les ‘issawa, spécialistes des transes, la voyante qui avait conseillé la soirée et à qui il revint de l’organiser, des parents, des amis ainsi que des possédées connues.
Les femmes commencèrent à venir à la maison des parents de Malika, en début d’après-midi. Du thé fut servi. Vers 17 heures, il y avait déjà une trentaine d’invités qui gagnèrent la terrasse. Lm‘allem, ou le chef du groupe de ‘issawa, répéta : ya l‘fū ya Mūlana (la guérison, ô Maître), mselmīn, teslīm, hna mselmīn, « on s’en remet à vous (les djinns) ne nous faites pas de mal », tout cela en faisant des révérences aux djinns, les mains croisées dans le dos.
Puis la musique commença. Lm‘allem égorgea un bouc en présence des invités ; dès que le sang commença à couler, un membre de la confrérie en remplit un bol, puis des femmes se précipitèrent pour boire le sang qui se répandait. Elles étaient dans un état second, comme inconscientes de ce qui les entourait, le visage pâle, les cheveux décoiffés, les yeux fermés, sautant de manière rythmée.
Quand la musique s’arrêta, certaines d’entre elles tombèrent par terre en se tordant et en criant. Pour les calmer, la voyante brûla du benjoin et fit boire à quelques-unes le sang qu’on avait mis dans le bol. Quand elles revinrent à elles, elles avaient l’air hébété mais satisfaites.
Leurs mains, leurs vêtements et leurs visages étaient couverts de sang. Lm‘allem pria pour la fille et pour sa famille et aussi pour les invités qui lui avaient donné une somme d’argent, en même temps que la maîtresse de maison offrait du lait et des dattes. Vers 19 heures, la première partie de la soirée était achevée.
Elle reprit deux heures plus tard.
15 Le sel est censé éloigner les djinns.
15 Le nombre de participants avait considérablement augmenté : il y avait alors une cinquantaine de personnes. Toute la soirée se passa sur la terrasse, au dernier étage de la maison. En temps normal, elle n’était pas meublée, mais on l’aménageait quand on organisait une fête.
- Ce soir-là, on avait disposé des tapis, des coussins et quelques chaises.
- L’assistance était principalement féminine.
- Le petit groupe d’hommes qui étaient présents comptait le père de la fille, ses deux frères et les membres de la confrérie.
- Après avoir mangé un couscous sans sel 15 préparé avec la viande du bouc égorgé, les participants se mirent debout et lm‘allem répéta encore mselmīn, teslīm yā m- malīn lmkān (on s’en remet à vous, les possesseurs de la maison ).
La musique reprit et les possédées entrèrent en transe. Comme elles sont toutes habitées par des djinns différents et comme on ne connaissait pas encore le nom du djinn possédant Malika, il fallut d’abord jouer tous les rythmes pour découvrir le nom du djinn qui l’habitait puis pour faire plaisir à toutes les possédées et à leurs djinns.
Il y avait des femmes de tous âges, appartenant à la classe populaire ou à la classe moyenne, mais ayant toutes un faible niveau d’instruction. Les unes étaient habillées de façon moderne et les autres de façon traditionnelle. Quand les musiciens jouèrent le rythme d’un djinn qui se nomme Sidī Mimūn, Malika se mit à déchirer ses vêtements, jusqu’à ce qu’il n’en reste sur elle que quelques lambeaux, à s’arracher les cheveux, à griffer son visage, ses seins qui était nus et ses jambes.
Elle criait en lançant aux invités un regard inquiétant, comme si elle allait se jeter sur eux. Pour les assistants, ce comportement prouvait qu’elle était possédée par le djinn Sidī Mimūn. Afin qu’elle se calme, il fallut lui faire porter la couleur préférée du djinn, le noir.
- Sa mère courut chercher des vêtements de cette couleur.
- Habillée de noir, Malika retrouva son calme et continua à danser, mais d’une manière très différente, souriante et sereine, comme si elle jouissait maintenant d’un bonheur complet.16 Elle dansa un petit moment, puis la musique et la transe furent arrêtées.
Le chef du groupe s’était habillé de rouge, la couleur de son propre djinn, Sidī Hammū. A partir de ce moment, ce n’était plus lui qui parlait mais son djinn. Quand on l’appelait en utilisant son nom, il répondait ainsi : « Il n’est plus là, c’est Sidī Hammū qui vous parle, je suis Sidī Hammū.
- » Les invités lui donnèrent de petites sommes d’argent, et il pria pour tous pendant qu’ils répétaient « amen »,
- Il disait : « Que Dieu vous guérisse de vos maladies et résolve vos problèmes au nom de Sidī Lghezwānī, de Sidī Sālh et de Sidī Lamīn,
- Aujourd’hui, on a partagé la nourriture avec ces gens, ça sera la fin des problèmes de cette fille.
Que Dieu guérisse les gens qui sont là ainsi que leurs malades qui ne peuvent pas venir, que Dieu protège vos descendants. Cette nuit, on va tout connaître, celui qui a la niyya va voir réaliser tous ses désirs, celui qui a la niyya va avoir la paix, là où il va.
Nous demandons à Dieu et à ses saints d’éloigner de nous toutes les maladies et toutes les atteintes. Ceux qui sont venus avec la niyya vont résoudre leurs problèmes. » 17 Puis il s’adressa à Malika : « Que Dieu te guérisse et éloigne de ton chemin toutes les atteintes. Lalla Fatem-Zehra, protège-nous, nous sommes sous ta protection et sous la protection de notre Prophète Mohammed, que Dieu réalise vos souhaits.
Ô Guérisseur supérieur, ô Guérisseur très-haut Il n’y a de Dieu que Toi, Dieu, Dieu, Ô Dieu guéris-nous. » 18 Lm‘alem, ou plutôt le djinn Sidī Hammū, se mit alors à expliquer l’origine de la possession : « Cette fille a eu cette maladie par suite d’une grande tristesse faqsa,
- Tu as donné ta confiance, tu as donné tes vêtements, mais il y a quelqu’un qui t’a trahie le jour de tes fiançailles, celle qui a fait ça a déjà partagé la nourriture avec vous, elle a volé tes vêtements et elle a fait son travail dedans, elle est jeune, de taille moyenne, des yeux noirs,
- » 19 A ce moment, la mère l’arrêta en disant : « Arrête, ne dis rien, maintenant je la connais.
» Lm‘allem continue, mais c’est toujours le djinn qui parle : « Je ne connaissais pas ces gens-là, c’est la première fois que je partage la nourriture avec eux, Allah, Sidī Mhammid Ben Mūssa et Sidī Lghezwānī vont se venger pour cette fille qui nous a invités en ce moment de fête, pour enlever son atteinte, ô Mūlay ‘Ali Ben ‘Omar, que Dieu réalise tous les désirs de cette fille, celui qui utilise la force mourra de faiblesse.
- » 20 Enfin, il commença à négocier avec Malika, ou, plutôt, son djinn commença à négocier avec celui qui possédait la jeune fille : « Au nom de Dieu et de son Prophète, au nom de tous les saints, sors de cette fille.
- Je veux la garder, elle est à moi.
- Au nom de Lalla Fatem-Zehra, rends cette fille à sa famille, rends-lui son esprit.
– Non, non, non – Au nom de Mūlay Abdel Qadir Jilālī, éloigne-toi d’elle. (Ici Malika – son djinn – crie.) – C’est toi qui as pris son esprit, c’est toi qui l’as obligée à partir de chez ses parents, c’est toi qui l’as éloignée du droit chemin. – Oui, oui (des cris).
- Je t’ordonne de la laisser tranquille.
- Je ne veux pas, je ne veux pas.
- Aux noms du Prophète Mohammed, de Lalla Fatem-Zehra et de tous les saints, éloigne-toi de cette fille, par pitié pour ses parents qui t’ont offert cette soirée, sors de cette fille.(Le djinn de Malika soupire et crie.) – Au nom de Sidī Mhammed Ben ‘Issa, sors, éloigne-toi d’elle.
– Je ne veux pas, elle est à moi. – Si tu pars, elle va t’offrir une soirée de transe une fois par an, et elle va assister aux soirées de transe organisées par ceux qui t’appartiennent. » 21 A ce moment, Malika tombe par terre en regardant la foule comme si elle la découvrait.
Son regard et son soulagement signifient qu’elle n’est plus possédée et, que, à partir de ce moment, c’est elle qui agit et non pas son djinn. Pendant ce temps, des femmes répétaient, sans se lasser : teslīm, teslīm y ā m-malīn lmkān,22 Il était presque trois heures du matin, on disposa de la nourriture sans sel, du lait, des gâteaux, des olives noires, des cacahuètes, des amandes, des pop-corns, des noix, des dattes, le foie du bouc bouilli et un grand bol de henné, sur un grand plateau.
Puis, on joua un air demandé par la voyante qui avait participé à l’organisation de la soirée, afin qu’elle entre aussi en transe et fasse appel à son djinn. Quand la musique fut achevée, elle prit place devant le plateau, les yeux fermés et les traits du visage très tendus, puis elle commença une séance de voyance.
- Les participants qui désiraient en bénéficier lui donnaient une bougie noire.
- Après chacune de ses prédictions, elle prenait la bougie entre ses deux mains, l’approchait de sa bouche et récitait doucement une prière que je n’ai pas pu entendre ; puis, elle donnait la bougie à la patiente, lui conseillant de l’allumer le soir du dernier jeudi du mois et de demander ce qu’elle désirait.
A la fin de la voyance, elle distribua la nourriture disposée sur le plateau et fit passer le bol qui contenait le henné pour que toutes les femmes puissent s’en mettre sur les mains. Après la séance de voyance, la soirée s’acheva : il était cinq heures du matin.
Les invités partirent en emmenant avec eux une partie de la nourriture qui avait été offerte pour la distribuer à leurs proches, car elle était porteuse de baraka.23 Tout le long de la soirée, la mère et la sœur aînée étaient à côté de la fille ; elles l’empêchaient de se griffer et de se frapper ; elles lui tenaient les mains et la tête ; elles essuyaient sa transpiration ; elles l’entouraient de soins et d’affection.
Elles étaient à sa disposition. Cependant, la voyante s’occupait des autres femmes qui entraient en transe ; quand l’air de leur djinn s’achevait, elles tombaient par terre en se tordant car le djinn ne les avait pas encore quittées. Pour les réveiller, on leur donnait ce qu’elles désiraient ou ce que leurs djinns voulaient.
Comme ils ont des préférences en ce qui concerne les couleurs et la musique, ils ont aussi des préférences pour les contreparties qui les conduisent à libérer partiellement la personne – pour chaque possédé une seule chose. Ainsi leur donne-t-on du henné, de la menthe ou de la viande crue à manger, de l’eau de fleur d’oranger, de l’huile de cade à sentir et à boire, de l’eau pour la boire ou, dans une bassine, pour s’y asseoir et s’en asperger.
La voyante connaissait le désir de chaque patiente ou de son djinn. Pour cette raison, lors de la soirée, elle avait à sa disposition toutes les choses nécessaires pour les satisfaire. Car l’essentiel de la soirée de transe était de satisfaire les djinns.24 Quand on organise une soirée de transe, il faut, en effet, prendre en considération qu’il n’y a pas que des invités humains mais aussi – et surtout – des djinns.
- Ainsi convient-il de les satisfaire et d’être à leur disposition.
- Pour cela, il faut : 1.
- Faire couler le sang ; 2.
- Offrir une nourriture non salée ; 3.
- Demander le teslim,25 1.
- On fait couler le sang d’un animal afin de solliciter leur présence et d’avoir des relations de paix avec eux, car les djinns aiment le sang et sont présents dans les endroits où il y en a, comme les abattoirs.
Le sang versé pour cette cérémonie est offert aux djinns et signifie qu’ils sont invités. Il est la condition première pour qu’ils soient présents. Dans d’autres fêtes comportant un sacrifice, on verse du sel sur le sang coulé pour les chasser ; en revanche, quand on verse le sang en l’honneur des djinns, on évite d’utiliser du sel afin que les djinns puissent participer.
Ce sacrifice est partagé entre les humains et eux ; les humains consomment la viande, et les djinns le sang. Cependant, les djinns mangent la même nourriture que les humains si elle n’est pas salée.26 2. On offre, pour cela, une partie de la nourriture ( msūsa ) sans sel, fade. La fadeur caractérise la nourriture des djinns.
Quand quelqu’un ne met pas assez de sel dans sa nourriture, on dit : « sa nourriture est fade comme celle des djinns » ; on dit aussi : « je ne suis pas un djinn pour manger la nourriture sans sel ». Cette même fadeur qui caractérise la nourriture sans sel peut aussi caractériser les humains : d’une personne belle sans charme on dit qu’elle « n’a pas de sel », c’est-à-dire qu’elle est fade ; d’une personne qui parle de façon agréable, on dit que « ses paroles sont salées ».
Dans le langage quotidien, le sel représente la beauté avec le charme.27 Quand les femmes et surtout les jeunes filles qui cherchent un mari souhaitent que les autres personnes les trouvent charmantes, elles versent une pincée de sel sur leur tête en disant « le sel sur toi » (que le charme soit sur toi).
Après cela, les femmes passent pour être charmantes aux yeux des autres et à leurs propres yeux. Car c’est le sel qui enlève la fadeur de la nourriture et, par assimilation, celle des gens ; c’est le sel qui éloigne les djinns qui peuvent donner la fadeur aux humains et qui empêche les humains de ressembler aux djinns que la fadeur caractérise.
- Quand on voit une personne sans charme ni beauté, on dit qu’elle est laide comme un djinn.
- En général, le fait d’utiliser le sel est une façon de chasser les djinns.
- Quand on veut se protéger d’eux, on porte avec soi du sel ou on le met dans les coins de sa maison.28 Au Maroc, le partage de la nourriture a une valeur symbolique très importante.
A partir du moment où l’on mange avec quelqu’un, des liens sacrés se créent, à la fois différents et proches des liens du sang. Différents, parce qu’ils n’impliquent pas de relations de parenté, proches, parce qu’ils impliquent des prestations de fidélité comme celles qu’on peut attendre de sa famille.
- Être trahi par une personne avec laquelle on a partagé la nourriture est ainsi toujours plus grave.
- Ce symbolisme du sel a la même signification dans toutes les régions du Maroc.
- Hassan Rachik a constaté des faits semblables dans le Haut-Atlas marocain : « Le sel dévoile toute personne qui ne respecte pas les obligations morales consécutives au partage du repas.
En effet, lorsque deux personnes ou plusieurs absorbent en commun les mêmes aliments, la nature de leurs rapports change ipso facto, Les consommateurs d’un même repas doivent s’abstenir de se faire du mal. Le transgresseur du pacte implicite et mystique ne peut échapper au sel qui a le pouvoir de ligoter et d’attacher.
- » (Rachik, 1990, p.63) 29 3.
- On demande le teslīm tout au long de la soirée.
- Ce mot est d’usage dans les confréries marocaines des gnawa et des ‘issawa (Brunel, 1926 : 249).
- Il provient probablement de l’arabe classique, de la racine slm qui veut dire : être sain et sauf, être en bon état et se porter bien.
Mais il est aussi très proche du mot taslim qui vient de la même racine et qui signifie : acceptation, concession, reconnaissance, résignation, transmission et salutation. « Ce mot existait depuis la période préislamique : salam ‘alaykum signifiait pas de guerre entre nous » ( Lisān ).
- Cette expression existe de nos jours comme forme de salut et signifie : « la paix sur vous ».
- Le teslīm utilisé par les confréries et dans les soirées de transe comprend quelques-unes des significations de taslim,
- On dit aux assistants, qui ne prennent pas au sérieux ou qui se moquent (en cachette) des personnes en transe, selmū ou telbū teslīm, c’est-à-dire « reconnaissez les djinns, croyez en leur existence, sinon ils vont vous frapper ».
Lm‘allem commence la soirée par dire, en faisant la révérence, mselmin, c’est-à-dire « nous sommes résignés à vous, nous vous demandons des relations de paix, nous sommes à vous, nous ne vous faisons pas de mal et nous vous demandons de ne pas nous en faire ».
Le teslīm n’est pas demandé uniquement par les possédés et les membres de la confrérie, il l’est aussi par l’ensemble de l’assistance qui a peur d’être atteinte par les djinns, tout en voulant profiter de leur baraka afin d’obtenir une guérison ou la réalisation d’un souhait.30 Pour désigner une soirée de transe à Khénifra, on dit l-līla, c’est-à-dire « soirée » ou l-līla dyāl jjedba ou l-līla dyāl hedra,
Le mot jedba vient probablement de la racine jdb qui signifie : attirer, captiver, charmer, séduire, tirer. On dit aussi : l-līla dyāl hedra ; le mot hadra signifie « présence » et vient du verbe hadara qui veut dire : « être présent », « se trouver là », l-līla dyāl jjedba signifie en dialectal marocain : « soirée de transe », et l-līla dyāl hedra signifie : « soirée où les djinns sont présent ».
Pendant cette soirée, les possédés ne sont plus eux-mêmes ; ils perdent la responsabilité de leurs gestes et de leurs paroles ; leur corps, pendant la transe, n’est qu’une façade derrière laquelle se cache le djinn pour agir. C’est pour cela que le possédé est considéré comme irresponsable. Cette irresponsabilité s’étend à l’ensemble de ses comportements anormaux, hors même des séances de transe.
On dit de lui : « il a fait ça malgré sa volonté », machī lkhatrū, Le cas de Malika le confirme. Tout son comportement, les fugues, la fréquentation de plusieurs hommes ou même la prostitution sont des actes involontaires aux yeux de sa famille et aux yeux des gens qui croient à la possession.
On peut, cependant, croire aux djinns et à la possession mais douter de l’irresponsabilité, cela dépend aussi des circonstances. Il ne faut pas croire, en outre, que toutes les personnes qui ont un comportement interdit (fugues, prostitution) puissent passer pour des possédés ou même le tentent. Une femme qui se prostitue et qui explique sa prostitution par des raisons économiques n’est pas considérée comme possédée.
Malika, au contraire, prétend que tout ce qu’elle a fait, elle l’a fait malgré elle : « Je ne réalise pas ce que je fais, moi je ne veux pas faire tout ça. Je me sens obligée de faire des choses que j’ai honte de raconter. Je sais que le fait de partir sans rien dire inquiète mes parents qui passent leur temps à me chercher, mais je ne peux pas les avertir car quelque chose me prend et je ne pense plus à personne, je pense seulement à faire ce que je suis obligée de faire.
Une fois la nuit tombée, je ne sais pas comment, j’avais envie de partir à Mūlay Bū‘azza (un sanctuaire). Je suis partie sans rien, je n’avais ni argent ni nourriture, et je ne me rappelle pas comment j’ai fait pour arriver là-bas, je ne sais pas si je suis allée à pied ou si quelqu’un m’a prise en voiture.
» 31 J’ai mentionné, plus haut, les maladies qui sont provoquées par les djinns ; mais tous les malades qui attribuent leurs maux à cette origine ne sont pas forcément possédés, car le djinn, dans certains cas, donne la maladie et quitte le malade. C’est ce que l’on dit, par exemple, des personnes atteintes de paralysie.
On ne peut pas considérer, non plus, que les possédés soient constamment habités et dirigés par les djinns. A part les fous, les autres ont un comportement normal et, en dehors des moments de crise, sont traités et considérés comme n’importe qui. En ce qui concerne les crises comme celles de Malika, où l’on fait (ou prétend faire) des choses sans vouloir les faire, je ne trouve pas d’explication à leur déclenchement : ni les discours des possédés et de leur entourage, ni l’observation répétée de cas ne permettent d’isoler des causes déclenchantes : c’est la possession qui les explique en général.
En revanche, les crises où l’on crie, où l’on s’arrache les cheveux et se griffe, où l’on se tord par terre, sont généralement déclenchées par une contrariété ou un énervement, par des odeurs et surtout par celle du benjoin. Mais, pour entrer en transe, la musique semble l’élément déterminant.
Il s’agit d’une musique particulière, celle du djinn possesseur. Néanmoins, il est vraisemblable que l’effet de la musique soit préparé par l’ambiance qui règne dès le début des soirées de transe. On y parle de différents cas de possession, de la maladie, du malheur, des djinns, des sanctuaires et de la transe.
Cette ambiance n’est toutefois pas déterminante. Dans d’autres contextes comme les fêtes, les possédés peuvent entrer en transe si les musiciens jouent un rythme semblable à celui de leur djinn. Ces rythmes sont généralement évités.32 Quand la musique de transe commence, les possédés dansent d’une manière très lente et calme, puis commencent à se lever en dansant, et l’agitation devient progressivement plus au moins agressive ; d’autres se lèvent d’un seul coup pour danser.
Parfois, quand la musique s’arrête, des possédés tombent par terre en se tordant dans tous les sens et en criant. C’est cette phase de dynamisme et d’action que je nommerai « transe », en suivant Rouget qui la définit comme un certain type d’états « qui ne s’obtiennent que dans le bruit, l’agitation et la société des autres » (1990, p.47).
Cependant, l’état de satisfaction totale que manifeste le possédé après l’audition de son rythme favori, quand la voyante lui offre ce qu’il désire ou plutôt ce que désire son djinn, je le nommerai « extase », à l’encontre, cette fois, de Rouget qui définit celle-ci comme étant « un certain type d’états, disons seconds, atteints dans le silence, l’immobilité et la solitude » ( ibid.).
En effet, l’extase, aussi bien que la transe, peut avoir lieu dans le bruit et dans la société des autres, mais dans un bruit moins violent que celui de la transe car il n’y a plus de musique, et l’agitation diminue sans exclure la société des autres. Le possédé en extase exprime et semble ressentir, alors, une jouissance extrême et une joie profonde, sans se préoccuper de ce qui l’entoure, comme s’il était dans une solitude totale et complète ; il est dans son propre monde et donne l’impression de ne voir et de n’entendre personne.33 La description de l’attitude d’une jeune femme possédée par Sidī el-Bahri, le Maître des mers, va faciliter l’explication de cet état.
Après l’audition de son rythme musical, la voyante lui a donné un bol d’eau qu’elle a bu d’un seul trait, mais elle a continué à chercher de l’eau, l’air affolé. La voyante, avec l’aide d’autres femmes, a amené une grande bassine remplie d’eau. Dès que la jeune femme l’a vue, elle s’est précipitée pour se mettre dedans ; elle avait les yeux fermés, un grand sourire serein qui exprimait le bonheur et le repos, des gestes très lents ; elle mettait ses mains dans la bassine, les remplissait d’eau pour la boire, mouillait et massait tout son corps avec une lenteur extrême, comme si elle voulait prolonger chaque mouvement pour faire durer le plaisir.
La différence entre l’état de transe et l’état d’extase tient à ce que, pendant l’état de transe, le possédé reste conscient de certaines choses, par exemple des rythmes joués, de la présence de sa couleur préférée que les assistants doivent éviter de porter ou cacher en se couvrant d’un drap, par crainte d’être attaqués par le possédé qui réduira leurs vêtements en lambeaux.
Il est conscient aussi des gens qui ne prennent pas au sérieux sa possession : ceux-ci risquent d’être agressés. En ce sens, il est conscient de la présence des gens. Cette conscience est momentanée car, après la transe, le possédé ne se rappelle plus de rien.
- Au contraire, durant l’état d’extase, le possédé est inconscient de tout ce qui l’entoure, du bruit et des gens.
- L’isolement et la solitude ne sont pas réels parce qu’il est entouré ; mais ils sont éprouvés.34 La raison pour laquelle on organise une soirée de transe est d’expulser ou de conclure un accord avec le djinn possesseur, afin d’atténuer la souffrance du possédé.
J’écris « atténuer » parce que précisément « l’expulsion » n’est en fait ni définitive ni complète : la personne peut retrouver un comportement normal, mais son djinn pourra toujours se manifester si elle ne respecte pas les accords conclus lors de la soirée de transe, comme il pourrait aussi se manifester à l’occasion d’autres soirées auxquelles il assisterait.
Cette nouvelle manifestation du djinn est temporaire et n’implique pas que la personne soit de nouveau « habitée ». De ce point de vue, Mohamed Boughali considère la transe comme une cure n’aboutissant jamais à la guérison totale mais – à l’instar de la psychanalyse – rendant seulement l’atteinte supportable : « En d’autres termes, en conditionnant les individus par la persistance diversement alimentée de telles représentations, le discours ethnopsy-chiatrique marocain suggère à quel point la maladie mentale n’est pas une affaire à prendre à la légère et que, tout bien considéré, il est préférable d’accepter les melk qui en sont responsables et de faire du corps propre une sorte de propriété qui leur revient par un droit à la fois tacite et accepté.
Désormais, en optant pour la transe rituelle, le malade sait à quoi s’en tenir et passe le reste de son temps à alimenter, par des espoirs accumulés et participants, une véritable instance de guérison. » (Boughali, 1988, p.260-261)
16 La musique joue donc un rôle très important dans les transes, ce qui n’est pas spécifique aux Maroc (.)
35 Selon cet auteur, la transe servirait donc à mettre en scène la maladie afin d’en atténuer la gravité. Et c’est apparemment ce qui se passe, puisque la plupart des personnes que j’ai rencontrées et qui s’étaient dites possédées par un djinn ont poursuivi une vie « normale ».
Ainsi en est-il de Malika qui n’est plus sujette à des crises ou à des fugues, mais qui continue à entrer en transe chaque fois qu’elle assiste à une soirée de transe ou chaque fois qu’elle entend une musique de transe 16,36 L’autre raison pour laquelle on organise une soirée de transe est la restauration de la communication entre la personne possédée, sa famille et leurs proches.
Cette fonction latente de la transe a été mise en évidence dans d’autres sociétés, comme chez les Hausa du Niger : « Le rituel de possession a donc pour tâche de restaurer les modalités de communication de l’individu dans son groupe (familial et villageois), mises en cause par l’intervention perturbatrice du génie ; ainsi, les récits de femmes, très largement majoritaires parmi les possédés, font état de difficultés personnelles liées à la maternité (stérilité, fausses couches) ou au mariage (polygamie, union forcée).
- » (Vidal, 1992, p.70) 37 Dans le cas de Malika, il s’agissait d’exposer et de prouver publiquement que son comportement marginal ne relevait pas de sa volonté mais lui était dicté par son djinn.
- Ainsi, le fait de dire rétablit la normalité de sa situation et rend alors possible la reprise des échanges sociaux.
A partir de ce moment, son djinn est censé la laisser libre ; elle est donc à nouveau maîtresse d’elle-même.38 Il peut paraître paradoxal de faire appel aux djinns dont on a constamment peur. Cela tient au fait que la séance de transe n’est pas un exorcisme mais la négociation d’une cohabitation pacifiée avec eux.
On observera d’ailleurs que l’intermédiaire de cette négociation est lui-même un djinn, puisque c’est le djinn possédant le chef des musiciens qui s’adresse au djinn de la possédée. La présence des djinns n’est donc pas mise en cause, et ce que l’on recherche est visiblement une entente. En ce sens, le lieu de la transe devient un espace de paix où humains et surhumains peuvent communiquer, à condition que les humains prennent au sérieux les djinns et donc les possédés ; se moquer d’un possédé en transe est ainsi considéré comme une rupture du pacte de paix.
Celui qui rit ou qui dit que les personnes en transe ne sont que des menteurs est, d’ailleurs, censé être puni par les djinns et devient lui-même possédé. Cette explication ne saurait, cependant, suffire : demeure inexpliquée la raison qui conduit les Marocains à négocier avec les djinns plutôt qu’à les chasser.
Bien souvent, en effet, le traitement de la possession se résume à un exorcisme, à l’expulsion plus ou moins violente de l’être possédant. Au contraire, la transe est un « hommage » qui lui est rendu, un dialogue qui s’engage avec lui et qui n’aboutit qu’à un retrait partiel, puisqu’il demeure toujours dans l’entourage de la personne possédée.
Cela tient sans doute à ce que les djinns habitent un univers parallèle à celui des humains, dont ils partagent de nombreuses caractéristiques. Ils ne représentent donc pas l’altérité, l’inverse du monde des hommes, mais se définissent plutôt par un campagnonage ambigu.
- Il devient, en ce sens, difficile de les rejeter parce que le rejet suppose l’étrangeté.
- A cette explication il convient d’ajouter que la relation hommes/djinns est une relation conflictuelle basée sur une crainte réciproque.
- Les humains ont peur d’être frappés par les djinns, et les djinns peuvent souffrir à cause des humains.
Par exemple, si un homme verse de l’eau bouillante dans les égouts, il risque de les brûler. Chacun des protagonistes a peur de l’autre mais, en même temps, se sent incapable de s’en débarrasser.39 Cette situation est conforme à la conception agonistique des relations qui prévaut dans la société marocaine.
- Elle est similaire à celle dans laquelle se trouvent des personnes qui sont en situation de concurrence et se trouvent, cependant, obligées de cohabiter, comme des coépouses qui se jurent mutuellement de ne pas se faire de mal et, surtout, qu’aucune n’usera de la sorcellerie pour chasser l’autre.
- Ce pacte de paix résulte du fait que chacun des protagonistes reconnaît qu’il n’a pas la force ou les moyens d’éliminer l’autre.
La situation d’équilibre entre les parties, la pacification, ne résulte pas de la victoire définitive de l’une sur l’autre ; elle est la conséquence d’une négociation où la violence, toujours présente, mais théâtralisée, impose à chacune le respect de l’autre.
- Il s’agit donc d’un compromis assez semblable à celui évoqué par Jean Pouillon (1987) à propos des relations entre margaï (génies) et Dangaleat (une population montagnarde du centre tchadien).
- Les margaï sont toujours considérées comme les premières habitantes du lieu ; elles agressent les humains quand ceux-ci manquent aux règles du culte et de la morale, mais, plus profondément, parce qu’ils sont des intrus.
Comme les humains ne peuvent renoncer à l’intrusion, un compromis est nécessaire dont les rites sont l’application. Donner aux margaï signifie que les hommes tiennent compte de leur présence et ne veulent pas les évincer. Tout cela est fort près de la doctrine marocaine sur les djinns qui sont aussi considérés comme les premiers habitants des lieux maintenant occupés par les hommes.
Ce qui diffère relève de la conception culturellement construite des situations de conflit : alors que les Dangaleat expliquent l’agressivité des margaï par un manquement à des règles impersonnelles, les Marocains expliquent l’agressivité des djinns par un manquement à des règles interpersonnelles. Pour les uns, les êtres surhumains sanctionnent l’irrespect d’une prescription ; pour les autres, ils punissent l’irrespect de leur personne.40 Cette relation de négociation avec l’être surhumain dont on ne peut se débarrasser est également observable chez les zâr éthiopiens.41 Ceux-ci ont presque les mêmes caractéristiques que les djinns, bien que les Ethiopiens de Gondar soient chrétiens.
Ils sont semblables aux hommes, vivent à leur proximité, organisés en société hiérarchisée, de sexe féminin ou masculin, chrétiens, musulmans ou païens Cependant, avec les zâr, le pacte de paix résulte d’une substitution de victime ; on ne détruit pas le zâr, on le renvoie à une autre victime.
Mais la caractéristique essentielle de la relation avec les djinns demeure : « L’idée de « faire la paix » avec le zâr, de l’amener à « pardonner » est la base de tout le traitement appliqué par les guérisseuses et les guérisseurs Il s’agit donc essentiellement de réparer la faute commise, de rendre les zâr conciliants.
» (Leiris, 1989, p.19) 42 Cependant, ces explications ne sont que partiellement satisfaisantes, même si l’idée de compromis permet de comprendre la nature exacte de la séance de transe. Il importe, pour aller plus loin, de se reporter au travail de Zempléni sur les « être sacrificiels » (1987).
Comparant le culte wolof des rab, le culte éthiopien du zâr, des faits yoruba, fon, brésiliens et haïtiens, il montre que la « transe rituelle tend, quant à elle, à condenser en la figure du possédé celle de la victime animale et du sacrifiant humain, et à déplacer sur cette figure humaine animalisée deux éléments de scénarios sacrificiels : la consécration et l’immolation de la victime.
» (Zempléni, 1987, p.314) Si l’on poursuit en ce sens, la transe ne relèverait pas de l’exorcisme mais du sacrifice ; elle ne serait pas un rituel d’expulsion mais, tout au contraire, le don momentané d’une personne humaine à un être surhumain. C’est en cela que la soirée de transe est un « hommage » en même temps que cette « application d’un compromis » dont parlait Pouillon.
En recevant l’être surhumain en lui, le possédé offre une métaphore théâtralisée de la possible cohabitation des hommes et des djinns.43 La plupart du temps, les rituels qui demandent la présence d’un groupe sont interprétés comme des moyens destinés à renforcer l’intégration sociale en subordonnant l’individu à ses rôles sociaux (par ex.
Turner, 1972, p.302 et, plus récemment, Colleyn, 1988, p.193). Conformément à cette interprétation du rituel, les cultes de possession sont souvent décrits comme le mode d’expression par excellence des groupes dominés (par ex. Lewis, 1977 ; et, pour ce qui est du Maghreb, Ferchiou, 1972, p.66 ; Ouitis, 1977, p.117).
Reysoo, dans son travail sur les pèlerinages au Maroc, affirme que la fonction principale des soirées de transe et des sacrifices est de renforcer la solidarité du groupe (Reysoo, 1991, p.80). Certes, pendant les soirées de transe, toutes les femmes présentes donnent l’impression de soutenir la personne pour laquelle la soirée est organisée, prient pour que son problème soit résolu, l’entourent de toute leur affection et de leurs soins, racontent leurs propres problèmes qui peuvent être semblables aux siens.
Cette ambiance donne l’impression d’une solidarité réelle et forte, mais, en réalité, la soirée ne renforce aucun lien. Ce qui s’y passe est temporaire. Tout d’abord, cette soirée avec ses couleurs, ses odeurs, ses musiques, ses danses est aussi un spectacle pour nombre de participantes (et de participants).
Ce caractère avait déjà été mis en avant par Leiris, à propos des aspects théâtraux de la possession par les zâr (Leiris, 1989, p.33). Le terme que l’on emploie, en dialectal marocain, pour dire que l’on va à un spectacle est d’ailleurs : nemchī netferrej, terme qu’utilisent aussi beaucoup de personnes qui vont à une soirée de transe.
Ceci correspond à l’exemple de l’horoscope qu’Albert Piette a proposé pour illustrer le mode de participation paradoxal et mineur au rituel : « L’autre concerne la croyance anodine aux horoscopes, stimulée par des lectures voilées et intermittentes : elle apparaît comme une croyance clignotante, indécise ou semi-ludique, oscillant entre le sérieux et le non-sérieux, bénéficiant de la charge d’excitation à la lecture même, mais aussitôt modalisée par l’effet de la conscience rationnelle et critique.
- » (Piette, 1993, p.73) 44 Cependant, la plupart des participants – des femmes, sans doute la part majoritaire – assistent à la transe afin de résoudre des problèmes personnels.
- Ils profitent de la présence des musiciens de la confrérie pour leur demander de prier pour eux, afin qu’Allah les guérisse de leurs maux et résolve leurs problèmes.
La présence de la voyante leur permet aussi de profiter d’une séance de divination. La catégorie la moins représentée est ainsi formée des personnes préoccupées par la possédée pour laquelle la soirée est organisée.45 La soirée de transe n’exprime donc pas la solidarité du groupe, elle rassemble seulement dans une représentation collective des femmes et des hommes qui y assistent pour des raisons personnelles.
Quel est le lien entre la religion et la musique ?
Corps de l’article – Comme le soulignait le musicien et théologien Pierre Charru (2012, 311), « les rapports entre la musique et la théologie restent un domaine de recherche encore peu exploré ». Pourtant, comme la théologie, la musique et les chants qui l’accompagnent ont souvent été utilisés pour dire Dieu.
La musique fait en effet partie intégrante des différentes religions du monde depuis des millénaires. Que ce soit par des hymnes, des cantiques, etc., l’humain s’est servi de la musique pour tenter d’exprimer, de définir ce rapport entre lui et le divin. On peut donc dire que depuis les débuts de l’Histoire, on fait de la théologie avec la musique,
La musique peut certes avoir une « résonance théologique », pour reprendre l’expression de François Vouga (1983) et être utilisée pour propager la grandeur, la toute-puissance et la splendeur de Dieu. Comme l’ont fait les grands compositeurs baroques et classiques, tels que Bach, Verdi, Mozart, Beethoven, et comme le font encore de nos jours les artistes de musique gospel ou de rock chrétien.
Mais la musique est ambivalente. Elle peut aussi être utilisée pour critiquer Dieu. Pour maudire Dieu. Cela est particulièrement vrai depuis la deuxième moitié du xx e siècle, alors que la musique a été utilisée pour proposer un discours différent sur Dieu. Une nouvelle théologie. Toujours dire Dieu, mais autrement.
Pour le contester, le dénoncer, voire le renier. Pour exprimer le rapport entre l’humain et Dieu qui a changé, qui s’est transformé. Silence, impuissance, insouciance Voilà ce qu’on reproche souvent à Dieu dans la musique contemporaine. Cette contestation, cette remise en question de Dieu, n’est toutefois pas nouvelle.
- Dans certains psaumes de la Bible hébraïque, la musique et le chant sont utilisés pour reprocher à Dieu son inaction, son insensibilité, sa condescendance ou encore sa colère injustifiée.
- Mais les auteurs bibliques ne rejettent pas Dieu, contrairement à certains musiciens contemporains et leurs « fidèles ».
Dans ce numéro de la revue Théologiques, nous proposons une série d’articles qui font état de cette ambivalence de la musique. Parfois utilisée pour dire Dieu, mais aussi pour maudire Dieu, la musique oscille entre promotion et dénonciation de Dieu et de la religion en général.
Les onze articles que nous présentons ici, sur des sujets aussi variés que la musique classique, les hymnes nationaux, la musique de films d’horreur, en passant par le rock chrétien, la musique métal extrême ou encore la propagande guerrière, d’hier à aujourd’hui, démontrent que la musique forme et transforme le rapport entre l’humain et Dieu.
Ainsi, les actes du continuum de profession de foi et de dépossession des divers dieux trouvent leur sens dans la musique, que ce soit dans sa forme lyrique, par la cadence des chants élogieux ou des grondements démoniaques évoquant l’opposition, ou encore dans l’enchantement pur et sacré de la musique religieuse et de son antithèse, la cacophonie des scènes culturelles marginales qui en appellent à l’enfer plutôt qu’aux cieux.
Comme certains louangent le Créateur et la générosité de ses nombreux sacrifices, d’autres maudissent la nonchalance dont on accuse souvent les religions organisées. Ce numéro spécial rassemble des chercheurs et des penseurs spécialisés dans des disciplines aussi variées que la sociologie, les sciences humaines, la culture de consommation, l’étude des sons, les arts visuels et, bien sûr, la théologie, dans le but d’aider à faire tomber certaines cloisons paradigmatiques renvoyant à des louanges vides, et ainsi favoriser un dialogue pluraliste sur certains thèmes évoluant au fil du temps, des endroits et, de toute évidence, d’un genre musical à l’autre.
Cette volonté de dire ou de maudire Dieu est habituellement influencée par le contexte historique, le vécu et les convictions de ses auteurs, mais aussi par des situations bien particulières. Devant la mort, par exemple. Dans l’article qui ouvre ce numéro (« Dire un dieu de vie devant la mort.
Trois prises de parole : Johannes Brahms, Igor Stravinsky, Frank Martin »), François Vouga analyse les oeuvres de ces trois grands compositeurs. Brahms, Stravinsky et Martin ont, chacun à leur manière, pris l’initiative de re-créer un genre musical enraciné dans la tradition confessionnelle catholique, le Requiem, de le reformuler pour un auditoire universel et ainsi permettre une forme d’espérance pour l’humanité toute entière.
Selon leurs convictions et une réflexion théologique personnelle, ces compositeurs ont imaginé un langage se voulant universel pour dire un Dieu d’espérance devant la mort. Selon Vouga, même s’il est associé à l’histoire de la chrétienté occidentale et à ses traditions confessionnelles et liturgiques, le Requiem est sans doute le genre musical qui s’adapte le mieux à l’environnement culturel de sociétés sécularisées ou laïques.
Parce que l’humanité reste sans réponse devant la mort. Elle reste désarmée devant la mort. Vouga en conclu que « la pensée agnostique moderne n’a guère trouvé de langage alternatif à l’imaginaire symbolique médiéval pour accompagner ses angoisses, ses espérances et ses doutes devant la mort » (57). Mais force est de constater que certains groupes de musique au style très différent et beaucoup plus extrême ont, depuis les années 1980, trouvé un langage alternatif pour aborder le thème de la mort.
C’est le cas, notamment, du groupe Nuclear Death, qui fait l’objet de l’article de Daniel Butler, lui-même chanteur du groupe death métal Vastum, en plus d’être psychothérapeute et psychanalyste. Formé en 1985, le groupe Nuclear Death, dont la musique pourrait être qualifiée de deathgrind (une combinaison de death métal et de grindcore ) est brutale et dérangeante.
- La chanteuse du groupe, Laura (« Lori ») Bravo, qui se qualifie de « sataniste catholique », se dit profondément spirituelle, mais attirée par le côté sombre.
- Nuclear Death ne s’attaque pas à la religion en tant que telle.
- Il ne glorifie pas Satan ni ne méprise Dieu.
- Le groupe présente un monde dans lequel Dieu est absent et où le genre humain n’est qu’une espèce que l’on ne peut distinguer des déchets, des animaux, des insectes Les paroles du groupe sont dystopiques et véhiculent une théologie apophatique, une théologie négative.
Par son absence, Dieu laisse l’humanité dans un état de détresse qui s’apparent à celui d’un vers de terre partiellement écrasé (« half-crushed worm »). L’image est dégoutante, mais tout aussi puissante : une partie du vers est morte alors que l’autre se démène, tente de survivre, mais en vain.
Car Dieu ne fait rien. Il est absent. Selon Butler, les deux albums de Nuclear Death, Bride of Insect (1990) et Carrion for Worm (1991), invitent ses auditeurs à adopter une attitude tragi-comique face à l’absurdité de l’affliction. Son approche psychanalytique appliquée à la mystique du groupe deathgrind de l’Arizona est tout à fait originale.
Très près de ce que Butler exprime dans son article, Wallin aborde avec une grande lucidité le rôle du « son » dans la recherche de mécanismes cognitifs directs, indirects et spéculatifs pour évoquer la puissance du rejet d’une autorité religieuse. Même si son article contient des exemples cinématographiques directs de possessions ayant de toute évidence marqué les esprits par leurs sons démoniaques terrifiants, il nous fournit également un cadre afin de repérer le mal au sein même de l’humanité.
Ainsi, dans la mesure où les effets sonores entourant la possession de Regan dans L’Exorciste et les propos lugubres du mystérieux démon dans L’opéra de la terreur illustrent les horreurs de l’appartenance aveugle de la société aux religions organisées, Wallin met en lumière les tensions schizophréniques que les films d’horreur réveillent chez leur public.
Ce sont ces sons et ce qu’ils évoquent en nous qui nous poussent à commettre le sacrilège de rejeter notre propre humanité et à chercher à révéler « l’autre » visage de la rigidité que nous imposent les structures sociétales néo-libérales. Il suffit de penser à Héréditaire, un film d’horreur psychologique (réalisé par Ari Aster en 2018) qui se moque de la possessivité matriarcale se complaisant dans la souffrance de la perte d’un enfant, mais réussit à trouver une solution féministe à cette dépossession en couronnant ce qui semble être un « faux » prophète, pour en venir à la conclusion que la société postmoderne est condamnée à reproduire les mêmes erreurs.
- Dans cette oeuvre, le son le plus dérangeant survient probablement lors du décès accidentel d’une enfant innocente causé par la distraction et l’irresponsabilité de son grand frère.
- La scène est d’autant plus frappante que le grand frère réalise silencieusement le rôle horrible que son immaturité a joué dans la mort de sa soeur.
Dans ce numéro spécial, Nelson effectue une analyse tout aussi fondamentalement humaniste du film Mère !, dans laquelle il compare savamment les méthodes de la littérature espagnole du début de l’époque postmoderne et du cinéma contemporain pour aborder des idéaux féministes renvoyant à l’importance de la Sainte Vierge et du sacrifice ultime qu’elle fait en donnant naissance à Jésus pour le bien du monde.
Son interprétation moderne du féminisme démontre parfaitement que l’étude de la littérature et des langues modernes et les spéculations qui en découlent jouent un rôle central dans la propagation d’idées ne trahissant pas nécessairement un paradigme guindé et solipsiste, mais ouvrant la voie au pluralisme par l’analyse des aspects inductifs de textes, d’images et de sons.
La théologie apophatique est aussi abordée dans l’article de Niall Scott : « Black Metal’s Apophatic Curse ». Scott s’attarde quant à lui au black métal, un genre musical reconnu pour son aversion envers Dieu et la religion en général. Selon l’auteur, le black métal est devenu partie intégrante de la tradition apophatique.
En utilisant la théorie du désir et de la renonciation, formulée par Bruce Milem (2007), Scott propose une analyse de paroles apophatiques de certaines chansons de groupes black métal. Dans la tradition chrétienne, la théologie apophatique cherche à acquérir une compréhension plus approfondie de Dieu afin d’en souligner la transcendance.
La théologie apophatique n’a donc rien de négatif à dire contre Dieu. Ce qui n’est pas le cas dans la musique black métal où un langage négatif et négationniste est utilisé. Mais il ne s’agit pas seulement d’un rejet de Dieu. Selon Scott, on s’en éloigne dans un état de déception.
Ce que Dieu n’est pas, est ici négatif. Dieu n’est pas. Tout simplement. Dans ce cas, la théologie apophatique est véritablement négative : Dieu est maudit. Scott démontre qu’en plus de maudire Dieu, le black métal tourne le dos à Dieu. Et le rejette complètement. L’étude de Unger apporte un regard différent.
Bien qu’il admette d’emblée que la musique métal extrême entretient des rapports conflictuels avec la religion, Unger souligne, dans son article « Ode à un Dieu agonisant. Dégradation des symboles chrétiens dans le métal extrême », que ses rapports avec Dieu sont complexes et ne se limitent pas à la raillerie, au mépris ou à la dérision.
Dans son article, l’auteur examine les rapports, souvent sincères et bienveillants, quoique critiques, du métal extrême avec Dieu, la théologie et la religion. Pour démontrer que la critique de la religion peut inverser les théologies et les métaphysiques normatives et les dégrader, Unger propose une analyse approfondie des paroles du dernier album du groupe culte Celtic Frost, paru en 2006 et intitulé Monotheist,
Le groupe suisse s’en prend en particulier à la religion organisée et souligne les contradictions et les points nébuleux du monothéisme biblique selon le point de vue de Dieu, Jésus ou encore Satan. L’auteur en vient à la conclusion qu’en inversant les mythes de la religion et de la métaphysique chrétienne d’une façon créative et pessimiste, le métal extrême cherche à éroder la prédominance des récits normatifs sur la religion, l’éthique et le corps ; à exposer le côté sombre qui se cache derrière une façade de bonheur et de paix.
Bon nombre de groupes de musique de métal extrême dénoncent et s’en prennent à Dieu, ses adeptes et l’influence de la religion judéo-chrétienne sur la culture et la civilisation occidentale. Mais jusqu’à quel point ces groupes sont-ils sincères dans leur discours contre Dieu et les religions en général ? L’article de Podoshen (« Tracing the Trajectory of Cursing God in Extreme Metal ») apporte d’importantes nuances.
En se basant sur une analyse détaillée des paroles de plusieurs groupes phares de la musique extrême depuis les années 1980, Podoshen en arrive à définir trois catégories ou trois vagues. Dans la première vague de métal extrême qui débute au début des années 1980, des groupes comme Venom ou encore Slayer utilisent à profusion une imagerie sataniste et anti-chrétienne (pentagramme et croix inversés, le « chiffre de la Bête » (666), titres d’album comme Welcome to Hell, At War with Satan, Hell Awaits, etc.) dans le but avoué d’attirer l’attention et de choquer, particulièrement les chrétiens conservateurs.
- Leur satanisme n’est évidemment pas sincère.
- Mais un mouvement résolument opposé à la religion judéo-chrétienne verra le jour au milieu des années 1980 et au début des années 1990 avec des groupes comme Death, Deicide et Morbid Angel.
- Ceux-ci s’attaquent aux courants dominants du christianisme et au télévangélisme et font de la critique systématique du christianisme la pierre angulaire des paroles de leurs chansons qui sont également marquées par les thèmes de l’horreur et de la dystopie.
Une troisième catégorie, qui émerge particulièrement dans les pays scandinaves au début des années 1990, prendra une tangente beaucoup plus dramatique et sera marquée par une série d’incendies d’Églises et même d’assassinats. Influencés par l’iconographie satanique de groupes des années 1980, des groupes comme Mayhem, Burzum et Emperor, pour ne nommer que ceux-là, ont favorisé l’émergence d’une sous-culture qui a parfois débouché sur de réels actes de violence.
Heureusement, le discours sur Dieu ne débouche pas toujours sur des actes violents et condamnables. Stéphane Perreault, Marie-Chantal Falardeau et Jeanne Guèvremont nous amènent complètement ailleurs en s’interrogeant sur le rôle de la religion dans les hymnes nationaux. Que peuvent-ils nous apprendre au niveau théologique ? Quels discours sur Dieu proposent-ils ? Sans surprise, le ton diffère de la musique métal extrême, l’hymne national étant vecteur de contenu religieux.
La religion est, en effet, un des thèmes les plus souvent présents dans les hymnes nationaux. L’étude de Perreault, Falardeau et Guèvremont montre que près de la moitié des hymnes nationaux étudiés (47 %) font spécifiquement référence à une entité religieuse, que 19 % (38/195) d’entre eux comportent des connotations religieuses, alors qu’à peine 34 % (66/195) ne contiennent aucun référent religieux.
En croisant ce codage avec la religion pratiquée dans un pays, les auteurs ont remarqué que la mention d’une entité religieuse dans les hymnes nationaux est présente dans presque toutes les religions du monde et que l’entité religieuse a plusieurs « visages » : elle est parfois considérée comme étant au-dessus de tout et de tous, parfois comme un collaborateur ou un associé du pays et de ses citoyens.
À noter que dans tous les hymnes nationaux où il est question de Dieu (quel qu’il soit), le discours est positif. Mais pour qu’une métaphore relative à une entité religieuse fonctionne, elle doit faire partie de la culture populaire. Or, dans un pays de plus en plus sécularisé comme le Canada, certains citoyens se questionnent à savoir si le mot « Dieu », dans la version anglophone de l’hymne national canadien, a encore sa place.
Il serait par ailleurs intéressant de voir quelle place occuperait Dieu dans les hymnes nationaux si les paroles pouvaient être changées de nos jours Mais les discours positifs à propos de Dieu et/ou de la religion ne sont toutefois pas confinés à la musique classique ou aux hymnes nationaux. En effet, depuis les années 1980, et surtout depuis les années 2000, des individus profondément religieux — particulièrement dans la religion chrétienne — ont adopté des pratiques qui semblent en contradiction avec leur religion telle qu’elle est généralement perçue dans l’imaginaire populaire.
En effet, la musique heavy métal, souvent associée au Diable, a été adoptée par plusieurs groupes de musique chrétiens. On y utilise une musique généralement considérée comme étant fondamentalement opposée au christianisme et associée à la rébellion contre Dieu pour véhiculer un message en faveur de Dieu et de la religion chrétienne.
Le heavy métal chrétien, qui a gagné en popularité depuis le début des années 2000, et ce à l’échelle internationale, est étudié par le musicologue Éric Smialek. En appliquant les théories sur la formation de l’identité tirées de la psychanalyse freudienne et lacanienne, Smialek étudie trois cas distincts.
Celui de Fratello Metallo (« Frère Métal »), un moine capucin chantant dans un groupe heavy métal, le cas des « messes métal » en Finlande et en Colombie, puis le cas de groupes de métal extrême chrétien, comme Horde, qui réutilise un son et des images généralement associés au black métal, mais à des fins de prosélytisme religieux.
C’est ainsi que nous en venons aux réflexions de Varas-Diaz et de Morales et à leurs interprétations et perceptions uniques des effets de la religion sur la musique heavy métal postcoloniale dans les pays d’Amérique latine. En plus de la monumentale recherche qualitative entreprise aux fins de cette analyse, il faut absolument souligner le rôle de premier plan que Varas-Diaz a joué (et joue toujours) dans l’étude de la marginalisation contextualisée de la religion et de la capacité hypnotique des formes d’arts marginales à générer une résistance sociétale et politique.
Varas-Diaz compte parmi les rares chercheurs en sociologie capable de s’immerger en profondeur dans les collectivités et d’utiliser ses exceptionnelles capacités de conteur et de réalisateur pour produire des récits audiovisuels qui donnent du pouvoir aux collectivités marginalisées en magnifiant leur voix et leur culture.
- Les fans de métal chrétien, qui doivent faire face à l’opposition du milieu international de la musique métal et à la droite chrétienne conservatrice, tentent de se convaincre les uns les autres que les chrétiens peuvent écouter de la musique agressive la conscience tranquille.
- Pour se faire, ils se servent, entre autres choses, des réseaux sociaux pour élaborer des stratégies leur permettant de concilier conviction religieuse et intérêt pour un style de musique qui est, en grande partie, né d’une rébellion contre Dieu, contre la religion Mais les chrétiens amateurs de musique métal ne sont pas les seuls à se servir des réseaux sociaux ou de vidéos diffusées en libre accès sur Internet pour véhiculer un discours théologique ou encore pour faire la promotion de leur idéologie et de leurs convictions religieuses.
Des groupes, non pas musicaux cette fois, mais plutôt armés, se servent des mêmes médias, mais avec des objectifs bien différents. C’est le cas, notamment, de Daech, aussi connu sous le nom d’État islamique (EI), qui fait la promotion de son idéologie djihadiste-salafiste en accompagnant souvent ses vidéos diffusées sur Internet de chants a capella, connus sous le nom d’ anachîds,
- Certaines vidéos, dans lesquelles le groupe armé s’attaque au passé préislamique de l’Iraq, sont analysées par les co-directeurs de ce numéro spécial de Théologiques, Vivek Venkatesh et Éric Bellavance.
- Venkatesh qui est, entre autres choses, co-titulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents, a beaucoup travaillé sur les vidéos diffusées en libre accès sur Internet par Daech en utilisant des théories développées dans les domaines de la psychologie sociale, du marketing, de la culture de consommation et de la philosophie postmoderne.
Bellavance, qui est historien et spécialiste de la Bible hébraïque a quant à lui travaillé sur les empires mésopotamiens du premier millénaire avant notre ère. Or, dans un certain nombre de vidéos, Daech présente le pillage, le saccage et la destruction de vestiges de l’Empire néo-assyrien, qui a dominé le Proche-Orient entre le x e et le vii e siècle avant notre ère.
Ironiquement, les Assyriens, dont certains vestiges archéologiques importants ont été détruits par Daech puisqu’ils appartiennent au passé préislamique de l’Iraq moderne, ont été les premiers à faire usage de musique dans leur propagande religieuse et militaire, ce qui sera analysé dans la première section de l’article.
Dans la deuxième partie de l’article, les auteurs démontrent comment l’hyperviolence et la consommation morbide de dystopies des vidéos de Daech interagissent avec les concepts de religion, de blasphème et de politique sociale. Parmi les décombres métaphoriques que Venkatesh et Bellavance ont tenté de dépoussiérer dans leurs analyses respectives et lors de la préparation de ce numéro collaboratif exclusif, un des thèmes clés est l’important rôle social et pédagogique que les arts et les sciences humaines doivent jouer dans l’élimination des cloisons entre les cercles universitaires.
- En fait, si le milieu universitaire n’a pas de capacités pédagogiques à la hauteur de son engagement envers les dieux théoriques et leurs antithèses, il demeurera insupportablement arrogant aux yeux du grand public.
- Heureusement, la pédagogie sociale mise de l’avant dans ce numéro spécial le rend convivial, inclusif et réfléchi.
À preuve, notre large éventail de collaborateurs a démontré, par la qualité de leurs articles, une volonté manifeste de faire fi des frontières disciplinaires à laquelle leur formation (entre autres) les contraint habituellement. La réflexion des co-directeurs sur les articles de ce liminaire laisse place à certaines spéculations allant au-delà des théories habituelles ; et pourtant, ce numéro spécial dans son ensemble ne porte la marque d’aucune discipline précise.